La législation européenne contre le travail forcé va être durcie à terme, imposant de nouvelle règles aux entreprises, notamment. C’est ce qu’annonce le mandat de négociation adopté par le Conseil de l’Union le 26 janvier sur la proposition de règlement bannissant du marché européen les produits fabriqués en recourant au travail forcé. Les négociations avec le Parlement européen pour finaliser le texte vont pouvoir commencer.
Pour Pierre-Yves Dermagne, vice-Premier ministre et ministre belge de l’Économie et de l’emploi, « il est consternant qu’au XXIe siècle, l’esclavage et le travail forcé existent encore dans le monde. Ce crime odieux doit être éradiqué et la première étape pour y parvenir consiste à briser le modèle économique des entreprises qui exploitent les travailleurs. Avec ce règlement, nous voulons nous assurer qu’il n’y a pas de place pour leurs produits sur notre marché unique, qu’ils soient fabriqués en Europe ou à l’étranger ».
27,6 millions de personnes
seraient soumises au travail forcé
C’est la promesse faite par cette instance à travers le mandat de négociation adopté sur la proposition de règlement de la Commission européenne, texte qui va maintenant pouvoir être discuté avec le Parlement européen. Le nombre de personnes soumises au travail forcé, par des instances publiques ou privées, est estimé à 27,6 millions de personnes et le fléau touche de nombreux secteurs sur tous les continents selon des chiffres fournis par la Commission.
Dans le détail, le texte du règlement validé par le Conseil interdit la mise sur le marché de l’Union ou l’exportation de produits issus du travail forcé (tels que définis par l’Organisation internationale du travail) sur le marché de l’Union ou de l’Union vers des pays tiers.
Les autorités compétentes devront évaluer les risques liés au travail forcé sur la base d’une série de sources d’information différentes, telles que les communications de la société civile, une base de données sur les zones ou les produits à risque liés au travail forcé, ainsi que des informations permettant de déterminer si les entreprises concernées s’acquittent de leurs obligations de diligence raisonnable en matière de travail forcé.
En cas de soupçon, déclencher une enquête
« S’il existe des indices raisonnables qu’un produit a été fabriqué avec le travail forcé, les autorités devraient ouvrir une enquête », précise encore la Conseil. L’enquête pourra être effectuée via des demandes d’informations aux entreprises ou la réalisation de contrôles et d’inspections dans l’UE ou dans des pays tiers. Le texte validé par le Conseil clarifie les modalités de ces investigations.
Si le recours au travail forcé est avéré, les autorités compétentes devront « ordonner le retrait du produit en question » et interdire « à la fois sa mise sur le marché et son exportation ». Les entreprises seront tenues de détruire les marchandises concernées et les autorités douanières veilleront à l’application de l’interdiction d’exporter ou d’importer des produits interdits aux frontières de l’UE.
Point important : les PME ne seront pas exemptées de la réglementation, mais la taille et les ressources économiques des entreprises, ainsi que l’ampleur du travail forcé soupçonné, seront prises en considération avant d’ouvrir des enquêtes formelles. « La proposition prévoit également des outils de soutien spécifiques pour aider les PME dans l’application du règlement » précise encore le Conseil.
Un réseau européen et un portail Internet à créer
Enfin, deux nouveaux outils sont proposés par le règlement. En premier lieu la création d’un Réseau de l’Union européenne contre les produits du travail forcé (Union Network against Forced Labour Products), dont la mission sera de coordonner les mesures prises par les autorités compétentes et la Commission. Le texte du mandat du Conseil formalise la coopération administrative au sein du réseau et assure sa participation active à toutes les phases du processus conduisant à l’interdiction d’un produit.
Deuxième outil, un portail Internet unique sur le travail forcé à créer, qui fournirait des informations et des outils facilement accessibles et pertinents, y compris un « point unique de soumission d’informations », une base de données et des lignes directrices, ainsi qu’un accès facile aux informations sur les décisions prises.
Un rôle renforcé pour la Commission européenne
Le Conseil souhaite par ailleurs renforcer rôle de la Commission européenne. Celle-ci, « sur la base de toutes les informations pertinentes, vérifiables et crédibles, évaluera si les produits concernés présentent un intérêt pour l’Union » précise le Conseil. On présume qu’il y a un « intérêt de l’Union » lorsqu’un ou plusieurs des critères suivants sont remplis : l’ampleur et la gravité des cas présumés de travail forcé sont considérables ; les risques de travail forcé présumé sont situés en dehors du territoire de l’Union ; les produits concernés ont un impact significatif sur le marché intérieur (présence dans au moins 3 États membres).
C’est également la Commission qui serait chargée de préparer la décision finale d’interdiction par le biais d’un acte d’exécution à adopter conformément à la procédure d’examen, et elle fournira un résumé non confidentiel de cette décision sur le portail unique du travail forcé.
C.G
Pour consulter la proposition de règlement initiale de la Commission : cliquez ICI