Pékin a lancé lundi 17 juin une enquête antidumping sur les importations de viande porcine en provenance de l’Union européenne, accusée d’être vendue à des prix artificiellement bas grâce à des subventions déloyales. Une réponse du berger à la bergère après l’annonce par Bruxelles de droits compensatoires sur les voitures à batteries chinoises. Les producteurs russes sont en embuscade.
Après le cognac, le porc. Cinq jours après l’annonce par l’Union européenne de l’instauration de droits de Douane supplémentaires sur les véhicules électriques chinois, décision prise après une enquête anti-subventions qui a provoqué l’ire de Pékin, les autorités chinoises ont annoncé une enquête similaire sur la viande de porc et de ses dérivés. Déjà, début janvier, ce sont les brandys distillés sur le Vieux Continent, dont le cognac, qui faisaient l’objet de la même initiative.
Un communiqué du MofCom (le ministère du Commerce chinois), précise la période examinée, à savoir l’ensemble de l’année 2023, ainsi que les sous-produits concernés qu’ils soient frais ou congelés : la viande, les morceaux, la graisse, les morceaux entiers ou coupés d’intestins, les vessies et les estomacs. Le ministère estime que l’enquête devrait durer un an mais qu’elle pourrait être prolongée de six mois en cas de besoin. Par ailleurs, « les parties prenantes doivent s’inscrire à l’enquête antidumping auprès du bureau des recours commerciaux du ministère du Commerce dans un délai de 20 jours à compter de la date de la présente annonce », soit avant le 27 juin.
Un marché important pour les abats
En Europe, si cette décision a tout de la mesure de rétorsion, le Copa (Comité des organisations professionnelles agricoles) et la Cogeca (Confédération générale des coopératives agricoles) regrettent que cet enchaînement de sanctions touche cette fois le secteur agroalimentaire. Les deux organisations, qui regroupent des syndicats agricoles européens, estiment que « cette enquête sera un processus très coûteux et contraignant et conduira très probablement à une perte de marché en Chine ».
« Nos exportations de viande porcine vers la Chine ont déjà considérablement diminué au cours des dernières années, la production locale ayant été reconstituée à la suite de l’épidémie de peste porcine africaine, mais l’UE continue d’exporter d’importantes quantités de sous-produits, dont beaucoup ne trouvent pas vraiment de débouchés en Europe, précisent-elles dans un communiqué. Cette enquête aura certainement un impact sur les producteurs de l’UE, en particulier ceux d’Espagne, des Pays-Bas, du Danemark, d’Allemagne, de France, mais aussi de Belgique, qui vient tout juste de retrouver l’accès au marché chinois. »
La concurrence russe en embuscade
En 2023, les livraisons de produits porcins ont représenté 17 % des exportations agroalimentaires de l’Union européenne à destination de la Chine qui a absorbé 12 % de la valeur des exportations tricolores (hors abats). Selon les statistiques douanières compilées par FranceAgrimer, les volumes exportés vers la Chine ont reculé de 16,5 % par rapport à 2022. Le marché chinois, premier client des porcs français hors UE, reste néanmoins très important pour certaines pièces d’abats peu consommées en France comme les pieds et les oreilles.
Le 17 juin, le ministre espagnol de l’Agriculture Luis Planas a évoqué la possibilité d’éviter une guerre commerciale par la négociation et souligné que « de nouveaux marchés s’étaient ouverts » à la viande de porc européenne. En attendant ce sont les porcs russes qui pourraient bénéficier des mesures chinoises. La Russie a en effet signé le 19 décembre un accord sur la fourniture de viande de porc à la Chine.
Début juin, en marge du Forum économique international de Saint-Pétersbourg, Viktor Linnik, le directeur du géant russe de l’agroalimentaire Miratorg a déclaré que 27 000 tonnes de viande de porc de la région Belgorod avaient été livrées à la Chine et que 40 000 tonnes seraient expédiées d’ici à la fin de l’année. Toutes entreprises confondues, un total de 100 000 tonnes de porcs russes sera expédié en Chine cette année, a précisé à la même occasion Sergeï Dankvert, le directeur du Rosselkhoznadzor, le Service fédéral des contrôles vétérinaires et sanitaires.
Sophie Creusillet