Pour la première fois depuis trois ans, les Perspectives économiques mondiales, publiées le 11 juin par la Banque mondiale, indiquent une stabilisation du PIB mondial, mais à un niveau bien en deçà de celui d’avant la crise sanitaire. Il devrait cependant repartir à la hausse en 2026.
La différence est infime. Alors qu’en janvier dernier, les économistes de la Banque mondiale anticipaient une croissance mondiale de 2,4 % pour cette année, ils prévoient désormais une hausse de 2,6 %, les perspectives pour 2025 restant inchangées à + 2,7 %. Si la tendance est, quoique faiblement, haussière, elle reste cependant en deçà de la moyenne de 3,1 % enregistrée ou cours de la décennie précédant la pandémie de Covid-19.
Dans l’ensemble des économies en développement, la croissance devrait légèrement fléchir par rapport à 2023, pour s’établir en moyenne à 4 % en 2024-2025 tandis que celle des pays à faible revenu, atteindra 5 % en 2024 (contre 3,8 % en 2023). Cependant, dans les trois quarts de ces pays, les perspectives de croissance pour cette année ont été revues à la baisse. Dans les économies avancées, la croissance devrait rester stable à 1,5 % en 2024 avant de progresser à 1,7 % en 2025.
Les Etats-Unis, locomotive de la croissance mondiale
Attendue à + 1,6 % il y a encore cinq mois, la croissance américaine devrait finalement atteindre 2,5 % en 2024 (et 1,8 % en 2026), ce qui correspond au rythme de 2023, et représente une hausse de la prévision de 0,9 point. Le rapport souligne que l’économie des Etats-Unis défie les prédictions de ralentissement pour la deuxième année consécutive en raison d’une forte demande et de chiffres de l’inflation plus élevés qui ont retardé les attentes de réduction des taux de la Réserve fédérale. Le rapport estime que la hausse de la croissance mondiale est tributaire à 80 % de l’amélioration de la situation aux Etats-Unis.
Les prévisions de la Chine ont également été revues à la hausse, passant à 4,8 % contre 4,5 % en janvier dernier. Les exportations ont en effet compensé la faiblesse de la demande intérieure. Pourtant, la croissance devrait sensiblement fléchir en 2025, à 4,1, en raison du ralentissement prolongé du secteur immobilier mais aussi de la faiblesse des investissements et de la demande des consommateurs. Les anticipations de croissance pour l’Inde ont également été revues à la hausse, passant de 6,4 % à 6,6 %, en raison d’une forte demande intérieure.
Le spectre de la géopolitique…
A l’inverse l’atonie de la consommation au Japon, ainsi que la baisse des exportations et la stabilisation du tourisme, ont conduit les économistes de la Banque mondiale à revoir à la baisse les prévisions de croissance, de 0,9 % à 0,7 %. Celles de la zone euro demeurent inchangées, à 0,7 %. En cause : des difficultés persistantes à faire face aux coûts élevés de l’énergie et à une production industrielle toujours faible.
A l’instar des autres prévisionnistes, les économistes de la Banque mondiale soulignent que les plus grands risques de dégradation de la conjoncture mondiale se situent à Gaza et en Ukraine. Une extension du conflit en cours entre le Hamas et Israël perturberait davantage le transport maritime, provoquerait une hausse du prix du pétrole et de l’inflation. De même, l’évolution de l’invasion de l’Ukraine par la Russie pourrait déstabiliser les marchés du pétrole et des céréales et donner un sérieux coup de frein aux investissements dans les pays voisins.
… et du protectionnisme
En outre, de nouvelles restrictions commerciales motivées par des rivalités géopolitiques pourrait également entraver la reprise de la croissance du volume des échanges mondiaux. Cette dernière, à peine perceptible en 2023 (+ 0,1 %) devrait bondir à 2,5 % cette année (contre 2,3 % dans les prévisions de janvier). A moins qu’une nouvelle montée en puissance du protectionnisme et des politiques industrielles n’entraîne davantage d’inefficacités dans les chaînes d’approvisionnement mondiales et ne réduisent les investissements dans les marchés émergents et les pays en développement.
En tous cas ce sont ces derniers pays qui ont le plus pâti des crises qui se sont enchainées depuis 2019. En effet, une économie en développement sur quatre devrait rester plus pauvre cette année qu’elle ne l’était en 2019. Indicateur important du niveau de vie, le revenu par habitant dans les pays en développement ne devrait augmenter que de 3 % par an en moyenne jusqu’en 2026, soit une croissance bien inférieure au taux de 3,8 % enregistré dans la décennie ayant précédé la crise sanitaire.
Sophie Creusillet