L’Association générale des producteurs de blé (AGPB) s’inquiète des bouleversements provoqués par la guerre en Ukraine dans les relations commerciales sur les marchés internationaux. Alors que les céréaliers français ont vu leurs coûts exploser et leur compétitivité chuter à l’international, ils défendent dans un communiqué « un profond changement de paradigme du commerce international ».
Alors que l’Ukraine vient de déposer plainte à l’OMC contre la Hongrie, la Pologne et la République slovaque en raison de leurs restrictions à l’importation sur les céréales et d’autres produits agricoles, la « guerre des céréales » remet en question ce marché mondialisé. C’est, en substance, le message que souhaite faire passer aux autorités publiques Eric Thirouin, le président de l’Association générale des producteurs de blé (AGPB).
« Je lance aujourd’hui un appel solennel à l’Etat français pour qu’il refonde sa politique pour soutenir la stabilité politique et économique à l’international, appelle-t-il dans un communiqué en date du 21 septembre. Avec l’ensemble de la filière, nous devons nous emparer de ce sujet et anticiper les solutions pour réussir avec ces nouvelles règles du jeu ». En cause, selon le président des céréaliers français, certes la guerre, mais aussi « l’interventionnisme russe en Afrique » et « l’élargissement de l’alliance des BRICS. »
Le blé français en perte de compétitivité
L’AGPB rappelle en effet que la Russie devrait réaliser en 2023-2024 la deuxième meilleure campagne de son histoire avec un récolte de 89,6 millions de tonnes selon les estimations. En 2022-2023, malgré la guerre, elle a réorienté ses exportations, soit environ la moitié de la récolte, « en se déjouant des marchés classiques pour assoir son influence auprès des pays tiers ». Tandis que la Russie de Vladimir Poutine déverse en Afrique un blé bradé, les céréales françaises ont grandement perdu en compétitivité en raison d’un « effet ciseaux dévastateur ».
D’un côté, les cours mondiaux se sont effondrés : le blé est passé en un an à fin mai de 410 euros à 225 euros la tonne. De l’autre, les coûts de production se sont envolés. Selon l’AGPB, les charges ont augmenté de 37 % par rapport à la moyenne de 2018-2021, tirées par la hausse vertigineuse des engrais. « Les cours actuels ne permettront donc pas de couvrir les coûts de production », prévient le communiqué.
Conséquence, pour les céréaliers : « Il faut remettre en question la fonction des marchés internationaux, puisque la construction des prix commence à échapper à la réalité des fondamentaux du marché ». En effet, ce marché globalisé fonctionnant traditionnellement avec des contrat à terme semble de plus en plus caduque avec l’irruption de tensions géopolitiques qui le démondialisent et le compartimentent.
Sophie Creusillet