C’est fait : la Commission européenne a annoncé l’ouverture formelle, le 4 octobre, d’une enquête sur les subventions aux voitures électriques originaires de Chine. Elle fait suite à un engagement de sa présidente, Ursula Von der Leyen, pris lors de son discours sur l’état de l’Union le 13 septembre.
Dans le détail, ouverte formellement le 4 octobre, cette enquête antisubventions va porter sur les importations de véhicules électriques à batterie (VEB) en provenance de Chine.
« Elle déterminera tout d’abord si les chaînes de valeur des VEB produites en Chine bénéficient de subventions illégales et si ces subventions causent ou menacent de causer un préjudice économique aux constructeurs de l’UE » précise un communiqué de la Commission européenne. « Si c’était le cas, l’enquête examinera l’impact probable des mesures sur les importateurs, les utilisateurs et les consommateurs de véhicules électriques à batterie dans l’UE ».
Précisons que cette enquête sera menée sous la houlette du Chief Trade Enforcement Officer (CTEO), sorte de procureur commercial dont le poste avait été créé en 2020 au sein de la DG Trade (Direction générale du commerce) pour renforcer le contrôle de l’application des accords commerciaux, des mesures de défense commerciale ainsi que des sanctions de l’Union européenne (UE). Il est occupé par le Français Denis Redonnet, qui se voit ainsi confier probablement le dossier les plus sensible et délicat depuis sa nomination.
Car sur la base des conclusions de ses investigations, la Commission déterminera s’il est dans l’intérêt de l’UE de remédier aux effets des pratiques commerciales déloyales constatées en instituant des droits antisubventions sur les importations de véhicules électriques à batterie en provenance de Chine. Autrement dit, si l’enquête conclut à des pratiques déloyales aboutissant à une distorsion de concurrence, les véhicules électriques Made in China, qui supportent des droits de douane de l’ordre de 10 % actuellement, pourrait se voir appliquer des surtaxes douanières à l’importation dans l’UE.
Dans son communiqué, la Commission précise que cette enquête « suivra des procédures juridiques strictes, conformes aux règles de l’UE et de l’OMC, permettant à toutes les parties concernées, y compris le gouvernement chinois et les entreprises/exportateurs, de présenter leurs observations, éléments de preuve et arguments. » Des précisions qui témoignent de la sensibilité du sujet eu égard au poids de la Chine dans les échanges de l’UE.
« Cette enquête sera approfondie, équitable et fondée sur des faits »
Le lancement de cette enquête intervient alors que le marché européen assiste à une déferlante de véhicules électriques chinois, dont les prix sont largement inférieurs à leurs compétiteurs européens. Sur les six premiers mois de 2023, la Chine a exporté 534 000 véhicules propres (hydrides et 100 % électriques) dans le monde, en hausse de 160 % en glissement annuel. A 70 %, ces véhicules ont été expédiés en Europe.
Commentaire d’Ursula von der Leyen : « les constructeurs automobiles de l’UE et les secteurs connexes investissent et innovent déjà pour exploiter pleinement ce potentiel. Chaque fois que nous constaterons que leurs efforts sont entravés par des distorsions du marché et une concurrence déloyale, nous agirons de manière décisive. Et nous le ferons dans le plein respect de nos obligations européennes et internationales – parce que l’Europe respecte les règles, à l’intérieur de ses frontières et au niveau mondial. Cette enquête sera approfondie, équitable et fondée sur des faits. »
Valdis Dombrovskis, vice-président exécutif et commissaire au Commerce, insiste lui aussi sur la question des faits et du respect de conditions de concurrence loyale : « la concurrence doit être loyale, souligne-t-il notamment. Les importations doivent être soumises aux mêmes règles de concurrence que celles qui régissent notre propre industrie. L’équité est également le mot d’ordre de cette enquête : nous consulterons toutes les parties concernées et respecterons rigoureusement les règles nationales et internationales. Nous espérons que toutes les parties concernées coopèreront pleinement. Le résultat de l’enquête sera fondé sur des faits. »
Des précautions oratoires qui montrent que les dirigeants européens veulent rester fermes tout en rejetant les accusations de protectionnisme. Rappelons que dès l’annonce du projet d’enquête par la présidente de la Commission, le ministère chinois du Commerce avait dénoncé un « acte purement protectionniste qui perturbera et faussera gravement l’industrie automobile mondiale et la chaîne d’approvisionnement, y compris dans l’UE, et qui aura un impact négatif sur les relations économiques et commerciales entre la Chine et l’UE.» La tâche s’annonce ardue pour le CTEO européen.
C.G