Comme on s’y attendait, le pays s’enfonce dans une période lourde d’incertitudes politiques et économiques. Nous l’avions écrit précédemment, le slogan Brexit is Brexit, que l’on a beaucoup entendu après le référendum de 2016, puis le Global Britain qui lui a succédé, masquent surtout une quasi totale incapacité à gérer la sortie de l’Union européenne, due à une absence complète de préparation, voire de stratégie : l’épisode Liz Truss, éphémère Première ministre conservatrice démissionnée après à peine 49 jours d’exercice du pouvoir pour avoir présenté un budget non financé (45 milliards de livres de baisse d’impôts annoncées), n’est que le dernier d’un feuilleton chaotique dans un pays actuellement touché de plein fouet par l’inflation, à son plus haut niveau depuis 40 ans (+11,1 % sur un an à fin octobre 2022). Les conséquences du Brexit ont commencé à se faire sentir au quotidien dès 2017, en particulier dans les transactions commerciales et les relations PME/banques, ces dernières n’étant déjà pas vraiment au beau fixe.
Depuis la situation n’a fait que se dégrader. Et la crise sanitaire n’a fait qu’en rajouter une couche qui n’était pas vraiment bienvenue. Cette crise sanitaire a néanmoins permis d’occulter pendant un peu plus de deux ans, les effets négatifs du Brexit. Le déclenchement de la guerre en Ukraine et l’explosion des prix de l’énergie n’ont fait qu’aggraver la situation. Les années précédentes, dans le secteur du commerce de détail, plusieurs enseignes ont dû soit fermer de nombreuses boutiques, soit mettre fin à leurs activités. De nombreuses enseignes n’ont pas su non plus prendre le virage du numérique et la liste des entreprises se précipitant vers les procédures de sauvegarde s’allonge de mois en mois, présageant de nouvelles faillites. Depuis quelques mois, ce sont également des restaurants et des pubs qui sont frappés de plein fouet, par suite de manque de personnels. Et ce mouvement devrait s’intensifier dans les années à venir.
Le gouvernement britannique avait promis de nombreux accords commerciaux pour redonner à la Grande Bretagne sa grandeur économique indépendante. Là aussi, échec complet. Sur le site officiel qui recense les nouveaux accords (https://www.gov.uk/government/collections/the-uks-trade-agreements), au 3 novembre 2022, la liste complète des accords signés est très loin des ambitions affichées avant le vote du Brexit. En outre, les difficultés à mettre en place les nouveaux contrôles douaniers, côté britannique, ont réduit les importations et les exportations vers l’Union européenne dans des proportions significatives, au détriment principalement des TPE et PME locales.Les retards de paiement continuent de se dégrader, ce qui a hélas conforté l’avis de nombre d’exportateurs français qui se plaignent dumauvais comportement payeur des entreprises britanniques, plus particulièrement des PME… Il est vrai que ces dernières souffrent beaucoup du manque de soutien des banques locales. Selon les statistiques de l’Union de Berne, en 2021, le Royaume-Uni figure à la 3eplace du Top 10 des pays sur lesquels les assureurs ont versé des indemnisations sur les opérations court terme.En matière de défaillances d’entreprises, curieusement, les principaux prestataires communiquent pour l’année 2021, des chiffres très différents, certains indiquant même des hausses et d’autres des baisses par rapport à fin 2020. Pour nous, les statistiques les plus fiables demeurent celles fournies par le gouvernement britannique, établies par l’Insolvency service company : https://www.gov.uk/government/collections/insolvency-statistics. Ce site publie régulièrement des données intéressantes sur les défaillances par région (England, Wales, Scotland and Northern Ireland).Les données communiquées début novembre 2022 ne laissent augurer rien de bon pour l’année en cours : sans surprise, les défaillances sont de nouveau en très forte hausse avec, pour le troisième trimestre 2022, +45 % par rapportà la même période en 2021.
La suite dépendra des nouvelles mesures mises en place par le gouvernement avec the Corporate Insolvency and Governance Act 2020, entré en vigueur le 1er octobre 2021, prolongé une première fois jusqu’au 31 mars 2022, puis partiellement jusqu’au 31 décembre 2022. Prudence donc, surtout dans les transactions avec des PME qui sont très touchées à la fois par le Brexit, les effets de la crise sanitaire, et l’explosion de l’inflation. Dans tous les cas, il est essentiel de soigner la rédaction des offres et contrats et de surveiller rigoureusement les échéances négociées.