A la veille de la présentation de son projet de Loi Industrie verte, le gouvernement a accueilli le 15 mai à Versailles son 6e sommet Choose France, le rendez-vous annuel de l’investissement direct étranger (IDE), en présence de 200 dirigeants de multinationales dont Elon Musk. Quelque 28 projet d’IDE ont été annoncés à cette occasion. Si avec 1725 annonces de projets l’an dernier, selon Business France, l’Hexagone demeure la première terre d’accueil des IDE en Europe, les investisseurs se montrent prudents sur son attractivité à moyen terme, selon le baromètre EY.
Le 6ème Sommet Choose France le 15 mai a donné lieu à une avalanche d’annonces : au total 28 entreprises étrangères vont investir 13 milliards d’euros sur 32 sites de production, représentant plus de 8 000 emplois. Parmi eux, un quatrième projet de Gigafactory dans le Nord de la France de 5 milliards d’euros vient d’être annoncé par le Taiwanais ProLogium, à l’occasion d’une visite d’Emmanuel Macron à Dunkerque.
Une dynamique déjà présente l’an dernier. Avec des annonces de projets, en hausse de 7 % par rapport à 2021, selon le bilan annuel des IDE publié par Business France au moment du Sommet Choose France, l’Hexagone conserve son statut de première terre d’accueil des IDE, devant le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Espagne. « La hausse du nombre d’emplois créés ou maintenus est historique, + 31 % par rapport à 2021 », souligne l’agence dans un communiqué.
Dans le détail, 50 % des ces projets concernent de nouvelles implantations, 26 % sont des investissements de production (30 % des emplois créés) et 191 investissements iront à des centres de R&D ou d’ingénierie, un nombre en hausse de 23 % par rapport à 2021. Les États-Unis représentent 16 % des projets, juste devant l’Allemagne (15 %), suivie par le Royaume-Uni (10 %), les Pays-Bas (8 %) et l’Italie (8 %).
Du côté des secteurs, le commerce et la distribution arrivent en tête (13 % des annonces de projets), devant le conseil et les services aux entreprises (10 %), les prestations informatiques (9 %), l’énergie et le recyclage (5 %), ainsi que les équipements électriques et informatiques.
Reste à savoir si cette tendance positive se maintiendra dans le contexte économique actuel.
Vers un essoufflement des relocalisations
Selon le baromètre d’EY sur l’attractivité de la France, publié en même temps que le bilan des IDE de Business France, « près des deux tiers des dirigeants ont des projets immédiats d’investissement en France en 2023, malgré la situation économique, politique et sociale du pays ». L’Hexagone continue en effet de bénéficier du mouvement général de relocalisation de la production en Europe afin de mieux contrôler les supply chains et de limiter les gaz à effet de serre. 51 % des dirigeants expriment leur volonté de rapatrier à court ou moyen terme une partie de leurs activités dans le pays.
« Ces trois dernières années, les relocalisations industrielles ont permis la création de quelque 4 000 nouveaux emplois sur notre territoire, dont plus de la moitié dans trois régions (Grand Est, Auvergne-Rhône-Alpes, Hauts-de-France) », note EY. Cette tendance se maintiendra-t-elle ? Peut-être pas au même rythme. Le baromètre relève ainsi déjà une baisse de 5 points des projets de relocalisation à court et moyen termes par rapport à 2021.
En outre, non seulement la France, mais l’Europe tout entière, risque d’avoir fort à faire pour rivaliser avec le boost de compétitivité administré à l’économie américaine par l’Inflation Reduction Act (IRA) ainsi qu’un coût de l’énergie bien moindre que sur le Vieux Continent. « Selon une étude récente de La Fabrique de l’Industrie, 155 000 emplois industriels, soit 6% des effectifs totaux, seraient menacés par cette concurrence et par la mise en place d’une taxe carbone aux frontières de l’UE à partir de 2026 ou 2027 », rappelle EY.
Les projets industriels ont bondi de 43 %
Conséquence : les perspectives à trois ans en matière d’IDE sont beaucoup moins réjouissantes. La part des dirigeants étrangers estimant que l’attractivité de la France allait s’arranger à cet horizon est passée de 74 % en 2021, à 63 % en 2022 et 53 % début 2023. Les facteurs économiques actuels comme les coûts de l’énergie et des matières premières, la baisse de la consommation, les taux d’intérêt élevés, etc. jouent inévitablement sur le moral et la confiance des dirigeants étrangers.
En revanche, ces derniers parient plus que par le passé sur les capacités industrielles de la France : le nombre de projets d’investissement dans des sites de production a bondi de 43 % en 2022. Et ces IDE sont désormais au plus près des impératifs industriels de la France.
Les analystes d’EY ont ainsi observé que, dans l’automobile et l’aéronautique, la part de projet impliquant des énergies décarbonées (véhicules électriques par exemple) est passée de 12 % en 2018 à 30 % en 2022. De manière générale, le nombre de projets à fort impact environnemental n’a cessé d’augmenter ces 5 dernières années. La disponibilité en énergie décarbonée (grâce notamment au nucléaire) est d’ailleurs le premier avantage cité par les investisseurs étrangers malgré l’actuelle crise énergétique actuelle.
Sophie Creusillet