Les carnets de commande son confortables mais la concurrence internationale monte, notamment venue d’Asie. Lors de la deuxième édition de ses rencontres annuelles, le 16 janvier, le Gican a livré un tableau plutôt rassurant du dynamisme de la filière française de la construction navale tout réitérant sa préoccupation face au regain de concurrence et sa priorité à l’innovation, notamment pour décarboner le transport maritime.
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Un chiffre d’affaires de 13,5 milliards d’euros (Md EUR) en 2022 (+1,9 %) réparti entre Défense (72 %) et civil (28 %), une dynamique forte à l’international avec 54 % réalisés à l’export (et 95 % pour le seul secteur civil), plus de 735 entreprises employant 53 200 personnes, une filière très ancrée dans les territoires…
Même si les chiffres 2023 ne sont pas encore connus, la filière de la construction et de la réparation navale affiche une belle dynamique en ce début d’année 2024 d’après la présentation livrée par les équipes du Gican (Groupement des industries de construction et d’activités navales) lors de ses rencontres annuelles organisées à l’occasion des Vœux de son président, Pierre Eric Pommellet, par ailleurs P-dg de Naval Group, le 16 janvier (photo ci-dessus).
Des carnets de commandes bien garnis
Les carnets de commandes sont en effet bien garnis.
Dans le secteur clé de la Défense, 28 navires de différents formats ont été livrés et le carnet de commande, estimé à 16 Md EUR en ce début d’année, s’est enrichi de 8 nouveaux navires en 2023, portant à 78 le total à livrer, dont 36 % à l’export. Parmi eux, 17 vedettes, 16 remorqueurs, 1 navire de débarquement, 3 corvettes, 17 patrouilleurs, 12 bâtiments anti-mines, 6 frégates, 2 pétroliers ravitailleurs, 4 sous-marins nucléaires d’attaques… Une liste qui illustre l’étendue du catalogue des savoir-faire français dans ce domaine.
Quant au secteur civil, le carnet de commande, dominé en valeur par les navires de croisière de luxe (d’où le poids de l’export), n’en reste pas moins assez diversifié dans le détail. Quelque 32 navires ont été livrés en 2023 et 29 ont été commandés en 2023, portant à 41 unités le carnet de commande pour une valeur totale de 7 Md EUR. Parmi elles, 3 vedettes de lamanage, 3 navires de dépollution, 6 crew boat, 9 remorqueurs, 1 navire de recherche, 1 super yacht et 5 navires de croisières. Dans ce dernier domaine, la taille des navires a été plus réduite : 2 grands paquebots de la classe World ont été commandés aux Chantiers de l’Atlantique, pour trois de plus petite taille.
Les tendances du marché pour 2024 sont plutôt porteuses mais la concurrence internationale s’est nettement accrue, en particulier celle venue d’Asie.
Des marchés de plus en plus disputés
Dans la défense, la plupart des budgets des grandes marines nationales sont en hausse même si tous ne sont pas précisément connus : outre la France, les Etats-Unis (255 Md USD), la Chine, la Russie, la Turquie (40 Md USD), l’Allemagne, l’Italie, le Royaume-Uni (58 Md), le Japon (+ 16,5 %), l’Inde, la Corée du Sud (+ 7 %) … Mais la concurrence internationale s’est accrue.
Elle vient des acteurs traditionnels, notamment européens, qui bénéficient à l’export, comme Naval group, d’un fort soutien de leurs gouvernements, notamment via la diplomatie et les crédits export : Fincantieri, BAE Systems, Navantia, Damen, Thyssencrupp redoublent de dynamisme pour décrocher des marchés.
S’y ajoutent désormais le sud-coréen Hanwha Océan, qui affiche ses ambitions internationales et a notamment annoncé vouloir investir 1,5 Md USD pour se développer sur le marché européen (Pologne), au Moyen-Orient (Arabie Saoudite) et nord-américain (Canada). Les Turcs Asfat et Dearsan Shipyard renforcent de leur côté leur présence sur les salons internationaux et régionaux et remportent des commandes en Afrique et en Asie. Le Gican signale également la Chine (CSSC), qui n’est pas encore très présente à l’export mais a des prospects en Afrique et en Asie (destroyers lance-missile). Enfin, l’Inde monte en capacité de production dans le cadre de la stratégie Make in India et affiche son ambition de devenir un hub de réparation dans l’océan Indien.
La montée de la concurrence affecte aussi le marché civil. Des commandes d’armateurs français ont échappé aux chantiers tricolores. Surtout, la mise à l’eau par la Chine de son premier paquebot de croisière géant, l’Adora Magic City, depuis le port de Shanghai, a été suivie de près en Europe, dont les chantiers dominent traditionnellement ce marché. En 2023, le carnet de commande des paquebots se répartissait ainsi entre l’Italie (46 %), la France (22 %), l’Allemagne (13 %) et la Finlande (12 %), le reste étant partagé entre la Chine (3 %) et les autres pays. Cela devrait évoluer dans les années à venir.
Dans ce contexte, le Gican maintient un programme de participation aux salons internationaux particulièrement chargé pour ses membres. Dans la défense, notamment, sont inscrits à son agenda le WDS en Arabie Saoudite (4-8 février), le DSA en Malaise (6-9 mai) et le Devexpo en Inde, dont les dates ne sont pas encore connues. L’agenda se remplit également pour 2025 (DEFEA en Grèce, IMDEX à Singapour, SEA Future en Italie, Europort aux Pays-Bas).
Mais la filière mise également plus que jamais sur la diversification – hydrolien, éolien en mer, drones navals, vélique- et l’innovation pour rester compétitive. A cet égard, la décarbonation du secteur maritime est perçue comme un véritable « levier » de compétitivité alors que l’objectif du net zéro émission est fixé pour 2050, et à ce titre, un axe de développement prioritaire de la filière. « La décarbonation, c’est ce que l’on va apporter à nos armateurs », a indiqué Pierre-Eric Pommellet.
Pour donner plus de visibilité à une offre française en pleine effervescence dans ce domaine, le Gican a pris l’initiative de créer une plateforme recensant tous les acteurs français, membres et non membres, proposant des solutions pour décarboner l’activité, qu’il s’agisse de carburant alternatifs, de méthodes d’optimisation des navires ou encore de nouvelles technologies telles que le vélique.
Le Gican en a dévoilé les principaux contours le 16 janvier. Elle recense 216 acteurs, dont beaucoup de PME et TPE, proposant des produits et services dans ce domaine et propose quelque 348 fiches décrivant leurs offres et projets. La recherche est facilitée par le classement de ces acteurs et offres par grandes thématiques, telles que Energies renouvelables, Design optimal & technologie ou encore Excellence opérationnelle. Objectif : donner « plus de visibilité à l’offre française » en proposant un panorama des acteurs capables d’ores et déjà de faire des offres, y compris à l’export.
Christine Gilguy