Pour la première fois en 2024, les Rencontres Algérie (5-7 mars) ont été organisées par Business France et ses partenaires en format roadshow à Paris, Marseille et Lyon. Les récents changements de son environnement des affaires et la volonté du pays d’attirer davantage d’investissements productifs ont été mis en avant pour mobiliser les PME françaises. Retour sur l’étape parisienne.
« Un nouveau logiciel ». C’est en ces termes que Said Moussi, ambassadeur d’Algérie en France, a résumé les récents (et nombreux) changements opérés par le gouvernement dans l’environnement des affaires. Baisse des taxes à l’importation, facilitation des investissements, assouplissement de certaines réglementations… Le pays mène des réformes tambour battant pour ne plus dépendre uniquement de ses exportations d’hydrocarbures.
« L’Algérie n’est plus celle d’avant 2019, selon l’ambassadeur. L’objectif de notre président, avec ces changements juridiques, était de mettre fin aux mauvaises pratiques qui sont désormais derrière nous. Il faut laisser le temps aux opérateurs de reprendre confiance. » Le diplomate algérien a assorti cette exhortation d’une précision de taille pour les investisseurs étrangers : le pays désire dorénavant attirer des investissements productifs et ne plus « être perçu comme un comptoir ».
L’exemple de la pharmacie
Dans certains secteurs, les entreprises françaises l’ont déjà bien compris. C’est le cas dans celui de la santé et du médicament, important pilier des échanges franco-algériens, hors céréales et hydrocarbures. Le laboratoire Servier a franchi le pas et produit sur place des médicaments destinés au marché algérien. Pour Benjamin Abdili, responsable de la filiale, « certes les étapes réglementaires sont longues, mais nous produisons sur place avec les mêmes standards qu’en Europe grâce à un personnel très bien formé ». L’entreprise songe à se servir de sa production en Algérie pour exporter ailleurs en Afrique « d’ici deux ou trois ans ».
Même démarche chez Sanofi, confirme Amine Aissaoui, directeur des affaires publiques pour la filiale algérienne du laboratoire tricolore : « Nous avons évidemment l’export dans le viseur, mais je parlerais plus d’internationalisation, à destination d’autres pays africains mais aussi de l’Europe ». Le laboratoire algérien Biopharm, qui dispose de quatre unités de production sur place et est en train d’en construire de nouvelles, est quant à lui déjà passé à l’export vers le reste du continent et compte également fournir l’Europe et le Moyen-Orient. Pour le P-dg de cette entreprise algéroise déjà bien internationalisée, « oui la bureaucratie est toujours importante, mais l’Algérie est un pays solvable et qui avance ».
D’importants besoins en équipements
En témoigne un tournant opéré en 2020 : l’Algérie consomme désormais plus d’hydrocarbures qu’elle n’en exporte, signe du dynamisme de l’activité économique malgré la crise sanitaire et les effets de la guerre en Ukraine notamment sur les cours des céréales que l’Algérie achète à la France. « Les exportations françaises sont moins liées aux céréales et celles de matériels de transport augmentent », observe le chef du service économique régional, Mathieu Bruchon.
Si le pays s’équipe et attire de plus en plus d’investisseurs, est-il pour autant en train de devenir un pôle de nearshoring pour le marché européen ?
« L’Algérie n’a pas encore la volonté d’intégrer les chaînes de valeur mondiales, estime Romain Keraval qui dirige le bureau de Business France à Alger. En revanche la diversification est clairement engagée avec des secteurs déjà en croissance comme la sidérurgie, le ciment, le plastique ou la pharmacie, mais aussi de nouvelles activités qui sont actuellement en demande d’intrants et de machines. On observe des carences dans la sous-traitance de la mécanique, l’usinage et la fonderie, par exemple. »
De premières opportunités liées à la transition énergétique
Ce développement industriel et la volonté du gouvernement d’accélérer la transition énergétique ouvre également des portes à des sociétés comme le groupe Cunin qui a crée une entreprise avec un partenaire local pour déployer son savoir-faire en matière d’audits énergétiques des sites de production (fluides et éclairage).
Si le marché algérien a la réputation d’être difficile, notamment sur les plans réglementaire et bancaire, il n’en demeure pas moins dynamique et en pleine mutation. Une évolution que la concurrence internationale a par ailleurs déjà bien comprise. Face à cette réputation tenace, le directeur du bureau de Business France appelle à méditer la phrase de Camus : « Nous nous faisons toujours des idées exagérées de ce que nous ne connaissons pas ».
Sophie Creusillet