Le spectre de la corruption effraye souvent, et à juste titre, les entreprises candidates à l´export ou à l´investissement en Russie, pays classé au 146ème rang sur 180 par l´indice de perception de la corruption établi par Transparency International. Selon un rapport publié lundi dernier par l´Association des avocats russes pour les droits de l´homme, l´équivalent de la moitié du PIB russe irait directement dans les poches de fonctionnaires corrompus.
Selon cette étude, qui s´appuie sur les statistiques officielles russes et sur l´analyse de 6 589 plaintes recueillies par l´association, le montant moyen d´un bakchich a doublé depuis le début de l´année 2010 pour atteindre 44 000 roubles, soit 1 500 euros. Un montant qui peut rapidement augmenter pour certaines formes de corruption.
L´achat d´un poste dans la police routière, réputée ultra corrompue, coûte par exemple 40 000 euros. Pour devenir procureur dans un parquet de district, la facture s´élève à 7 800 euros. « Les métiers les plus prestigieux sont ceux où la corruption est stable », souligne le rapport.
La conclusion de cette étude, selon laquelle le montant total des pots-de-vins versés représenterait la moitié du PIB, est difficilement vérifiable. Reste qu´elle met en lumière l´importance d´un fléau dont les autorités russes affirment vouloir se saisir.
Il y a quelques jours, lors d’une réunion à Sotchi consacrée aux perspectives économiques du pays, le président Dimitri Medvedev a en effet appelé à la lutte contre la corruption dans les services douaniers. Elevés et fluctuants, les pots-de-vin réclamés par les douaniers pénalisent l´importation de biens de haute technologie, nécessaires au développement économique du pays.
Mais, dans le cas des Douanes, la corruption n´est pas seule en cause. Comme l´a rappelé à Sotchi la ministre du Développement économique Elvira Nabioullina, la complexité du système douanier russe s´avère également dissuasif. Les exportateurs doivent par exemple fournir 13 documents et les importateurs 8, soit le double du nombre de documents habituellement requis dans la plupart des pays occidentaux.
Pour endiguer les dysfonctionnements des Douanes, le président russe a également annoncé la création d’un « canal vert », une procédure simplifiée pour l’importation des biens de haute technologie, sans en préciser toutefois les modalités.
Enième effet d´annonce ou signe d´une réelle volonté de lutter contre la corruption ? Pour Alexandre Bouksman, premier vice-procureur général de Russie, il s´agit aussi d´une question de moyens. « Il est facile d´arrêter un médecin ou un enseignant, tandis qu´il est difficile de lutter contre la grande corruption en raison du manque de professionnalisme, d´expérience. Et c´est un problème sérieux » a-t-il déclaré hier à l´agence Ria Novosti.
Sophie Creusillet
Pour consulter le rapport de l´Association des avocats russes pour les droits de l´homme, disponible uniquement en russe, téléchargez le PDF ci-dessous.