Le président de la République française Emmanuel Macron a entamé lundi 28 octobre une visite officielle de trois jours dans le Royaume chérifien qui vient clore trois années de fâcherie diplomatique. Il est accompagné d’une importante délégation d’entreprises souhaitant profiter des opportunités offertes par le plan national de développement dans des secteurs comme les infrastructures ou les énergies renouvelables.
La France n’a pas lésiné. Pas moins de neuf ministres, une quarantaine d’entreprises et une délégation de 45 personnalités du monde de la culture, de la recherche et du sport sont également de ce voyage présidentiel. Après trois années de discorde en raison de la réduction du nombre de visas français, de l’affaire du logiciel Pegasus et, surtout, du désaccord sur la Sahara occidental aujourd’hui apaisé, les relations franco-marocaines se veulent au beau fixe. Selon l’Elysée, cette visite « vise à marquer une nouvelle ambition pour les trente années à venir de la relation franco-marocaine ».
Cette « ambition » méritait donc bien la présence de neufs ministres (Intérieur, Education nationale, Affaires étrangères, Culture, Défense, Economie et Finances, Agriculture, Enseignement supérieur et recherche et Transition écologique) et de grands patrons comme Estelle Brachlianoff (Veolia), Hervé Derrey (Thalès), Laurent Germain (Egis), Christelle Heydemann (Orange), Catherine MacGregor (Engie), Ross McInnes (Safran), Henri Poupart-Lafarge (Alstom), Patrick Pouyanné (Total Energies), Rodolphe Saadé (CMA CGM), Sabrina Soussan (Suez) ou encore Wouter Van Wersch (Airbus International).
Au total, la délégation comporte 120 personnes.
Au programme : infrastructures, ENR et agriculture
De son côté le Royaume a également mis les petits plats dans les grands : dîner d’Etat, entretien en tête-à-tête avec le roi Mohammed VI, déjeuner en compagnie d’une délégation culturelle, discours d’Emmanuel Macron devant le Parlement… Dans cet emploi du temps au cordeau, il est prévu que le Président aille à la rencontre de la communauté française et participe à la clôture des rencontres entrepreneuriales Maroc-France. Car, si cette visite marque un net réchauffement des relations entre Paris et Rabat, elle doit aussi être l’occasion d’annoncer pléthore d’accords dans plusieurs secteurs.
De source élyséenne, seront en effet notamment abordés la gestion de l’eau, les infrastructures (notamment dans le cadre de l’organisation de la coupe de monde de football en 2030 avec le Portugal et l’Espagne), l’agriculture ou encore le numérique (dont l’intelligence artificielle et les jeux vidéo).
Fort d’une croissance du PIB de l’ordre de 2 % par an, d’un ambitieux plan national de développement à 2030 et de réelles expertises industrielles dans des secteurs comme l’automobile ou l’aéronautique, le Maroc veut se positionner comme un hub entre l’Europe et l’Afrique et tabler sur cet argument pour attirer les investisseurs.
Les grands groupes français aux avant-postes
Concrètement, des accords doivent être signés dans les domaines « de l’énergie, de l’eau, de l’éducation, le capital humain, mais également la sécurité intérieur » d’après l’Elysée, sans donner plus de précisions.
Selon des informations du Monde, le plus important sera un accord bilatéral dans l’énergie, préparé par Gérard Mestrallet, envoyé spécial du Président pour le projet IMEC de couloir logistique entre l’Europe et l’Asie. Toujours selon la même source, Engie devrait signer un accord de plusieurs milliards d’euros dans les énergies renouvelables, Alstom pour la fourniture de 168 trains à l’Office national des chemins de fer, Airbus pour la vente d’avions de ligne à la RAM et d’hélicoptères à l’armée. Naval Group pourrait aussi signer un contrat pour deux sous-marins.
Deuxième partenaire commercial du Maroc derrière l’Espagne, la France est le premier investisseur étranger avec 1 000 entreprises tricolores présentes sur place. En 2023, les échanges commerciaux, en hausse de 5 %, ont atteint 14,1 milliards d’euros (Md EUR). Les exportations françaises vers le Maroc (6,7 Md EUR en 2023) ont augmenté de 9 % entre 2019 et 2023, tirées par les ventes de céréales et de blé. La France exporte aussi des matériels de transport (24 % du total en 2023) incluant des pièces automobiles.
Cette visite marquant le réchauffement des relations franco-marocaines, fondé en partie sur l’évolution de la position française sur le Sahara occidental vers celle de Rabat, risque de tendre encore un peu plus les relations avec l’Algérie voisine qui soutient les indépendantistes sahraouis.
Sophie Creusillet