Spécialiste des technologies laser pour les applications de la photonique et du médical, Lumibird est devenu, depuis sa naissance en 2017, un leader européen sur ses segments de marchés. Pour nourrir son ambition de « reconnaissance mondiale » et son appétit pour l’innovation et la détection des applications nouvelles, elle s’appuie sur la capacité financière et l’agilité que lui permet sa taille d’ETI. Revue de détail avec son fondateur et P-dg, Marc Le Flohic (notre photo de couverture).
« L’ADN de Lumibird, c’est la technologie ». On n’a aucun mal à croire Marc Le Flohic, son dirigeant, physicien de formation, qui est à l’origine de la création de l’entreprise, en 2017, lorsque, à la tête à l’époque de Keopsys, qu’il avait fondé, il avait racheté une autre pépite des technologies laser, Quantel.
Ce fut la naissance de Lumibird, un groupe industriel spécialiste des technologies laser pour la photonique (recherche scientifique, défense, aéronautique et spatial, industrie) et le médical (ophtalmologie), dont le siège est à Lannion, dans les Côtes-d’Armor, et qui vise à devenir un leader européen sur des marchés en expansion rapide. Si Lumibird est coté sur le marché parisien Euronext, Marc Le Flohic détient encore 54 % du capital.
Le fait d’avoir cet ADN technologique a été d’entrée un formidable avantage : « les technologies laser sont de plus en plus matures, souligne Marc Le Flohic. Sans faire du marketing poussé, on arrive à voir les applications qui pourraient répondre à de nouveaux besoins. La difficulté est l’exécution, il faut aller vite face à la concurrence. »
Chez Lumibird, autant dire qu’on aime les marchés neufs, à peine en phase de décollage mais promis à une forte croissance, un terrain propice aux applications innovantes sur lequel elle semble exceller.
Une nouvelle application pour détecter les feux de forêt
Les exemples de cette capacité à imaginer des applications de ses technologies laser, pour anticiper les demandes qui nourriront sa croissance future, ne manquent pas.
La division Photonique de Lumibird a, par exemple, mis en chantier le développement de nouveaux systèmes optiques pour détecter les foyers d’incendies. C’est nouveau, la communication de l’entreprise sur cette solution commence à peine. Mais à l’heure où le changement climatique provoque des feux de forêt de plus en plus gigantesques, comme on l’a vu ces deux dernières années – Sud-Ouest de la France, Nord du Canada, parc national de Dadia en Grèce – ce projet est plus qu’à propos.
Autre exemple, le développement de la production de systèmes LiDAR (télédétection par laser) pour les fermes éoliennes, afin d’en optimiser le fonctionnement. Là encore, un marché nouveau, mais en forte croissance grâce à l’accélération de la transition énergétique. Même chose dans les applications de télécommunications, où le boom du spatial a boosté l’activité : Lumibird fournit notamment des systèmes optiques embarqués sur les satellites.
La division médicale du groupe surfe pour sa part sur une évolution démographique mondiale : « la population vieillit, et avec elle, la demande d’accès au soin va croissante, déroule Marc Le Flohic. Sur des pathologies de rétine, par exemple, la demande est très forte et nous sommes des spécialistes des instruments qui peuvent les traiter ».
Renforcer son leadership
sur des marchés en forte croissance
Au total, Lumibird, qui a réalisé 191 millions d’euros de chiffres d’affaires en 2022 et compte plus de 1000 employés, injecte chaque année près de 10 % de ses revenus dans la Recherche et développement (R&D). Mais la technologie ne fait pas tout : le fait d’être une entreprise de taille intermédiaire (ETI) la rend aussi plus réactive. « Une ETI présente l’avantage d’avoir les moyens financiers d’une grande entreprise pour investir dans ses projets de développement tout en gardant l’agilité d’une PME », souligne Marc Le Flohic.
