La France est, au quatrième trimestre 2009, dans le peloton de tête des pays européens où les coûts de la main d´œuvre sont les plus élevés, y compris par rapport à l´Allemagne, selon une note de l´Institut Coe-Rexecode publiée cette semaine sur son site Internet.
La France serait à 33,2 euros de coût horaire moyen dans les secteurs de l´économie marchande (hors apprentis), contre une moyenne de 24,3 euros dans l´Union européenne et de 28,2 euros dans la zone euro (moyenne sur 14 pays, hors Finlande et Irlande). Cette évaluation se fonde sur une actualisation d´une enquête d´Eurostat qui date de 2004 (en cours d´actualisation pour l´année 2008), réalisée grâce aux derniers indices trimestriels publiés par l´Institut statistique européen.
La France est au 4ème rang des coûts les plus élevés, derrière le Danemark (1er avec 36,5 euros), la Belgique (35,9 euros) et le Luxembourg. L´Allemagne est 8ème avec 30,6 euros, précédée de l´Autriche (32,2 euros), de la Suède (31,6 euros) et des Pays-Bas (31 euros). Dans la zone euro, huit pays parviennent à être en dessous de la moyenne de la zone et sept en dessous de la moyenne de toute l´Union européenne : l´Italie (26,6 euros), l´Espagne (20,2 euros), la Grèce (17,9 euros), Chypre (15,6 euros), la Slovénie (13,7 euros), le Portugal (12,2 euros), Malte (10 euros) et la Slovaquie (7,8 euros).
Ces coût horaires incluent salaires et charges (légales et conventionnelles) et tiennent compte des variations de change : pour le Royaume Uni, par exemple, la chute de la livre Sterling par rapport à l´euro entre 2004 et 2009 a entraîné une baisse de 9 % du coût horaire en euros alors qu´elle s´est traduit par une hausse de 21,5 % en livres Sterling.
« Il est clair que l´Allemagne, à partir du milieu des années 90, a fait un effort considérable pour améliorer sa compétitivité : au milieu de cette décennie, ses coûts horaires étaient supérieurs à ceux de la France », commente Jean-Michel Boussemart, économiste chez Coe-Rexecode et auteur de cette note. Le fait que son industrie ait délocalisé une partie de sa production dans les pays d´Europe de l´Est y a contribué : «Certainement, il y a eu un transfert de coût vers des pays comme la république Tchèque ou la Slovaquie ». Mais l´effort sur les coûts de la main d´œuvre ont été bien réels.
Dans l´industrie manufacturière toutefois, secteur clé pour le commerce extérieur, il semble que la France soutienne encore la comparaison avec son partenaire allemand : le coût horaire de la main d´œuvre s´établit à 33,8 euros, supérieur à la moyenne de la zone euro (29,9 euros) mais largement inférieur à celle de l´Allemagne (35 euros), le pays le plus « cher » étant la Belgique (38,7 euros). Le Royaume-Uni se situe, pour sa part, à 22,3 euros. Cette performance relative de l´industrie française, comparée à son voisin allemand, est une surprise. Pour Jean-Michel Boussemart, l´écart tient à « la tradition industrielle de l´Allemagne », qui entraîne une meilleure valorisation des salaires dans ce secteur qu´ailleurs. Reste tout de même que l´industrie française semble plus compétitive.
Dans le débat qui agite depuis quelques semaines les économistes sur le thème de la politique économique allemande, critiquée pour être trop orientée sur sa compétitivité et ses exportations et insuffisamment sur la stimulation de sa demande intérieure, la question de la comparaison des coûts de main d´œuvre est une donnée clé. A condition d´utiliser des données comparables. « La seule source valable, c´est Eurostat, souligne l´économiste. Il faut se méfier de sources comme le Département du travail américain, dont les études ne parlent que de l´industrie manufacturière et des coûts du personnel d´exécution. Or d´un pays à l´autre, la ligne de partage entre personnel d´exécution et maîtrise change. En Allemagne, les personnels de maîtrise sont inclus dans les « workers », les ouvriers ».
Christine Gilguy