Déjà bien amorcé, le mouvement de relocalisation des outils de production des entreprises industrielles et manufacturières va s’amplifier dans les trois prochaines années en Europe et aux Etats-Unis, selon une récente étude de Capgemini. Revue de détail.
Elles ont fait couler beaucoup d’encre, d’aucunes les pensaient irréalisables, mais les relocalisations sont bien en cours selon Capgemini, qui a interrogé à ce sujet, en février dernier, 1 300 cadres dirigeants d’entreprises réalisant plus d’un milliard de dollars de chiffre d’affaires annuel dans 11 pays*. Résultat : 47 % des entreprises industrielles européennes et américaines ont déjà investi dans la relocalisation de leur production dans leur pays d’origine ou les pays limitrophes, et 72 % élaborent actuellement une stratégie de réindustrialisation ou en ont déjà mis une en place.
Les marchés domestiques devraient représenter la moitié de la capacité de production totale au cours des trois prochaines années, avec une part du offshore réduite à 17 % (contre 35 % en 2021). Pour renforcer la production sur leur marché domestique ou dans un pays limitrophe (near-shoring), les entreprises interrogées, représentant 13 secteurs industriels, ont prévu d’investir un total de 3 400 milliards de dollars entre 2024 et 2027, soit l’équivalent de 8,7 % de leur chiffre d’affaires.
Sécuriser la supply chain
« Les acteurs de l’industrie accélèrent leurs efforts et initiatives stratégiques pour renforcer la résilience et la flexibilité de leur chaîne d’approvisionnement, restaurer la sécurité nationale dans les secteurs stratégiques, atteindre les objectifs climatiques et retrouver la puissance industrielle dont jouissaient auparavant les pays d’Europe et d’Amérique du Nord, a déclaré Roshan Gya, directeur général de Capgemini Invent. Il s’agit d’un changement structurel auquel les entreprises devront s’adapter. »
Véritable nerf de la guerre depuis la pandémie de Covid-19, la résilience de la chaîne d’approvisionnement est sans surprise l’un des principaux moteurs de la réindustrialisation : 70 % des sondés cherchent à minimiser rapidement tout risque de perturbation majeure sur leurs opérations. Autre moteur clé, les objectifs en matière de décarbonation de la production sont également un bénéfice de la réindustrialisation pour 55 % des entreprises.
Le défi d’une main d’œuvre qualifiée
A l’heure où les conflits se multiplient et où l’incertitude règne, 63 % reconnaissent l’importance stratégique d’une relocalisation pour « garantir la sécurité nationale ». 62 % s’attendent à un renforcement de la dynamique dans des activités stratégiques comme les véhicules électrique, les médicaments et les vaccins ainsi que les semi-conducteurs.
En revanche, tout en reconnaissant que les aides gouvernementales à la relocalisation jouent un rôle positif, seulement un peu moins de la moitié des personnes interrogées (49 %) estiment qu’elles soutiennent leurs efforts de réindustrialisation.
Enfin, les analystes de Capgemini soulignent le défi que constitue la réindustrialisation pour les ressources humaines des entreprises industrielles. La moitié des entreprises interrogées prévoient que la réindustrialisation stimulera la croissance de l’emploi au niveau national dans divers secteurs. Cependant, 72% des organisations interrogées expriment la nécessité d’avoir une main-d’œuvre qualifiée pour répondre à cette demande.
Pour ce faire, la part des talents de l’industrie possédant des compétences digitales poussées, notamment dans des domaines tels que la gestion de la chaîne d’approvisionnement, l’analyse de donnée, l’intelligence artificielle et le machine learning (apprentissage automatique), devrait passer de 31 % aujourd’hui à 53 % au cours des trois prochaines années.
Sophie Creusillet
* Etats-Unis, Allemagne, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grande-Bretagne, Italie, Norvège, Pays-Bas, Suède.