Les entreprises européennes l’attendaient depuis cinq ans. L’accord dit de Samoa, nom du nouvel accord de partenariat global qui va régir les relations de l’Union européenne (UE) et ses États membres avec les pays membres de l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP), a été signé le 15 novembre au Samoa par l’UE et ses membres. Succédant à l’accord de Cotonou et de portée plus globale, il couvre des thèmes variés tels que le développement et la croissance durables (dont l’investissement et le commerce des biens et services), les droits de l’homme, la paix et la sécurité… Revue de détail.
Entre l’accord général et ses annexes, le document est volumineux : 403 pages !* Mais l’enjeu est à sa mesure : servir de cadre juridique pour les 20 prochaines années aux relations entre l’UE et ses 27 États membres d’une part, et l’OEACP et ses 79 pays membres – la moitié de l’ONU !
Qu’elles soient investies, importatrices, exportatrices, les entreprises européennes opérant dans ces marchés sont directement concernées par ce vaste accord de partenariat.
Un socle commun, des accords régionaux
Il aura donc fallu cinq ans de négociations -entamées en 2018 – pour aboutir à cette modernisation du cadre juridique des relations entre les deux blocs. La dénomination de l’accord – « accord de Samoa » – a été arrêtée lors de la 46ème session du conseil des ministres ACP-UE, qui s’est tenue au Samoa, juste avant la cérémonie de signature le 15 novembre. Il succède à l’accord de Cotonou de 2000.
Dans ses grandes lignes, le nouvel accord établit des principes communs et couvre les domaines prioritaires suivants :
-Droits de l’homme, démocratie et gouvernance.
-Paix et sécurité.
-Développement humain et social.
-Croissance et développement économiques inclusifs et durables.
-Durabilité environnementale et changement climatique.
-Migrations et mobilité.
L’accord comporte un socle commun applicable à l’ensemble des parties, combiné à trois protocoles régionaux pour l’Afrique, les Caraïbes et le Pacifique, l’accent étant mis sur les besoins spécifiques de chaque région. Dans le socle commun, on note qu’est réaffirmé l’engagement dans les ODD (Objectifs de développement durable), la lutte contre le changement climatique et la préservation de la biodiversité, le respect des normes sociales environnementales et de gouvernance.
Un chapitre économique et commerciale ambitieux
C’est dans la Partie II, titre IV « Croissance et développements économiques inclusifs et durables » (p. 67 du document) que l’on trouve les dispositions générales relatives au commerce et à l’investissement qui intéressera plus particulièrement les entreprises. On y retient les préoccupations ESG (environnement, social, gouvernance), mais aussi la promotion de l’industrialisation des pays partenaires.
L’article 40 affirme ainsi la reconnaissance du rôle du secteur privé et la promotion d’un dialogue public-privé. L’article 41 promeut « les pratiques de responsabilité sociales des entreprises (RSE) et la conduite responsable des entreprises (CRE) ».
L’article 44 affirme l’engagement de renforcer « la coopération dans le domaine de la transformation économique, en ce compris l’industrialisation » et de promouvoir « la transition d’une dépendance à l’égard des produits de base vers des économies diversifiées, ainsi que la valorisation des ressources naturelles, la création de valeur et l’intégration dans les chaînes de valeur régionales et mondiales. »
L’article 49 est consacré à la coopération commerciale et introduit une sorte d’équilibre entre le respect des critères ESG et le maintien d’un commerce ouvert : « les parties encouragent, dans leurs relations commerciales, un degré élevé de protection de l’environnement, de protection sociale et de protection des travailleurs… » mais elles « conviennent en outre que les mesures environnementales et sociales ne doivent pas être utilisées à des fins protectionnistes. »
Il promeut aussi une ouverture pour les biens contribuant à la réduction des émissions : « Les parties promeuvent le commerce des produits issus de la gestion durable, la conservation et l’utilisation efficace des ressources naturelles. Les parties coopèrent aussi pour promouvoir les échanges de biens et de services présentant un intérêt particulier pour l’atténuation du changement climatique, y compris les produits manufacturés et remanufacturés à faibles émissions de carbone, l’énergie renouvelable, ainsi que les produits et services économes en énergie, de même que les investissements dans ces biens et services, conformément à leurs engagements internationaux. »
L’article 50 affirme trois piliers sur lesquels s’appuiera la mise en œuvre de l’accord de Samoa : les acquis du précédent accord de Cotonou (cela concerne notamment la réduction des barrières douanières), le respect des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et les accords de partenariat économique (APE) bilatéraux entre l’UE et les membres de l’OEACP.
Enfin, on note que l’article 51 concerne le soutien au développement du commerce des services tandis que l’article 52 abord les questions de normes : coopération pour lever les obstacles non tarifaires aux échanges, renforcement de la coopération en matière de normalisation et de certification des marchandises, reconnaissance de la légitimité des mesures sanitaire et phytosanitaires (SPS), reconnaissance de la protection des droits de propriété intellectuelle.
Entrée en vigueur partielle dès le 1er janvier prochain
Prochaine étape : l’accord s’appliquera provisoirement à partir du 1er janvier 2024. Il entrera pleinement en vigueur après approbation du Parlement européen et ratification par les parties, c’est-à-dire tous les États membres de l’UE et au moins deux tiers des États membres de l’OEACP.
Les entreprises ayant des investissements ou des courants d’affaires avec cette vaste zone ACP doivent sans tarder s’y pencher.
Christine Gilguy
*Le document en français de l’accord de Samoa est dans le document attaché à cet article.