Après avoir reculé de 1,2 % en 2023, les flux internationaux de marchandises devraient se redresser progressivement et enregistrer cette année une croissance en volume de 2,6 %, puis de 3,3 % en 2025, selon les estimations publiées le 10 avril par l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Lentement, mais pas sûrement. Telles sont, en résumé, les conclusions de la dernière édition du Global Trade Atlas de l’OMC sur les perspectives du commerce transfrontalier pour les deux années à venir. Bonne nouvelle : ses auteurs anticipent une baisse des tensions inflationnistes. En mars, la Banque centrale européenne a abaissé ses prévisions d’inflation pour 2024 de 3,2% à 2,7 %. Aux États-Unis, même si elle remonte depuis le début de l’année (elle a atteint 3,5 % en glissement annuel en mars), la Fed conserve l’objectif de la ramener à 2 % d’ici à 2025.
Conséquence : en particulier dans les économies avancées, les revenus réels sont appelés à augmenter et à relancer la consommation de produits manufacturés. « La reprise de la demande de biens échangeables en 2024 est déjà évidente, avec des indices de nouvelles commandes à l’exportation indiquant l’amélioration des conditions du commerce au début de l’année », observent les économistes de l’OMC. Mais l’intensité de ce regain du commerce variera en fonction des régions.
Une reprise inégale des exportations
Du côté des exportations, c’est l’Afrique qui affiche la perspective de croissance la plus forte avec + 5,3 %, une performance à nuancer par un important effet de base, les ventes internationales du continent étant restées particulièrement atones depuis la pandémie de Covid-19. De même que pour les ex-républiques soviétiques membres de la Communauté des États indépendants (CEI)* : leurs exportations devraient être légèrement inférieures à 5,3 % alors qu’elles avaient plongé après le début de la guerre en Ukraine.
Celles de l’Amérique du Nord (3,6 %), du Moyen-Orient (3,5 %) et de l’Asie (3,4 %) devraient croître plus modérément, tandis que les exportations des pays d’Amérique du Sud devraient augmenter plus lentement, à 2,6 %. Surtout, les ventes internationales des pays européens seront à nouveau à la traîne cette année, avec une croissance prévue de seulement 1,7 %.

Forte croissance des importations en Asie et en Afrique
Les exportations de marchandises des pays les moins avancés (PMA) devraient augmenter de 2,7 % en 2024, contre 4,1 % en 2023, avant que la croissance ne s’accélère à 4,2 % en 2025. Dans le même temps, les importations des PMA devraient augmenter de 6 % cette année et 6,8 % l’année prochaine, après s’être contractées de 3,5 % en 2023.
Une forte croissance du volume des importations, qui s’est élevée à 5,6 % en Asie et à 4,4 % en Afrique, devrait contribuer à soutenir la demande mondiale de biens échangés cette année. Toutefois, toutes les autres régions devraient enregistrer une croissance inférieure à la moyenne des importations, y compris l’Amérique du Sud (2,7 %), le Moyen-Orient (1,2 %), l’Amérique du Nord (1 %), l’Europe (0,1 %) et la CEI (-3,8 %).
Dans ce contexte, estime la directrice générale de l’OMC, Ngozi Okonjo-Iweala, « il est impératif que nous atténuions les risques tels que les conflits géopolitiques et la fragmentation commerciale pour maintenir la croissance économique et la stabilité ».
Ainsi, les prix des denrées alimentaires et de l’énergie pourraient à nouveau être soumis à des flambées de prix liées à des événements géopolitiques. Le rapport de l’OMC prend pour exemple la crise dans la mer Rouge et ses conséquences économiques : s’il estime que l’impact des attaques houthies a été jusqu’à présent « relativement limité », il note néanmoins que « certains secteurs, tels que les produits automobiles, les engrais et le commerce de détail, ont déjà été touchés par des retards et des hausses des coûts de transport ».
Le spectre des tensions géopolitiques et de la fragmentation commerciale
Le rapport de l’OMC présente en outre de nouvelles données indiquant que les tensions géopolitiques ont eu un léger impact sur la structure des échanges, mais n’ont pas déclenché une tendance soutenue à la démondialisation.
Ainsi, le commerce bilatéral entre les États-Unis et la Chine, qui a atteint un niveau record en 2022, a augmenté de 30 % de moins en 2023 que son commerce avec le reste du monde. En outre, pour l’ensemble de l’année 2023, le commerce mondial des biens intermédiaires non combustibles – qui fournit une idée utile de l’état des chaînes de valeur mondiales – a diminué de 6 %.
Des signes de fragmentation peuvent également apparaître dans le commerce des services : les importations américaines de services d’information, d’informatique et de télécommunications (TIC) en provenance de partenaires commerciaux nord-américains (principalement le Canada) sont passées de 15,7 % du total des importations de TIC en 2018 à 23 % en 2023, tandis que les importations américaines des mêmes partenaires commerciaux asiatiques (essentiellement en Inde) sont tombées de 45,1 % à 32,6 %.
Fragile, la reprise du commerce international dépendra en grande partie des évolutions des actuelles tensions géopolitiques.
Sophie Creusillet
* Biélorussie, Russie, Arménie, Azerbaïdjan, Kazakhstan, Kirghizistan Ouzbékistan et Tadjikistan