Avec la fin des mesures gouvernementales mises en place pendant la crise sanitaire pour soutenir l’économie, les faillites d’entreprises dans le monde sont reparties à la hausse en 2022, constate Dun & Bradstreet dans son étude annuelle. Elles ont bondi de 10,8 % l’an dernier alors que leur nombre avait diminué de 0,6 % en 2021.
Resserrement des conditions de crédit, pression inflationniste, ralentissement général de l’activité, fin des dispositifs de soutien aux entreprises pour lutter contre les effets de la pandémie… En 2022, avec la guerre en Ukraine et la montée de tensions géopolitiques, les entreprises ont eu maille à partir avec un environnement beaucoup plus difficile alors que cette année était attendue comme celle de la reprise de l’économie mondiale.
Au dernier trimestre de 2022, les faillites en Europe ont atteint leur plus haut niveau en sept ans. Les situations sont cependant contrastées. En Espagne, sur la même période, elles ont explosé de 350 % par rapport au dernier trimestre 2019, tandis qu’en France, en Italie et en Allemagne, elles demeurent inférieures à leur niveau prépandémique comme elles l’ont d’ailleurs été tout au long de 2020, 2021 et 2022. En raison d’une inflation globale toujours élevée et de l’accélération de l’inflation de base, les analystes de Dun & Bradstreet estiment que les faillites pourraient augmenter sur le Vieux Continent dans les mois à venir.
En Asie-Pacifique, si les pressions inflationnistes restent contenues dans l’ensemble par rapport au reste du monde, les entreprises pâtissent surtout des mauvaises performances de l’économie chinoise. Cette baisse d’activité combinée à la hausse générale des taux d’intérêt, à l’affaiblissement des monnaies et à la fin des mesures de soutien, contribue à l’augmentation des liquidations d’entreprises dans toute la région. Certains pays ont enregistré une hausse stratosphérique du nombre de liquidations d’entreprises en 2022.
En Asie, les dépôts de bilan devraient augmenter
Elles ont ainsi bondi de 30 % en Australie et de plus de 100 % en Indonésie. Ces hausses spectaculaires s’expliquent cependant par un nombre de faillites relativement bas en 2021. C’est le cas de l’Australie où elles étaient à leur plus bas niveau depuis 2015. Par ailleurs, les faillites ont commencé à augmenter au cours du second semestre 2022, soit au moment où les banques centrales américaine et européenne augmentaient leurs taux de manière agressive pour contrer l’inflation. Les économies asiatiques orientés vers l’export ont souffert des piètres perspectives de la croissance mondiale et de l’augmentation du coût de la dette.
Malgré des perspectives moins sombres début 2023, Dun & Bradstreet estime que les faillites devraient continuer d’augmenter en Asie. Certes les économies qui reposent en partie sur le tourisme devraient bénéficier de cette meilleure conjoncture, mais, outre un effet de base, deux facteurs expliquent ce pronostic. Premièrement, le coût du financement (et du refinancement de la dette) devrait rester élevé. Une situation qui devrait peser sur les bilans des entreprises qui ont beaucoup emprunter à l’étranger et conduire à des liquidations plus nombreuses.
Deuxièmement, la région abrite certaines économies dont les hausses du PIB sont parmi les plus importantes. Et les faillites sur plusieurs de ces marchés sont également le signe d’un plus grand dynamisme économique, car de plus en plus d’entreprises voient le jour et disparaissent en même temps, entraînant un plus grand nombre de faillites, explique l’étude.
Les pays importateurs de pétrole plus exposés au Moyen-Orient
Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, la solvabilité de entreprises a été particulièrement mise à mal dans les pays importateurs de pétrole. Les auteurs de l’étude rappellent que les procédures de mise en faillite sont plus lourdes dans cette région où persiste une attitude généralement négative à l’égard des entreprises rencontrant des difficultés financières. Ainsi, les acheteurs de créances en difficulté qui n’ont pas de licence de prêt locale agissent généralement sur le marché par le biais d’une « participation » dans laquelle l’acheteur acquiert les droits sur la dette, mais le vendeur en reste le propriétaire légal.
Les possibilités de restructuration des entreprises se sont cependant récemment améliorées avec l’introduction de changements législatifs, qui alignent les règles sur les normes mondiales. Par exemple, l’Arabie saoudite a introduit une loi sur les faillites en 2018 et les Emirats arabes unis en 2016. Dans la plus grande économie de la région, 99 entreprises ont déposé le bilan en 2022, soit deux fois plus qu’en 2021 mais à peu près autant qu’en 2020.
L’Afrique pourrait limiter la casse grâce au commerce interrégional
Plus au Sud, en Afrique subsaharienne, où les régimes d’insolvabilité sont généralement faibles et obsolètes, les faillites ont augmenté ces dernières années. En 2019, l’Afrique du Sud en a enregistré le plus grand nombre sur le continent (1040), suivie par le Nigeria (596) et le Kenya (101). Un rapport de la Société financière internationale (SFI, filiale de la Banque mondiale), cité par D&B, avance que le coût élevé du crédit et les difficultés d’accès au financement sont les principales causes de cette augmentation des défaillances d’entreprises.
La pandémie de Covid-19 a encore exacerbé les difficultés économiques auxquelles sont confrontées les entreprises d’Afrique subsaharienne, nombre d’entre elles luttant pour survivre dans un contexte de baisse de la demande et de perturbation des chaînes d’approvisionnement. En 2020, l’Afrique du Sud a enregistré une augmentation de 33 % des défaillances d’entreprises par rapport à 2019, avec 215 entreprises en faillite. En 2022, 1 907 entreprises et sociétés ont été liquidées, contre 1 932 en 2021.
Retournement de situation aux États-Unis
L’étude souligne néanmoins que l’accord sur la zone de libre-échange continentale africaine (AfCFTA), qui est entré en vigueur en janvier 2021, pourrait stimuler le commerce intrarégional et créer de nouvelles opportunités pour les entreprises.
Enfin, si les faillites ont baissé de 2 % aux États-Unis en 2022 (principalement en raison d’une forte baisse en 2021) et l’économie américaine a plutôt bien résisté, elles sont reparties à la hausse sur les troisième et quatrième trimestres 2022. Au début de l’année 2023, leur nombre reste élevé et est appelé à la rester. Suite aux faillites de la Silicon Valley Bank et de la Signature Bank, et malgré l’intervention des autorités, les conditions de crédits devraient de resserrer et les faillites augmenter, prévient D&B.
En outre, le nombre de dépôts de bilan pourrait encore augmenter en raison du report de la demande des consommateurs sur les services au détriment des biens (dont la demande est déjà en recul). Et, les ménages ayant épuisé leur épargne pendant la crise sanitaire, la consommation domestique est susceptible de faiblir encore.
Sophie Creusillet