L’Association nationale des industries agroalimentaires (Ania), Business France et l’Association des utilisateurs de transport de fret (Autf) sont revenus sur les performances à l’export des produits agricoles et agroalimentaires, le temps d’une table ronde sur le Salon international de l’alimentation (Sial), qui a fermé ses portes le 23 octobre.
Mal en point les exportations tricolores ? A 82 milliards d’euros (Md EUR), elles ont accusé en 2023 une baisse de 3 % par rapport à 2022. Pas de quoi s’affoler, estime la cheffe du service études de Business France, Stéphanie Léo. « Leur recul suit la baisse mondiale dans les mêmes proportions. Nous assistons à un retour à la normale après une année 2022 qui a enregistré des croissances à deux chiffres en raison de l’inflation »
Dans le détail, la filière des vins et spiritueux continue de jouer son rôle de locomotive malgré une baisse d’également 3 % l’an dernier, à 12 Md EUR. « La baisse des volumes, de 8 %, est plus inquiétante, souligne la responsable des études de marché. Elle tient au ralentissement du marché américain, qui écoule ses stocks, et à la baisse de la consommation de vin chez les plus de 65 ans. »
Viennent ensuite les produits laitiers qui, malgré une baisse de 1 % en valeur, passent devant les céréales dont les exportations ont dévissé de 33 % en raison du retour de l’Ukraine et de la Russie sur le marché mondial.
Un déficit de 8,5 milliards d’euros hors vins et spiritueux
A contrario, certains segments ont connu une embellie. C’est ainsi le cas des pommes de terre, de l’alimentation animale et de l’épicerie sucrée, se félicite Stéphanie Léo.
Si l’agroalimentaire demeure une valeur sûre du commerce extérieur français, « la place de l’export varie d’une filière à l’autre, allant de 10 % à 85 % pour le malt par exemple », remarque Pierre-Marie Décoret, directeur économie de l’Ania, pour qui « le succès des vins et spiritueux à l’international, c’est l’arbre qui cache la forêt car si l’on exclut cette filière, le déficit commercial de la France atteint 8,5 Md EUR ». Et d’ajouter : « Alors que nos échanges se dégradent, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne nous prennent des parts de marché ».
L’économiste de l’Ania est convaincu de la nécessité d’aller chercher des relais de croissance à l’international. Le marché européen n’a plus le vent en poupe pour les exportateurs et la tendance ne devrait pas s’inverser de sitôt. « Alors que la planète devrait compter 1,6 milliard d’humains supplémentaires dans 25 ans, la population européenne vieillit et ne sera pas celle qui augmente le plus, observe l’économiste. Il y aura donc peu de volume à aller chercher sur les marchés européens. »
Mettre le cap sur les marchés tiers
Pour l’heure, 70 % des exportations de produits agricoles et agroalimentaires sont écoulées en Europe dont seule la partie centrale et orientale montre encore un certain dynamisme. Pour Stéphanie Léo, des marchés plus réjouissants sont à aller chercher du Côté de l’Asean (en particulier dans la boulangerie-viennoiserie-pâtisserie et les produits gourmets), l’Asie du Nord (vins et spiritueux surtout, mais aussi les produits sains et la restauration haut de gamme). Plus près de nous, « l’Irlande souhaite s’émanciper du Royaume-Uni et importer en direct grâce à l’ouverture de nouvelles liaisons maritimes ».
Le coût du transport maritime est d’ailleurs une préoccupation majeure des exportateurs. « La hausse des prix de la logistique maritime est étroitement liée à des événements climatiques comme la sécheresse du canal de Panama ou les attaques armées en mer Rouge, rappelle Jean-Michel Garcia, délégué aux transports internationaux de l’Association des utilisateurs de transport de fret (Autf). Alors que le coût de transport d’un conteneur de 40 pieds entre l’Europe et l’Asie a été multiplié par dix pendant le Covid, il a à nouveau été multiplié par quatre, passant de 1300 à 6000 dollars après le début de la crise en mer Rouage et avant de redescendre ensuite ».
Les relais de croissance sont donc désormais à aller chercher beaucoup plus loin que sur le Vieux continent, au grand export, et en tenant compte de la grande volatilité des taux de fret ainsi que des soubresauts géopolitiques du monde.
Sophie Creusillet
Pour prolonger, lire sur notre site : Agroalimentaire : le guide « Où exporter en 2025 » est en ligne