Contraction de glamour et camping, le « glamping », concept de vacances chics au grand air, a le vent en poupe en Chine, où les citadins ont soif de verdure après quasi trois années de restrictions en raison de la crise sanitaire. Malgré des déconvenues lors de ses premiers pas sur ce marché au début des années 2010, Huttopia, une ETI lyonnaise, a ouvert un premier village en octobre dernier grâce à un changement de partenaire local. Et espère en ouvrir d’autres.
Presque dix ans. C’est le temps qu’il aura fallu à l’entreprise lyonnaise, créée par Céline et Philippe Bossanne en 1999 près de Lyon, pour ouvrir son premier établissement en Chine. Le 1er octobre 2022, après quatre années de développement, l’Huttopia Deqing a ouvert ses portes dans la province de Zhejiang, à 2h30 de route de Shanghai. Au cœur d’une bambouseraie de 16 hectares nichée dans la base de loisirs outdoor Elephant & Moon, il décline à l’identique le concept qui a fait le succès de ces villages tout en bois en pleine nature, en France et à l’international.
Depuis 2008, cette version française du glamping s’est exportée sur les marchés canadien, états-unien, néerlandais, espagnol et argentin. Comme sur tous les autres sites de cette ETI de 700 personnes, celui de Deqing promet une vie au grand air, faite de balades et de barbecues en famille ou entre amis. Il compte une centaine de tentes, chalets et cabanes, équipés de leurs propres sanitaires et propose aux citadins surmenés des activités comme le yoga, la randonnée, le vélo ou l’équitation.
Un concept qui arrive au bon moment
Seule concession faite à la déconnexion prônée par Huttopia : la wifi. « En Chine, c’est impossible de ne pas l’avoir, sourit Catherine Chauvinc administratrice d’Huttopia et Conseillère du commerce extérieur de la France (CCEF) en Chine, où elle vit depuis plus de 20 ans. Les Chinois sont tout le temps sur leur portable, ils y vont pour payer des factures, effectuer des démarches, faire des achats ou poster sur les réseaux sociaux. »
Si, de prime abord, l’idée d’aller ouvrir un camping en Chine qui na aucune tradition dans le domaine peut paraître quelque peu farfelue, elle arrive à point nommé dans un pays qui a connu pendant la pandémie presque trois années de confinements et de restrictions. Autre congruence de ce concept de vie au contact de la nature (mais en conservant son confort) : il répond au besoin d’évasion d’une population dont le taux d’urbanisation a explosé ces dernières décennies en Chine, bondissant d’un tiers à deux tiers de ses habitants entre 1985 et 2022.
« Shanghai compte 25 millions d’habitants et Hangzhou, située à 40 minutes du site, plus de 10 millions. Ce sont des villes très denses dont la classe moyenne aisée et les millenials, qui ont désormais accès à une gamme de loisirs plus diversifiée, souhaite s’échapper, explique la CCEF qui observe que la pandémie de Covid-19 a définitivement lancé la tendance du camping. A Shanghai, il n’est pas rare de voir des habitants planter leur tente dans les parcs pour profiter d’un peu de verdure. »
Les amateurs de camping chic
dépensent en moyenne 1000 dollars par séjour
Alors qu’il véhicule une image souvent ringarde en France, le camping version chic a en Chine les faveurs de la jeune génération. Selon les données de la plateforme de voyage en ligne Fliggy, 90 % des réservations de sont effectuées par des personnes nées après 1980. Plus jeune, l’amateur chinois de glamping est également loin de l’image populaire des vacances au camping : en 2021, ses amateurs ont dépensé en moyenne 1 038 dollars pour leur séjour.
Cet engouement a littéralement explosé en 2022. Selon le réseau social Xiaohongshu (également appelé RED), les recherches de mots-clés liés au camping pendant la traditionnelle semaine de congé du 1er mai se sont envolées de plus de 746 % cette année, après avoir déjà bondi de 200 % en 2020 et 2021. Huttopia, qui a connu des débuts difficiles sur ce marché, a donc bien fait d’insister.
Le tournant : la création d’une coentreprise d’exploitation
Il aura en effet fallu deux déconvenues avec des partenaires locaux avant que l’entreprise ne puisse faire avancer son projet chinois.
En 2013, Huttopia monte un premier projet pilote dans la province du Sichuan en partenariat avec les entreprises locales gérant les parcs nationaux. « Elles ont décidé de vendre à un promoteur immobilier une partie du terrain et nous avons du entièrement démonté les installations, se souvient Catherine Chauvinc. Nous avons ensuite monté un autre projet avec un partenaire similaire près de Xian, dans la province du Shaanxi, mais il ne suivait pas notre charte et s’est orienté vers un concept d’hôtellerie plus classique dont nous nous sommes retirés. »
L’entreprise change alors son fusil d’épaule et fait affaire avec une entreprise privée spécialisée dans les équipements de loisir de plein air, Topsun. « Nous venons du même secteur, ce qui facilite grandement la communication et nous avons vraiment travaillé main dans la main pour ouvrir ce site malgré des conditions compliquées. » Une coentreprise est créée et Huttopia exploite depuis son bureau de Shanghai en partenariat avec Topsun, mais n’investit pas.
Cette première implantation pourrait-elle servir de tremplin à d’autres villages Huttopia en Asie ? « Nous allons commencer par consolider ce premier projet. Nous pensons évidement à d’autres marchés asiatiques à long terme, mais nous allons d’abord nous concentrer sur le marché chinois, précise Catherine Chauvinc. Après un démarrage poussif en octobre et décembre, nous avons affiché complet pendant les vacances du Nouvel An et les taux de réservation ont suivi le prévisionnel en février et mars. »
Le dynamisme du marché du loisir et de plein air, actuellement en plein boum, devrait en toute logique permettre à Huttopia de faire à nouveau le plein cet été. Verdict à la rentrée prochaine…
Sophie Creusillet