A l’occasion d’un séminaire organisé le 30 janvier par la direction de la diplomatie économique du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MAE), les entreprises membres du comité stratégique de filière Infrastructures numériques ont présenté leur nouveau catalogue d’offres international à un public ciblé de conseillers et diplomates des ambassades étrangères à Paris. Ils se sont positionnés comme des partenaires, avec le soutien assumé de l’État.
Signe que le secteur du numérique est considéré comme un domaine prioritaire et stratégique en matière de développement international, la direction de la Diplomatie économique du MAE, qui a la tutelle du Commerce extérieur, est en train de préparer la création d’une nouvelle sous-direction baptisée « Numia », contraction de « Numérique » et « Intelligence artificielle ». Elle rejoindra les 4 sous-directions existantes « Commerce extérieur et coopération économique », secteurs stratégiques », « Sanctions, normes économiques et lutte contre la corruption » et « Attractivité et rayonnement économique ».
Cette annonce a été faite le 30 janvier par David Izzo, directeur-adjoint de la Diplomatie économique au MAE, à l’ouverture du séminaire consacré à la présentation de la filière française des infrastructures numériques en présence d’une trentaine de dirigeants d’entreprises françaises et de 40 diplomates étrangers en poste à Paris. Le domaine des infrastructures numériques sera un des sujets suivis par la nouvelle sous-direction car il est considéré comme « stratégique » : comme l’a rappelé le haut-fonctionnaire, de leur qualité dans un pays dépend aujourd’hui de nombreux enjeux de compétitivité et de souveraineté.
Pour reprendre l’expression de Stéphane Lelux, président du cabinet d’ingénierie Tactis, les infrastructures sont en effet le « socle » sur lequel repose toute la capacité numérique d’un pays en haut et très haut débit. Ce « socle », ce sont les câbles de fibres optiques intercontinentaux sous-marins, les satellites de télécommunications, les réseaux de transmission, connexion et stockage des données. De nombreuses activités industrielles mais aussi de services, BtoB et BtoC ne peuvent plus s’en passer aujourd’hui.
« Un tissu d’entreprises reconnues opérant sur l’ensemble de la chaîne de valeur »
Les atouts de la filière française sont loin d’être négligeables, étant constituée « d’un tissu d’entreprises reconnues opérant sur l’ensemble de la chaîne de valeur », de l’ingénierie et des études à la conception/fabrication/pose de câbles en passant par les technologies satellitaires, la gestion des données (datas centers, cybersécurité).
Ses champions, souvent méconnus du grand public, parfois passés sous giron étranger mais restés sur le territoire. Ils se nomment Alcatel-Lucent (Nokia), Orange, Axione, Sofrecom, Marais (Tesmec), Prysmian… 300 entreprises au total de toutes tailles, pour beaucoup regroupées dans le comité stratégique de filière Infrastructures numériques où elles s’efforcent de coordonner leur stratégie et leur action à l’international. L’ensemble réalise quelque 32 milliards d’euros de chiffre d’affaires à l’international dans plus de 40 pays.
En tout trois grands axes d’expertise se développent dans cette filière, selon la présentation qu’en a faite Stéphane Lelux : la connectivité haut et très haut débit avec des expertise dans le câble sous-marin, terrestre et dans le satellitaire; la prise en compte des aspects aménagement du territoire et développement urbain; et enfin la gestion des données.
Le nouveau catalogue international, très didactique, référence 60 entreprises en précisant leurs domaines de compétence (ci-après).
Le catalogue international est en ligne
Le nouveau catalogue international de la filière française des infrastructures numériques a intégré 10 nouvelles entreprises et présente une offre riche, avec de grands groupes capables de porter de grands projets, et des PME spécialistes de tels ou tels domaines.
