Après les annonces, la mise en œuvre ! Une partie des mesures du nouveau plan « Osez l’export ! », qui vise à booster les PME et ETI à l’international et augmenter leurs exportations, repose sur la Team France Export, dispositif d’accompagnement public État-Régions dont Business France est un pivot. Dans cet entretien exclusif accordé au Moci, Laurent Saint-Martin, son directeur général, précise sa feuille de route pour la concrétisation des nouvelles aides à l’export, répond aux inquiétudes des acteurs privés, et fait un point sur l’état d’avancement des négociations sur le futur contrat d’objectifs et de moyens (COM) à signer avec ses ministères de tutelle, en particulier Bercy et le Quai d’Orsay.
Le Moci. Une grosse partie de la mise en œuvre du plan export repose sur la Team France Export (TFE) dont Business France est le « pivot », comme vous le dites vous-même. Quelles sont vos priorités dans les prochains mois ?
Laurent Saint-Martin. Nous avons trois grandes priorités. La première est de faire en sorte que les nouveaux outils qui ont été présentés dans le plan export, dont les entreprises ont entendu parler, soient opérationnels rapidement.
Nous avons des outils qui existaient déjà et qui sont donc renforcés, je pense notamment au VIE. Nous avons des outils qui avaient été anticipés et pour lesquels nous sommes déjà prêts, je pense aux Boosters, aux visites d’acheteurs étrangers en France dans le cadre de notre démarche « l’export commence en France », à l’export digital. Et puis nous avons les nouveaux outils, je pense par exemple au VTE (volontaire territorial export), au programme « parlementaires pour l’export », qui nécessitent un peu d’ingénierie, notamment le VTE, car ils sont nouveaux pour Business France. Mais ce sera réglé dans les prochains jours et les prochaines semaines.
Enfin, nous sommes en train de construire, avec le Secrétariat général pour l’investissement (SGPI), la « mécanique » du « parcours France 2030 export », une offre d’accompagnement à l’international spécifique qui sera proposée à tous les lauréats des appels à candidatures de France 2030. Nous avions anticipé et devrions être en mesure de signer une convention avec le SGPI début octobre avec la volonté de pouvoir proposer cet accompagnement aux premiers lauréats en début d’année prochaine.
« Nous avons inscrit dans la nouvelle stratégie de Business France le projet de créer des « Team France filières »
Le Moci. Et les deux autres priorités ?
Laurent Saint-Martin. La deuxième priorité c’est de faire connaître ce plan parce que si nous voulons atteindre 200 000 exportateurs à l’horizon 2030, il n’y a pas de temps à perdre. Il faut que les entreprises soient informées des nouvelles opportunités de ressources offertes à travers ce plan, soit pour tenter l’aventure si c’est la première fois, soit pour renforcer leur empreinte internationale si elles sont déjà exportatrices. J’insiste, ce plan export vise à être efficace, à toucher là où les entrepreneurs ont besoin d’incitations financières ou techniques pour pouvoir aller plus loin et plus fort à l’international. Il va donc falloir que Business France et l’ensemble de la TFE et de ses partenaires, en liens avec les Régions, soient au rendez-vous en termes de communication et de visites d’entreprises.
Nous allons rapidement mettre en œuvre ce porte-à-porte voulu par le ministre, ce que j’appelle « la grande marche de l’export », avec la mobilisation de tous les conseillers et chargés d’affaires internationaux de Business France, de Bpifrance, des Chambres de commerce et d’industrie en France. Nous ne le ferons évidemment pas seuls mais avec tous les acteurs de l’international qui peuvent nous aider à porter le mégaphone de l’international, les Chambres de commerce française à l’international, les OSCI, la French Tech, les Conseillers du commerce extérieurs, tous ceux qui ont l’oreille des entreprises déjà présentes à l’international.
Troisième priorité, la cohésion d’équipe avec tous ceux qui font l’export depuis la France jusqu’à l’international, ce que le ministre a appelé la « TFE élargie ». Nous avons besoin de toutes ces forces car l’objectif est d’avoir beaucoup plus d’entreprises exportatrices d’ici 2030, 200 000 contre 150 000 aujourd’hui, c’est très ambitieux.
Le Moci. Vous mettez davantage l’accent également sur les filières…
Laurent Saint-Martin. C’est exact, nous n’y parviendrons pas sans un rôle actif et renforcé des filières. C’est pourquoi, en plus du plan « Osez l’export », nous avons inscrit dans la nouvelle stratégie de Business France le projet de créer des « Team France filières ». Pour ce faire, nous allons davantage nous appuyer sur les organisations interprofessionnelles, les comités stratégiques de filière et leurs comités internationaux, toutes les organisations qui réunissent déjà les entreprises par secteurs.
