Entreprises : Intuis mise sur la décarbonation et le Made in France pour croître à l’international

Le spécialiste français du chauffage (ex-Groupe Muller) a inauguré le 13 juin une extension de son site de production dans la Somme, afin de répondre à la hausse de la demande en Europe pour les chauffe-eau thermodynamiques et les pompes à chaleur (PAC). Le groupe compte également sur sa certification Origine France Garantie pour séduire de nouveaux clients internationaux.

C’est un pari industriel réussi. Et l’inauguration de l’extension de l’usine de Feuquières portant à 45 000 m² la surface dédiée à la production de l’usine d’Intuis, à Feuquières-en-Vimeu, en atteste concrètement. « Dans un contexte de désindustrialisation de la France ces quarante dernières années, nous avons toujours garder le triple objectif d’assurer une production qui soit compétitive, d’être une industrie respectueuse de l’environnement et de travailler à la souveraineté en ne délocalisant pas », a rappelé dans son discours inaugural Philippe Dénecé, le directeur général d’Intuis.

La filiale du groupe irlandais Glen Dimplex, créée il y a 70 ans sous le nom Groupe Muller, regroupe depuis septembre 2022 Airelec, Applimo, Auer, Campa, France Energie, Muller Intuitiv et Noirot sous une seule et même marque Intuis. Nouveau nom, nouveau logo, mais toujours la même ambition : développer des appareils de chauffage plus économes en gaz à effet de serre (GES). Au début des années 2000, le groupe d’aujourd’hui 1000 employés répartis sur 6 sites, tous situés en France, prend le tournant de la transition énergétique, thématique alors en plein ascension.

L’innovation dans la décarbonation, un pari industriel gagnant

Grâce à ses cinq centres de recherche et développement, ses 120 ingénieurs et chercheurs, ainsi qu’à son expérience de la filière (la marque Auer, par exemple, a été lancée il y 130 ans), le groupe industriel joue la carte de l’innovation et met au point des produits qui, une crise sanitaire, énergétique et environnementale plus tard, arrivent à point nommé sur le marché. Ainsi, il a précédé le changement de réglementation supprimant l’utilisation des hydrofluorocarbures (HFC) à compter de janvier 2024 en développant le R290, un gaz propane écologique, sans HFC et à l’empreinte carbone présentée comme 700 fois inférieure et quasi nulle.

L’entreprise consacre chaque année 10 % de son chiffre d’affaires (200 millions d’euros en 2022) à la R&D et tient à ses secrets de fabrications. Pendant la visite du site, la directrice marketing a rappelé courtoisement aux journalistes la consigne de ne prendre que des photos en plan large de la chaîne de production pour éviter tout espionnage industriel.

Le marché européen des pompes à chaleur en pleine ascension

C’est cette innovation qui a valu à Intuis une médaille d’or au challenge de l’innovation de la Fédération française du bâtiment (catégorie chauffage) en novembre dernier. Ce nouveau fluide autorisé par la nouvelle réglementation a également permis de faire changer d’échelle la taille des PAC proposées au catalogue. Elles permettent désormais de fournir en chauffage et en eau chaude des bâtiments collectifs grâce aux modèles ZéPAC (zéro émission Carbone), des pompes à chaleur monobloc à liaison hydraulique qui revendiquent la plus faible empreinte carbone du marché. Un argument de poids face à la concurrence asiatique alors que le marché des PAC est en train d’exploser en Europe.

Selon l’Association européenne pour les pompes à chaleur (EHPA), les ventes sont passées de 2,18 millions en 2021 d’unités à 3 millions 2022, contre, enregistrant un bond historique de 38 %.

De nombreux pays européens ont déjà mis en place des programmes d’aides à l’installation et le plan REPowerEU, présenté par la Commission européenne en mai 2022 en réponse à la crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine, prévoit de doubler la vitesse déploiement des PAC à l’horizon 2030. La localisation en France de la production joue également en faveur de l’entreprise sur le plan environnemental face à la concurrence fabriquée dans la lointaine Asie. Et un argument de vente.

« L’origine France bénéficie d’une garantie de sérieux à l’international »

Le groupe a obtenu en 2011 sa première certification Origine France Garantie (OFG) qui fournit aux consommateurs la garantie qu’au moins 50 % du prix de revient est français, et qu’il prend ses caractéristiques essentielles en France. Le groupe revendique entre 50 et 80 % de la valeur de ses produits en part locale. Des pièces continuent en effet d’être importés d’Asie, faute de filière industrielle en Europe. Les compresseurs sont ainsi quasi tous importés de Chine, l’Europe n’en fabriquant pas.

Intuitis, tous produits confondus, est présent dans une quarantaine de pays via des importateurs-distributeurs et réalise en moyenne 10 % de son chiffre d’affaires à l’export, mais 20 % pour les seules PAC.  Et le fait qu’elles soient produites en France est un avantage sur la concurrence.

« L’origine France bénéficie d’une garantie de sérieux à l’international : il y a un vrai savoir-faire spécifique français dans notre secteur, témoigne la directrice export Adeline Saillant qui a pu vérifier cette bonne réputation sur les salons professionnels. Si les clients étrangers ne connaissent pas spécifiquement cette certification, ils posent la question et le fait qu’elle garantisse une production en France les rassure ».

L’inauguration de ce nouvel outil industriel est l’occasion pour Intuis de recevoir la certification de son modèle de pompe à chaleur HRC 60 destiné aux logements collectifs. « Le segment de la rénovation va être le plus important dans les 10 prochaines années, prévoit Philippe Dénecé. La France est le premier marché des pompes à chaleur mais la demande européenne est en train de d’exploser alors que la production ne suit pas. Le gouvernement français prévoit d’augmenter la production nationale à 1,3 millions d’unités en 2030 dont 300 000 pour l’export. »

La conjoncture sourit aux 100 000 chauffe-eau thermodynamiques et 30 000 PAC produites chaque année par l’entreprise. A l’international, l’implantation française et la vigueur du marché européen pourrait faire encore grimper la part du chiffre d’affaire à l’export  du groupe.

Sophie Creusillet