Le secteur du transport routier de marchandise est en souffrance, entre le ralentissement de la demande et la hausse des coûts. Les défaillances sont en forte hausse, inquiétant les organisations du secteur.
L’hémorragie a de quoi inquiéter : au deuxième trimestre de cette année, 603 entreprises des transports de marchandises ont connu des défaillances donnant lieu à une procédure collective en France, soit une hausse de 45 % sur un an et de 73 % sur 2 ans, selon des données d’Ellisphere / Officiel des Transporteurs. Sur ce total, 469 ont terminé par une liquidation judiciaire. Plus de la moitié des cas concernent de petites structure de moins de 10 salariés.
D’après l’Union TLF (Union des entreprises transport & logistique de France), la fédération des entreprises de transports et logistiques, c’est du jamais vu depuis… 1990. De fait, cette tendance ne peut s’expliquer par le seul effet de rattrapage post-Covid : les procédures collectives étaient en effet nettement moins nombreuses avant la crise sanitaire, avec 305 cas recensés au 2ème trimestre 2019.
En cause, la faiblesse persistante de la demande, que la période des Jeux olympiques n’a pas permis d’endiguer, alors que les coûts ont progressé de 5,4 % hors gazole, selon le Comité national routier, cité par l’Union TLF. Le secteur, déjà affaibli, a en outre dû faire face à plusieurs crises sociales entre les mouvements de contestation de la réforme des retraites, la crise des agriculteurs, les intempéries, ou encore les blocages des ports.
Timide remontée des taux de fret routier
D’après Upply, sépecialiste du marché du fret, le deuxième trimestre 2024 a été marqué par une embellie sur les taux de fret, après deux trimestre consécutif de baisse. L’indice Upply des taux de fret routier spot en Europe s’est établi à 127,7, en progression de 3,5 points en glissement trimestriel et de 0,8 point en glissement annuel. De quoi donner un peu d’optimisme au secteur. Toutefois, la prudence doit rester de mise. Selon Upply, « il serait en (…) prématuré de parler de reprise. Sur le marché contractuel, la baisse des taux de fret amorcée au trimestre précédent se poursuit. Au 2è trimestre 2024, l’indice Upply des taux de fret routier contractuels en Europe s’établit à 127,1, en repli de 1,3 points en glissement trimestriel et de 0,7 point en glissement annuel ».
Dans un communiqué de presse, TLF lance un cri d’alarme aux pouvoirs publics en pleine crise alors que le gouvernement en place est toujours démissionnaire. « Le secteur du transport et de la logistique est vital pour l’économie française, souligne-t-elle. De sa bonne santé dépend le plein-emploi, la réindustrialisation et la transition écologique dans notre pays. La filière transport et logistique emploie plus de 2 millions de personnes et représente 10% du PIB français. Préserver sa compétitivité doit être une priorité pour le futur gouvernement et la prochaine législature ».
« Nous sommes frappés par le décalage entre le débat politique de cette rentrée et la réalité de nos entreprises, insiste Eric Hémar, président de l’Union TLF. Une crise économique frappe de plein fouet notre secteur depuis plus d’un an maintenant. Cette situation met en péril de nombreuses entreprises, notamment les plus petites et, avec elles, l’emploi et la vitalité de nos territoires. L’Union TLF appelle à un sursaut qui donne priorité à la défense de la compétitivité de nos entreprises et du plein-emploi ».
Concrètement, l’Union TLF demande des mesures urgentes pour soutenir le secteur dans la prochaine Loi de finance, dont la baisse de la fiscalité globale pour la mettre au niveau de la moyenne européenne (coût du travail, impôts de production, fiscalité des carburants), la suppression du bonus-malus de l’assurance-chômage (qui n’a pas, selon l’Union TLF, fait la preuve de son efficacité) et enfin le maintien des aides au verdissement des flottes (suramortissements, aides directes, infrastructures de recharge).
Au moins pour le volet soutien au verdissement des flottes, le gouvernement démissionnaire vient de répondre favorablement, du moins partiellement : Bercy a en effet publié le 2 septembre un communiqué annonçant le lancement de la deuxième tranche du programme E-Trans porté par l’Ademe et visant à soutenir financièrement la transition énergétique du secteur routier. Pour 2024, l’enveloppe de l’appel à projet a été doublée par rapport à 2023, à 130 millions d’euros.
Pour le reste, il faudra attendre la nomination d’un nouveau gouvernement, et donc d’un nouveau ministre des Transports, en attente depuis près de deux mois.
C.G