Les chargeurs doivent s’attendre à la poursuite des hausses de tarifs de transport cette année, et notamment des transporteurs routiers, selon la dernière étude du cabinet de conseil Bp2r. Dans un contexte marqué par l’incertitude et le ralentissement de l’activité, la hausse des prix du carburant n’explique pas tout : sur l’international, l’impact du « paquet mobilité » de l’Union européenne (UE) est également sensible.
D’après cette étude annuelle effectuée auprès des transporteurs routiers (111 pour cette édition, interrogés en octobre 2022), 86% des répondants envisagent de demander à leurs clients chargeurs une revalorisation tarifaire -hors gazole, hors péage de transit poids lourds- de plus de 3% pour leurs prestations de transport routier. Et pour 76 % d’entre eux, l’augmentation de mandée sera supérieure à 6 %.
Compte tenu du fait que la hausse des prix du gazole n’est pas comprise dans le périmètre de cette question, cela donne une tendance inflationniste très importante. Bp2r rappelle ainsi que le prix de ce carburant a augmenté en moyenne de 35 à 40 % depuis fin 2021…
Quels sont les autres facteurs qui pèsent sur les coûts des transporteurs ?
Hausse des salaires et impact du « paquet mobilité »
D’après l’étude, la revalorisation des salaires entraînée par la pénurie de chauffeur est un important facteur d’augmentation des prix : 91 % des répondant indiquent que cela aura un impact significatif, de moyen (26 %) à fort (65 %). L’impact de cette hausse de salaire est évalué au même niveau que celui de la hausse des coûts de production par les répondants (92 %).
A noter que les problèmes de recrutement et de hausse des prix des carburants ont également été pointé comme constituant les principaux défis auxquels sera confronté le secteur en Europe cette année dans une étude récemment publiée par le cabinet Upply.
Autre facteur, l’impact du « paquet mobilité » européen, qui a durci les règles du transport routier, notamment transfrontière, à partir de février 2022. Il a ainsi contribué à tarir l’offre de transport, notamment international, en provenances des pays de l’Est et à réduire les capacités disponibles (enregistrement obligatoire dans le tachygraphe de tout passage frontalier ; respects de normes en matière de conditions de travail et protection sociale pour les travailleurs détachés ; retour obligatoire des véhicules à leur base opérationnelle toutes les 8 semaines ; Délai de grâce obligatoire de 4 jours pour le cabotage ; extension de l’obligation d’obtenir un permis et une licence pour le transport international de marchandises par route…).
Toutefois, les transporteurs restent attentifs aux attentes des chargeurs, celles-ci semblant « clairement faire office de boussole dans ce qui doit faire la compétitivité d’une entreprise de transport » relève Bp2r. Ainsi, lorsqu’on les interroge sur ce qu’ils pensent être important pour maintenir un avantage concurrentiel, les transporteurs mettent largement en tête la « qualité de service » (83 %), son « engagement capacitaire » (57 %) et sa politique « RSE » (48 %).
Cette dernière, qui grimpe chaque année dans ce sondage, inclut l’enjeu de décarbonation de la prestation, une attente forte des donneurs d’ordre. Mais les transporteurs semblent avoir pris un peu de retard : « la mesure fiable et actionnable des émissions de GES, prérequis indispensable à toute initiative sérieuse, ne semble pas faire partie des acquis car seuls 53% des transporteurs affirment l’avoir mise en place » regrette Bp2r, et 65 % seulement indiquent avoir mis en place un reporting des émissions de gaz à effet de serre. Les transporteurs semblent également en retard sur les attentes des chargeurs en matière de services digitalisés, une autre attente forte des chargeurs.
« Les perspectives pour 2023 sont assez pessimistes, résume Luc Chambonnière, Carrier Practice Director de bp2r. Beaucoup d’incertitudes planent vis-à-vis de l’évolution de la conjoncture du marché du transport routier. Et la pénurie de conducteurs contribue à tendre une offre capacitaire toujours limitée. Sur ce point, les transporteurs ont semble-t-il compris qu’ils avaient des cartes en main, notamment via les revalorisations salariales qu’ils ont accordées pour redonner de l’attractivité au métier de conducteur. Pour 2023, les prix du transport routier semblent encore prêts à atteindre des sommets inédits, gonflés par la hausse du coût des énergies et des coûts de production. Mais ces velléités ne se heurteront-elles pas à terme à une demande qui s’annonce en berne ? Gageons que les augmentations obtenues leur serviront aussi à investir sereinement dans les sujets de digitalisation et de décarbonation, qui concentrent des attentes grandissantes chez les chargeurs. »
C.G