J’ajoute que nous devons mettre l’export aux couleurs des priorités stratégiques françaises, et en particulier du plan France 2030. C’est pourquoi dans le plan export, il y a une très forte priorité assumée pour que les lauréats France 2030 soient portés massivement à l’international, et en même temps, pour le volet attractivité, d’attirer davantage de projets d’investissements étrangers qui répondent aux critères de France 2030.
« Le ‘Osez ensemble’ est une très bonne formule et je la reprends à mon compte ! »
Le Moci. Vous avez fait allusion à la nécessité de travailler avec tous les acteurs. Que répondez-vous au communiqué des organisations privées de l’accompagnement, Leaguexport (Medef International, OSCI, Stratexio) et ICC France, diffusé le 8 septembre, appelant à « Osez l’export ensemble », sous entendant que le rôle du secteur privé n’est peut-être pas très clair dans le plan export lancé par Olivier Becht ?
Laurent Saint-Martin. Je tiens à souligner qu’à chaque fois que je prends la parole, et je viens de vous le montrer dans mes propos précédents, je cite et je prends en considération l’ensemble des acteurs publics et privés pour une raison très pragmatique : je ne fais pas de camp et encore moins de clan sur une cause aussi essentielle et aussi stratégique ! Sans l’OSCI, nous serions plus pauvres en capacité d’accompagnement ; sans les Chambres de commerce et d’industrie françaises à l’international, nous serions moins puissants dans notre capacité à connecter les entreprises au business sur place ; sans le formidable réseau que sont les CCEF, nous manquerions d’expérience sur le terrain, en région et à l’étranger, et de profondeur historique dans les filières.
Donc ne comptez jamais sur moi pour jouer le rôle du diviseur des accompagnateurs à l’export ! Une fois cela dit, le ministre a présenté un plan gouvernemental avec ses opérateurs principaux que sont les opérateurs publics, je crois que cela s’est toujours fait comme ça. Cela n’enlève rien aux acteurs privés qui sont non seulement complémentaires, mais qui doivent se sentir partie prenante des objectifs de ce plan que nous mettrons en œuvre avec eux.
Permettez-moi de rappeler que nous référençons les acteurs privés à l’international et que par ce moyen, nous leur donnons des capacités d’action, nous mettons leur savoir-faire à la disposition des PME françaises. Donc non seulement nous considérons que ces acteurs privés sont utiles, mais nous leur demandons de participer avec nous à cette stratégie. Le « Osez ensemble » est une très bonne formule et je la reprends à mon compte !
« Quasi doublement du nombre de leads vers nos référencés à l’étranger »
Le Moci. La politique de référencement de vos partenaires à l’étranger avait marqué le pas, notamment pendant la période COVID. L’avez-vous relancé ?
Laurent Saint-Martin. Les référencements venus à échéance ont été renouvelés en 2023 pour 50 pays. Nous avons encore prévu deux vagues de référencement : fin 2023 puis au printemps 2024, qui concerneront une vingtaine de pays, au total. C’est une formule qui se développe, tant pour le flux de leads commerciaux que pour la collaboration avec nos référencés. Nous constatons déjà un quasi doublement du nombre de leads vers nos référencés à l’étranger, répertoriés en 2023 par rapport à 2022.
Le Moci. Pensez-vous relancer les concessions de services publics (CSP) et marchés publics de services (MPS) ?
Laurent Saint-Martin. A ce stade nous avons relancé six procédures, soit dans le même format, soit dans un format ajusté. Ainsi, nous venons de publier les avis de concessions de services publics (CSP) pour la période 2024-2028 en Hongrie, au Maroc, en Norvège, aux Philippines et à Singapour.
En Belgique, nous avons privilégié un marché public de services (MPS) car nous ambitionnons d’associer nos forces à celles d’un partenaire privé localement, dans l’idée d’accompagner plus d’entreprises à l’export. C’est d’ailleurs sous ce format de MPS que nous travaillons déjà au Japon et à Hong-Kong avec nos partenaires les CCI françaises à l’étranger, sélectionnés à l’issue d’un appel d’offres mené fin 2022.
Le « bouclier anti-inflation » est opérationnel
Le Moci. Concernant la nouvelle subvention de 30 % à la participation aux Pavillons France sur les salons étrangers, est-ce d’ores et déjà opérationnel ?
Laurent Saint-Martin. Oui. Nous nous étions préparés à être immédiatement opérationnel car c’est une annonce importante, un « bouclier anti-inflation » qui touche au portefeuille des entreprises, à la trésorerie des PME.
