Née en 2019 dans la pépinière du Technopôle Environnement d’Aix en Provence, Chargepoly monte en puissance sur le marché des solutions de recharge des véhicules électriques, avec une offre innovante de stations intelligentes mise au point avec l’Institut Vedecom. Tout juste rentré du dernier CES de Las Vegas, où il a rempli son carnet de contacts, Hadi Moussavi, son fondateur et président, affiche son ambition américaine tout en menant au pas de charge le développement commercial de l’entreprise en France et en Europe.
« Le bilan est très positif, nous avons validé l’intérêt pour nous d’aller aux États-Unis ». En ce 11 janvier 2023, au lendemain de son retour du CES de Las Vegas, auquel il a participé avec la délégation de la région Sud et 200 autres jeunes pousses de la French tech, Hadi Moussavi, fondateur et dirigeant de Chargepoly, startup aixoise qui conçoit et fabrique des stations intelligentes de recharge rapide pour véhicule électriques, ne laisse même pas transparaître une pointe de fatigue (notre photo, lors du CES de 2022 où la société a reçu un award).
A 48 ans, ce polytechnicien d’origine iranienne (il avait 12 ans lorsque ses parents ont posé leurs valises en France) est déjà rompu aux voyages internationaux et aux problématiques du développement commercial à l’étranger. Grâce, notamment, à ses 15 ans passés chez Air liquide. « Je changeais de pays tous les 4 ans et j’ai terminé à Dubaï » se souvient-il.
Un développement au pas de charge
Autant dire que c’est sans peine qu’il mène actuellement avec ses équipes, au pas de charge et sans compter ses heures, le développement de sa société, sur le marché français qui l’a vu naître, comme à l’international où les signaux positifs se multiplient. Son effectif, actuellement de 15 personnes entre les ingénieurs et les commerciaux, devrait grossir d’une vingtaine de collaborateurs supplémentaires d’ici la fin de l’année, ingénieurs mais aussi commerciaux.
La startup commence à peine à faire du chiffre d’affaires mais ses perspectives de croissance sont exponentielles : 300 000 euros en 2022, « dix fois plus cette année » glisse Hadi Moussavi.
Sa stratégie consiste à se déployer selon trois grands axes : les grands comptes internationaux, qui ont besoin d’équiper leurs dépôts ou leur parking (transporteurs, hôteliers, constructeurs, etc.) ; le grand public avec son propre réseau de stations, qu’il commence à développer en France avec sa filiale dédiée Chargepoly Station ; et enfin le marché américain, référence mondiale.
Entre Los Angeles et Las Vegas, quantité de Tesla…
D’où son projet d’ouvrir une filiale aux États-Unis d’ici la fin de l’année et d’y faire assembler ses produits pour l’instant 100 % Made in France. « C’est un vrai marché : sur la route entre Los Angeles et Las Vegas, vous croisez quantité de Tesla » souligne le dirigeant. Et il ne cache pas que le plan Biden Inflation Reduction Act et ses subventions massives à la mobilité électrique, s’il fâche les Européens, rendent également le marché attractif.
Selon le dirigeant, une short list de partenaires industriels potentiels outre-Atlantique a d’ores et déjà été constituée. « Nous espérons conclure dans les six prochains mois », souligne le dirigeant. Le patron de la future filiale, lui, est déjà identifié. « Il va partir s’installer aux États-Unis » et, d’ici fin 2023, ils seront trois pour lancer la machine.
Reste à choisir le lieu d’implantation. Ce sera dans une zone où la densité des parcs de véhicules électriques est forte, « probablement sur la Côte Ouest ». Il faudra aussi organiser les flux logistiques avec le partenaire industriel.
En parallèle, Chargepoly a engagé les travaux pour la mise aux normes américaines de ses matériels (sécurité électrique, fréquences radio, étanchéité, etc.), une étape incontournable pour obtenir les homologations nécessaires pour la mise en marché. « C’est tout un processus long et coûteux mais indispensable » souligne Hadi Moussavi. Une chance : dans le domaine électrique, les normes américaines se basent beaucoup sur les normes Iso (les IOC), et les tests homologués peuvent être menés aussi bien en Europe qu’outre-Atlantique. Ces tests doivent être menés par une société de certification au cours de ces prochains mois.
