La loi allemande sur les chaînes d’approvisionnement (Lieferkettengesetz) a été renforcée en début d’année. Elle entraîne un surplus de démarches pour les entreprises ayant déjà maille à partir avec une demande internationale en berne et la suppression de subventions sur le gasoil, à l’origine des manifestations d’agriculteurs et de transporteurs. Un test pour la future législation européenne CSRD.
Depuis le 1er janvier, outre-Rhin, les entreprises de plus de 1 000 personnes, allemandes ou non, doivent obligatoirement avoir établi des processus de due diligence concernent le respect du droit du travail et de l’environnement. Concrètement, elles doivent pouvoir s’assurer que les produits de leurs fournisseurs directs et indirects ont été fabriqués de manière éthique.
Conséquence pour les sociétés étrangères qui exportent en Allemagne : elles doivent s’assurer des conditions de production de leurs propres fournisseurs.
Entrée en vigueur le 1er janvier 2023, elle concernait dans un premier temps les entreprises de plus de 3 000 employés. Les contrevenants se verront infliger des amendes représentant jusqu’à 2 % du chiffre d’affaires annuel.
Une loi européenne sur les rails
En 2017, suite à l’incendie du Rana Plaza, au Bangladesh, la France a mis en place une loi similaire engageant les grandes entreprises à se mettre au reporting extra-financier dont les principes ont été posés au niveau européen par la directive CSRD. La Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CS3D), actuellement en préparation, assurera sa mise en pratique.
A la différence de la loi française, la CS3D, résume une note du cabinet d’avocats De Gaulle Fleurance, « concernera également les entreprises de plus de 250 salariés dont le chiffre d’affaires est supérieur à 40 millions d’euros si au moins 20 millions sont générés dans l’un des secteurs suivants : la fabrication et le commerce de gros de textiles, d’habillement et de chaussures, l’agriculture (y compris la sylviculture et la pêche), la fabrication de denrées alimentaires et le commerce de matières premières agricoles, l’extraction et le commerce de gros de ressources minérales ou la fabrication de produits connexes et la construction ». « La directive s’appliquera aussi aux entreprises non européennes qui réalisent un chiffre d’affaires net de 300 millions d’euros dans l’UE », précise la note.
Autres différences avec la loi française : la future directive européenne désignera un organisme de contrôle charger de vérifier que les entreprises respectent bien leurs obligations. A l’inverse de la loi de 2017 et comme la loi allemande, elle prévoit des amendes pouvant attendre jusqu’à 5 % du chiffre d’affaires net mondial. Selon les avocats de De Gaulle et Fleurance, « son entrée en vigueur ne devrait pas intervenir avant 2026, voire même 2027 ».
Crainte d’un excès de bureaucratie
En attendant, les 5 200 entreprises allemandes concernées par cette loi, vivent assez mal ce surplus de démarches. « Cette loi part d’une très bonne intention, mais sa mise en œuvre a été désastreuse », a déclaré à Bloomberg Holger Goerg, directeur du commerce international et des investissements à l’Institut de Kiel. « Au lieu de réfléchir à la manière dont les entreprises peuvent également utiliser ces informations à des fins de marketing, l’accent a été mis sur la bureaucratie. »
Même son de cloche, relayé par l’agence de presse, de Kirk Jandura, président de la BGA, le lobby des grossistes basé à Berlin : « Les petites et moyennes entreprises sont noyées sous un flot d’obligations de déclaration. Ces obligations pèsent désormais plus lourdement sur de nombreuses entreprises que les prix élevés de l’énergie ».
Dans ce contexte, les exportateurs français, quelle que soit leur taille, ont tout intérêt à proposer un reporting extra-financier au cordeau.
Sophie Creusillet