Le Moci. Sur le plan budgétaire, comment va se répartir l’enveloppe de 135 millions d’euros sur 4 ans promis par le plan « Osez l’export » entre les différents dispositifs ? On cite un montant de 50 millions d’euros pour France 2030 export, de 15 millions pour le VTE ?
Laurent Saint-Martin. Les arbitrages budgétaires précis relèvent des ministres, car nous ne sommes pas les seuls opérateurs concernés. Ce que je peux vous dire, c’est qu’on est effectivement dans ces ordres de grandeur, environ 40 millions pour France 2030, et de l’ordre de 15 millions pour le VTE. Quant à la prise en charge de 30 % des frais de participation à un salon, c’est une enveloppe importante mais je ne peux vous donner encore un chiffrage précis.
« Nous visons avant tout
des places de marchés BtoB de niche »
Le Moci. Une autre mesure intéressante concerne l’export digital, avec un renforcement des e-vitrines, jusqu’à présent concentrées sur les vins et spiritueux, cosmétiques, et l’agroalimentaire, ainsi que des projets de nouveaux « Corners France » sur les grandes marketplaces, comme vous l’avez déjà réalisé sur les plateformes d’Alibaba. Pouvez-vous nous donner des détails ?
Laurent Saint-Martin. Nous sommes en train de faire la version 2 de notre e-vitrine, bien mieux que la précédente, avec un nouveau prestataire français qui est l’un des meilleurs au monde dans ce domaine : elle sera prête à la fin de l’année. Cette nouvelle version permettra d’avoir une plateforme commune, contrairement à celles qui existent actuellement qui sont un peu dispersées. Une fois ce nouvel outil en place, il faudra aussi l’animer.
Quant aux marketplaces, nous visons avant tout des places de marchés BtoB de niche, sectorielles, moins connues du grand public mais plus efficaces pour nos PME. Nous en sollicitons plusieurs en même temps et nous serons en mesure de faire des annonces bientôt.
« Si les moyens de Business France sont stabilisés,
ce sera déjà un gage de confiance considérable »
Le Moci. Vous attendiez ce plan export pour boucler la négociation et signer votre nouveau contrat d’objectifs et de moyens (COM) avec l’État. Où en êtes-vous et quelles seront les principales nouveautés de de cette convention ?
Laurent Saint-Martin. Nous avons de bonnes discussions et espérons la faire passer à notre conseil d’administration du 28 septembre, pour ensuite la signer début octobre. Il est important de souligner que c’est une convention pluriannuelle, qui va nous faciliter la mise en œuvre de nos objectifs dans le cadre du plan export, lui aussi pluriannuel, en nous donnant la visibilité financière dont nous avons besoin en tant qu’opérateur, pour agir et être à la hauteur des attentes du gouvernement et des acteurs de l’export dans les trois prochaines années. Les discussions avancent bien, je suis confiant.
Nous serons concentrés jusqu’au dernier moment pour pouvoir signer cette convention d’un commun accord avec nos tutelles, pour qu’à la fois les indicateurs de suivi correspondent bien aux attentes de celles-ci, en lien avec une partie des annonces pour l’export et mais aussi pour l’attractivité. Cela concerne aussi le plan stratégique de Business France et ses priorités, l’impact pour nos entreprises, l’impact pour nos territoires, et l’impact sur nous-même. Cette convention pluriannuelle doit en effet permettre de transformer l’agence pour la rendre plus performante, faire plus avec des moyens publics dont nous avons bien conscience qu’ils ne peuvent être extensibles de façon illimitée.
Le Moci. Peut-on s’attendre à une augmentation de la subvention à Business France ?
Laurent Saint-Martin. Je ne pense pas. Si les moyens de Business France sont stabilisés, ce sera déjà un gage de confiance considérable dans une période où les finances publiques sont très tendues. En tant, qu’ancien rapporteur du Budget, je connais cette contrainte-là. A nous d’être exemplaire et de montrer qu’une agence comme la nôtre peut faire plus avec autant.
Le Moci. Pas d’augmentation de la subvention malgré les nouveaux dispositifs comme le volontariat territorial en entreprises, France 2030 export, et les autres mesures du plan export ?
Laurent Saint-Martin. France 2030 relève du SGPI, ce n’est pas du programme budgétaire. Et concernant les autres actions comme le bouclier anti-inflation, elles avaient été anticipées dans le budget pour l’année 2023. C’est pour cela que si nous stabilisons le niveau des moyens alloués à Business France pour 2023, nous aurons les moyens de nos ambitions.
Propos recueillis par
Christine Gilguy