Le bilan du commerce extérieur français a été passé au crible par le Haut-commissariat au Plan (HCP), qui établit depuis 2021 un suivi poste par poste des soldes commerciaux. Résultat : la situation s’est aggravée en 2022, rendant nécessaire, selon l’institution dirigée par François Bayrou, une stratégie de commerce extérieure pour chaque filière.
Pneus de voiture, miel, légumes, machines, brosses à dent, aspirateurs, cathéters, bicyclettes… Dans sa note de mise à jour à 2022* de son rapport « La bataille du commerce extérieur », publié une première fois en 2021, le HCP a donc passé en revue le solde commercial de 9781 postes/produits figurant sur les bases de données des Douanes pour 2022.
Résultat : une « aggravation globale de la situation », malgré une amélioration du solde commerciale au 4ème trimestre 2022 et un excédent record dégagé par les produits agricoles grâce aux exportations des céréales. « Ainsi, plus des deux tiers des produits recensés par les douanes (67%) affichent un déficit commercial et 11% de l’ensemble des postes, une fois les dépenses énergétiques exclues, présentent un déficit de plus de 50 millions d’euros » constate le Haut-Commissariat.
Dans le détail, sur les 9781 postes/produits passés en revue, 6588 sont en déficit commercial. Parmi ces derniers, 1079 hors énergie dégagent un déficit supérieur à 50 millions d’euros (M EUR), un nombre en hausse de 22 % par rapport à 2019 (884 postes/produits).
Les performances de quelques secteurs sont un cache-misère
De fait les bonnes performances de quelques secteurs d’excellence comme l’aéronautique, des vins et spiritueux ou des parfums et cosmétiques sont un cache-misère au vu des données relevées par le HCP.
Dans l’industrie manufacturières, si des filières tirent leur épingle du jeu à l’instar de l’aéronautique (+23,5 milliards d’excédent), les déficits se creusent notamment dans les produits de l’industrie automobile (-9,8 %), les équipements électriques et électroménagers (-16,24 %), le bois-papier-carton (-28,6 %), le textiles-habillement-chaussures (-29,7 %), les cycles et motocycles (-16,82 %), les machines industrielles et agricoles (-19,48 %), les produits chimiques-parfums-cosmétiques (-21,36 %), les téléphones et équipements de communication (-8,93 %).
Dans les produits agricoles, malgré les bons résultats de l’agroalimentaires ou des céréales, quelques signaux sont inquiétants : le fameux « indicateur ratatouille » mis au point par le HCP, qui agrège les soldes commerciaux des cinq légumes (tomates, courgettes, poivrons, aubergines, oignons) composant la recette provençale, s’est dégradé avec un déficit commercial passé de – 639,6 M EUR en 2021 à – 744,4 M EUR en 2022.
Etablir des stratégie de reconquête filière par filière
Pour noircir encore le tableau, le HCP, qui a également passé en revue l’évolution des soldes commerciaux par zones géographiques, pointe le fait que les soldes commerciaux se sont dégradés avec toutes les zones géographiques en 2022 et affichent des déficits : outre avec l’Asie, avec laquelle le déficit est structurel, l’Union européenne (-63,6 Md EUR), l’Amérique (-12,5 Md EUR), l’Afrique (-10,8 Md EUR) et le Proche et Moyen-Orient (-3,3 Md EUR).
De sorte que la part de marché de l’Hexagone dans les exportations mondiales de biens, de 2,4 % en 2022, est inférieure à celle de l’Italie (2,5 %) et presque trois fois moindre que celle de l’Allemagne (6,5 %).
Pour le Plan, face, notamment, à « l’importance de la consommation intérieure non satisfaite par la production nationale sur de nombreux postes », s’impose la nécessité de poursuivre « la politique de reconquête de notre appareil productif », un axe qu’il avait déjà mis en avant dans la première édition de ce rapport.
Aux mesures « horizontales » adoptées depuis 2017 pour « améliorer la compétitivité et l’attractivité du site de production national » (allègements fiscaux, loi Pacte, sites industriels « clés en main »), il propose d’ajouter des « outils de politique industrielle verticaux ». Concrètement, il s’agit d’établir, filière par filière, produit par produit, « des stratégies de reconquête de notre industrie et du redressement du commerce extérieur ». Dans cette optique, le HCP proposera « prochainement » une telle stratégie pour les produits de la mer, dont le déficit commercial s’aggrave, atteignant -1,4 Md EUR en 2022 pour les produits de la pêche et l’aquaculture et – 4,1 Md EUR pour les préparations et conserves.
A suivre…
C.G
*La note de mise à jour à 2022 du HCP est téléchargeable ci-après.