Didactique, il part des besoins d’un client à chacune des six étapes d’un projet d’infrastructures numériques : acquérir le bon savoir-faire ; préparer et mettre en œuvre le projet ; choisir le matériels et les logiciels indispensables ; construire les réseaux ; exploiter et maintenir les réseaux ; commercialiser son réseau en très haut débit fixe et mobile. Pour chacune des 60 entreprises référencées, leur fiche de présentation précise dans quelle étape elle peut intervenir.
Le catalogue papier n’est pas encore tout à fait bouclé, en attente de la nomination des ministres délégués ou secrétaires d’Etat de tutelle (Commerce extérieur, Industrie, Numérique). Mais une version numérique est d’ores et déjà en ligne, notamment sur le site de la fédération Infranum : cliquez ICI .
Une filière qui s’est structurée grâce aux plans d’investissement massifs de l’État
Les représentants de la filière ne cachent pas qu’ils doivent beaucoup à l’État français dans la manière dont ils se sont structurés et ont grandi à grande vitesse ces quinze dernières années. C’est, a souligné Philippe Legrand, président d’une des principales fédérations du secteur, Inframum, et également président du CSF du secteur, le fruit de « l’expérience acquise au cours de la décennie de rattrapage », à partir du début de la décennie 2010, avec le lancement des plans successif haut débit et très haut débit visant à mailler le territoire de câbles à fibre optique.
Au-delà de doter le pays d’un réseau de communication aux standards mondiaux, c’est bien de « développement économique inclusif » qu’il s’est agi en permettant au plus grand nombre d’accéder au numérique grâce à l’impulsion de l’État, a résumé Philippe Legrand à l’attention des diplomates présents.
C’est ainsi que le réseau de câbles à fibre optique, l’un des plus développés d’Europe, est unique et mutualisé entre les différents opérateurs : « l’infrastructure est partagée et cofinancée par des acteurs privés et publics » a rappelé Jacques Beauvois, directeur général délégué chez Axione, un spécialiste de la fibre optique.
Un positionnement de « partenaire »
Cette approche très coordonnées et cadrée, a influencé le positionnement de la filière française à l’international et s’est affinée avec les travaux et plans d’action entrepris dans le cadre du CSF et du contrat conclu avec l’Etat : vis-à-vis des clients étrangers, elle veut se poser en « partenaire » plutôt qu’en simple fournisseur conquérant. « Parmi les six objectifs du contrat avec l’Etat, figure le développement de l’offre française à l’international dans une logique non pas d’exportation, mais de développement international et de codéveloppement » a insisté Stéphane Lelux.
Pour la France, c’est aussi une manière de se différencier face à des concurrents internationaux, notamment chinois, qui auraient tendance à fournir les équipements, quitte à endetter des États financièrement fragiles, sans s’assurer que leur exploitation sera pérenne, et à provoquer des « catastrophe industrielles », pour reprendre l’expression d’un intervenant.
Les exemples de démarches concrètes ne manquent pas pour illustrer les formes que peuvent prendre ces approches « partenariales ». Quelques-uns ont été mis en avant pendant le séminaire.
C’est Axione qui crée une filiale au Gabon employant 30 collaborateurs gabonais pour gérer localement l’exploitation d’un câble à fibre optique dans le cadre d’une délégation de service publique ; c’est le concepteur et fabricant de câbles Prysmian, présent dans 50 pays, qui implante des unités industrielles localement dès que le marché s’y prête pour se rapprocher de ses clients et forme au passage des techniciens ; c’est enfin Sofrecom, société d’ingénierie qui opère au Bénin depuis 2016 et a aidé le gouvernement à créer une école des métiers du numérique (projet cofinancé par un Fasep, pour les études, et le gouvernement béninois, et créé grâce à la coopération du campus numérique Montereau).
Pour l’heure, toute la filière s’est donné rendez-vous les 23 et 24 avril pour une nouvelle édition du Business Seminar Afrique à Abidjan, organisé avec le concours de Business France et d’InfraNum, après une première édition réussie l’an dernier.
Christine Gilguy