« En mutualisant la puissance, nous supprimons les inefficacités… »
Pourquoi mener autant de projets en même temps ?
Chargepoly est, grâce à l’ADN international de son dirigeant, une « born global » selon le jargon de l’écosystème des startups. Elle arrive en effet sur le marché neuf, mondial et bouillonnant que constitue la mobilité électrique, à point nommé avec sa solution innovante. C’est le moment de prendre position, voire quelques longueurs d’avance sans se cantonner au marché français.
Son produit mérite qu’on s’y arrête. Son système intelligent permet de distribuer la puissance entre les différentes bornes en fonction des besoins de chaque véhicule. Les bornes chargent les unes après les autres, sans aucune interruption. « En mutualisant la puissance, nous supprimons les inefficacités des systèmes traditionnels et nous améliorons le service » explique le dirigeant. Et cette amélioration du service vaut tout autant pour les propriétaires que pour les utilisateurs des véhicules. Il faut à peine 30 mn pour recharger un véhicule d’une puissance de 100 kV depuis une station Chargepoly.
Déjà primées lors du CES de Las Vegas 2022, les stations de Chargepoly font l’objet de plusieurs brevets, et ont été finalistes du concours INPI de l’innovation cette année. Modulables, elles peuvent être dotées de 10 à 30 bornes, soit une solution idéale pour les gestionnaires de flottes de véhicules (utilitaires, camions, bus), et prometteuses pour le marché grand public puisqu’elles peuvent être installées sur n’importe quel parking de centre commercial ou de zone industrielle. D’où l’intérêt qu’elles suscitent partout où se développent les véhicules électriques.
« A terme, l’international doit représenter
les trois quarts de notre chiffre d’affaires »
« Le marché est énorme, avec une taille moyenne de station de 10 bornes, précise Hadi Moussavi. Quand on gagne un projet, c’est au minimum 100 000 euros ». Le carnet de commande se remplit à grande vitesse, en France, mais aussi à l’export. « A terme, l’international doit représenter les trois quarts de notre chiffre d’affaires », estime le dirigeant.
En Europe, au regard du poids de l’électromobilité, le premier marché est l’Allemagne, suivi ex aequo par la France et le Royaume Uni. Mais au niveau mondial, le marché américain est le premier, du moins accessible à une startup européenne. « La Chine est trop compliquée et n’est pas une priorité ». Des signaux sont déjà venus d’Inde, au potentiel gigantesque, mais là encore, un marché trop complexe pour être abordé dès maintenant, ainsi que des Émirats arabes unis, petit marché mais belle vitrine.
Lors du dernier CES, depuis son stand de 6 m2 dans l’allée où exposaient les jeunes pousses de la Région Sud, dans l’enceinte du gigantesque pavillon France de l’Eureka Park, Hadi Moussavi a ainsi eu des contacts prometteurs, de visiteurs qui avaient mis Chargepoly dans leur liste « to visit ».
« Au CES, vous avez les touristes, les gens qui découvrent sur place les nouveautés, relate Hadi Moussavi. Et puis vous avez les visiteurs qui ont préparé leur déplacement avec des objectifs précis, en consultant le catalogue des exposants sur le site du CES. Ceux-là traversent tout l’Eureka Park pour venir directement vous voir ». Le dirigeant avait pris soin de remplir sa fiche exposant sur le site du CES, et notamment d’être correctement référencé dans la catégorie « Mobilité électrique ».
C’est ainsi que, parmi d’autres visiteurs, il a eu celle d’un officier de l’armée américaine, intéressé par cette solution. De même, miracle de ces grand-messes internationales de l’innovation, une visite de dernière minute, en fin de journée le vendredi 6 janvier, du patron de l’innovation d’un grand groupe français qu’Hadi Moussavi tentait de rencontrer en vain depuis un an…
Jusqu’à présent, Chargepoly a financé son développement grâce aux financements levés auprès de fonds d’amorçages privés (Vermeer, Venture, etc.) et publics (dont Bpifrance), 2,5 millions d’euros environ depuis sa création. Elle est en train de préparer une nouvelle levée de fonds de « série A » pour financer notamment son projet américain et accélérer les recrutements.
Christine Gilguy