Savoir réagir vite est une force par les temps qui courent, notamment sur le plan géopolitique. C’est ainsi que si l’entreprise a dû se retirer de Russie après le déclenchement de la tentative d’invasion de l’Ukraine et compenser cette perte de marché par de nouveaux débouchés, elle a bénéficié en même temps du regain de demande émanant du secteur de la défense.
De la même manière, si elle a subi comme beaucoup d’entreprises les fortes perturbations des supply chain en 2022 – « une année effroyable » dans ce domaine, selon Marc Le Flohic-, l’impact de la crise pandémique elle-même sur son activité a été finalement faible, ayant pu s’adapter sans difficultés aux restrictions sanitaires. Aujourd’hui, c’est surtout à la hausse de ses coûts, liée à l’inflation, qu’elle doit faire face, là encore comme l’ensemble de l’industrie.
Mais cela ne l’a pas empêcher d’afficher bon an mal an un taux de croissance moyen de l’ordre de 10 % (+ 16 % au premier semestre 2023), tiré par son expansion hors des frontières. Le premier moteur de l’internationalisation ? Il découle de son ADN technologique : « c’est une volonté, une ambition forte d’avoir une reconnaissance mondiale » souligne le dirigeant.
Que sa croissance se fasse par des acquisitions, comme récemment la société italienne Convergent Photonics, ou par ses propres développements, la stratégie est clairement affichée : pas question de se disperser, il s’agit de se concentrer sur des marchés en forte croissance auxquels elle peut répondre avec ses technologies, et s’y renforcer. « On ne cherche pas à diversifier nos marchés mais à renforcer notre leadership », résume Marc Le Flohic.
80 % du chiffre d’affaires à l’international
Lorsqu’il s’agit de choisir des cibles d’acquisition, il faut qu’elles remplissent au moins l’un des deux critères suivants (ou cumule les deux) : soit elle renforce la boite à outils technologique de Lumibird, soit elle apporte une part de marché.
C’est le sens de l’acquisition récente de Convergent Photonics, une PME italienne basée à Turin que l’ETI française a acquise pour 15 millions d’euros, financés grâce à ses lignes bancaires, auprès du groupe Prima Industries. Le groupe a mis en avant deux principaux avantages à cette acquisition : le premier est de lui permettre de renforcer son autonomie sur les semi-conducteurs et les lasers à fibre de très forte puissance, le second est de lui ouvrir de nouveaux segments de marché. Cerise sur le gâteau : la société italienne dispose d’un site de production à Boston, renforçant la présence de Lumibird Outre-Atlantique où elle est déjà implantée.
Lumibird n’en est pas à sa première acquisition étrangère : unités de production ou centres de R&D, elle en a déjà réalisé cinq, en Suède, en Angleterre, au Canada, en Australie et en Slovénie. L’intégration est privilégiée. « Nous sommes une véritable plateforme d’intégration : on garde les équipes et ont les intègre dans le groupe pour créer de nouvelles synergies créatrices de valeur » indique le dirigeant. Pour Convergent, seule la marque sera ainsi conservée, la PME turinoise s’appelle désormais Lumibird Photonics Italia et ses équipes ont été intégrées au groupe.
Aujourd’hui, l’ETI, réalise 80 % de son chiffre d’affaires à l’international, sur tous les continents, et environ 50 % de son effectif basé hors de France. « La proximité des clients est très importante pour les clients, sans compter le souci de diminuer notre empreinte carbone » souligne Marc Le Flohic. Lumibird dispose de onze sites de production et/ou de R&D dans le monde, dont seulement la moitié en France, auxquels s’ajoutent un réseau d’une demie douzaine de filiales purement commerciales.
Ses priorités ? La première est une évidence : « clairement la croissance, souligne son dirigeant. Et notre terrain de jeu est sur tous les continents ». La deuxième coule de source : « continuer à créer de l’innovation pour nos clients ». Enfin, troisième priorité concerne davantage la pérennité de l’entreprise, : « améliorer nos indicateurs économiques pour continuer à investir en production », en d’autres termes, améliorer encore la rentabilité de l’entreprise.
Christine Gilguy