Le rendez-vous annuel des entreprises tricolores ayant fait le choix du Fabriqué en France s’est tenu du 8 au 11 novembre à Paris. Pour cette édition, le salon a pour la première fois mis l’accent sur l’international et l’export. Car, si elle peut être un sujet de fierté nationale, l’origine France est également un excellent argument de vente hors des frontières hexagonales, là où se trouvent les relais de croissance. Rportage.
En ce jour d’ouverture, les allées du hall 3 du parc des expositions de la porte de Versailles grouille de monde. Armés de plans du salon, les visiteurs partent en quêtent de chaussettes, de crèmes de beauté, de pompes à chaleur, de jouets en bois, de nourriture pour chiens et chats, de jeans, de lunettes, de charcuteries ou de vélos électriques.
Au-delà de cet inventaire à la Prévert, tous ces produits ont en commun d’avoir été produits en France. Sur un millier d’exposants, 73 mettent en avant des biens labelisés Origine France Garantie, du nom de l’association certifiant que 50 % au moins du prix de revient unitaire d’un produit est effectivement acquis en France.
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Toutes les « vedettes » du Made in France sont présentes : 1883 et ses jeans, Daan Tech et ses appareils électroménagers, Marius Fabre et ses savons ou encore le Slip français et ses sous-vêtements pour homme. En avril dernier, cette entreprise annonçait d’ailleurs un changement de positionnement. Signe que rien n’est gravé dans le marbre (et que l’inflation laisse des traces), la marque a lancé (R)évolution, une gamme de produits à 20 euros, un prix nettement inférieur au prix de vente d’un de ses boxer (autour de 40 euros).
Des marges de progression à l’international
Si la réindustrialisation du tissu économique et le Made in France ont le vent en poupe auprès des consommateurs certaines de ces entreprises demeurent en effet fragiles. Aussi l’export constitue-t-il un important relai de croissance. Alors qu’elles jouent la carte de la proximité entre producteur et consommateur sur leur marché domestique, à l’international, ces entreprises tablent sur la réputation d’excellence des secteurs phares du commerce extérieur tricolore : le luxe, l’agroalimentaire, les vins et spiritueux ou encore la mode.
Une étude parue à l’occasion de ce salon sur la perception et la consommation de produits français montre cependant qu’au-delà des poncifs habituels sur ces spécialisations sectorielles les consommateurs étrangers montrent certes de l’appétence pour le Made in France, mais pour des raisons moins attendues. Ainsi, pour les Allemands, l’origine France est d’abord un signe de qualité. Par ailleurs, des marges de progression existe : les trois quarts des sondés (en Allemagne, aux Etats-Unis, en Italie et en Chine) disent vouloir acheter plus de produits français tandis que 35 % des Allemands et 40 % des Américains estiment qu’ils ne sont pas assez visibles dans leurs réseaux de distribution.
Les exportateurs maintiennent leurs efforts
Parmi les entreprises présentes à la porte de Versailles, les stratégies de développement à l’export varient.
Le Parapluie de Cherbourg réalise ainsi 10 % à l’export, principalement au Bénélux et au Japon, mais compte redévelopper l’international. « Nous n’avons pas encore de démarche de chasse de nouveaux marchés et fonctionnons par opportunisme, explique son dirigeant, Charles Yvon. En revanche, l’étude des visites de notre site Internet et des demandes qui nous parviennent du Bénélux et du Japon, mais aussi de Corée du Sud et d’Amérique du Nord montrent clairement qu’il y a un regain d’intérêt pour les savoir-faire français ».
Chez Duralex, l’export fait partie des nombreux chantiers en cours après la reprise de l’entreprise en Scop (Société coopérative de production) par ses employés, en août dernier. « L’international est toujours une priorité, précise Marc Lemieux, responsable du commerce France et Europe du fabricant de verres. En 2024, nous allons réaliser un chiffre d’affaires de 27 millions d’euros dont 80 % à l’export, principalement au Moyen-Orient, en Asie et en Amérique du Nord ».
Bientôt un guichet de la Team France Export ?
Cette prépondérance de l’international tient aussi à des contraintes techniques. Dans le secteur de la verrerie, quand un four est allumé, il l’est pour entre 5 et 8 ans. Il faut donc trouver des débouchés à la production, au-delà du marché domestique. En sus de son réseau de distribution physique, l’entreprise vend également via Internet et dispose d’un site d’e-commerce BtoB qu’elle compte développer.
Conscients de l’importance de l’export pour ces entreprises, les organisateurs du salon ont placé le sujet sur le devant de la scène cette année. Outre la publication de l’étude déjà citée sur la perception du Made in France, cet événement accueillait pour la première fois un stand des Conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF). « C’est une initiative commune avec le réseau des CCI, relève Sophie Taïeb présidente du comité des CCE du 92. Nous ne sommes pas attendus ici alors que les CCEF proposent un programme de mentorat qui permet d’être accompagné à l’export. L’idée est de nous faire connaître auprès des entreprises ». Les discussions vont bon train sur le stand des CCE et l’idée d’un stand regroupant les acteurs de la Team France Export est évoquée…
L’art du pricing
Certains CCEF sont d’ailleurs présents sur les stands de leurs propres entreprises. C’est le cas de la fabrique de chaussons Airplum, qui a remporté le prix export du salon, lancé cette année. Cette entreprise périgourdine née en 1947, qui compte 52 employés et se présente comme le plus grand fabriquant de pantoufles en France, a été rachetée il y a un an et demi par trois amis ayant tous fait des carrières dans des grandes entreprises implantées en Asie et tous trois CCEF. Hors production en marque blanche pour la grande distribution, la marque exporte 15 % de ses volumes.
A l’inverse du Slip français, l’entreprise ne souhaite pas trop serrer ses prix. Pour son président, Frédéric Gurial de Haas, qui a ouvert le premier bureau d’Aigle en Asie dans une précédente vie professionnelle, « à l’international, il est important de redonner une valeur juste au produit ». « Sur le salon nous vendons des paires à 25 ou 28 euros, notre marque le Chat botté, destinée à la grande distribution propose des paires à moins de 20 euros, mais un client étranger s’attend à des produits premium car Made in France et nous soignons tout particulièrement ces modèles, nous leur donnons de la valeur grâce aux matériaux utilisés pour les vendre entre 40 et 45 euros ». L’entreprise travaille donc à de nouveaux modèles, plus hauts de gamme afin de séduire ses clients étrangers.
Car pour réussir le pari de l’international et développer la production en France, toutes ces entreprises ont intérêt à ne pas pantoufler.
Sophie Creusillet