Sans pour autant délaisser les millésimes étrangers, les Chinois se tournent de plus en plus vers les vins locaux à la faveur de leur montée en gamme. C’est l’une des tendances fortes que souligne le rapport sur les habitudes d’achat et de consommation publié en novembre dernier par le site d’e-commerce Tmall.
La crise sanitaire a profité aux vignerons chinois. Souvent décriés pour leur piètre qualité (la coutume locale est de les additionner de soda), les vins chinois ont suffisamment augmenté en qualité pour tenir la comparaison avec la concurrence étrangère, en particulier ceux produits dans les provinces du Ningxia, du Xinjiang et du Gansu. En mars dernier, Ao Yun est devenu le premier grand cru de Chine à arriver sur La Place de Bordeaux. Certes le domaine appartient au groupe Moët Hennessy et est dirigé par un Français, mais le terroir est (forcément) local.
Particularité du marché chinois, renforcée par la crise sanitaire et ses confinements drastiques : les achats en ligne représentent désormais plus de la moitié des ventes. Le site d’e-commerce Tmall (groupe Alibaba) a enregistré des commandes records de vins pour la Fêtes des Célibataires le 11 novembre dernier (+ 83 %, à 51,67 millions d’euros). Selon le rapport sur les tendances de consommation qu’il a publié en novembre, le marché des vins fins produits localement a explosé de 40 % entre 2019 et 2021.
La jeune génération privilégie les vins locaux
Ce marché est principalement tiré par les Millennials et la génération Z, qui disposent d’un fort pouvoir d’achat et sont à la recherche de vins de qualité. Mais la montée en gamme des vins chinois n’explique pas à elle seule l’engouement des consommateurs pour la production nationale. Toutes qualités confondues, les jeunes amateurs de vin privilégient à 61 % des marques nationales, un choix dans lequel Tmall voit « un fort sentiment de fierté nationale ».
Moins onéreux, ils répondent à de nouvelles habitudes de consommation qui ont émergé depuis le début de l’épidémie de Covid-19. La commande en ligne, bien sûr, mais aussi l’essor du camping et des pique-niques, dont la pratique a explosé à la faveur de la crise sanitaire. Pour accompagner leurs agapes champêtres, les campeurs privilégient les vins doux ou effervescents.
Ces derniers constituent avec le vin blanc d’importants relais de croissance pour le secteur : entre 2020 et 2022, leur consommation a bondi de 20 % et rencontrent un franc succès auprès des femmes dont la part augmente parmi les amateurs de vin. Les hommes dépensent cependant en moyenne 1,8 fois plus pour une bouteille que les femmes, par ailleurs très actives dans l’envolée de la mode du « vin au camping ».
La crise sanitaire mettra-t-elle un coup d’arrêt aux importations de vins étrangers ? Leur importation représentait 20 % de la consommation en 2010 et le double 10 ans plus tard, mais il semble bien que le consommateur chinois se soit replié sur les vins locaux. La Chine reste cependant un marché porteur pour les producteurs étrangers : de 42 milliards de dollars (Md USD) en 2021, il devrait passer à 72,2 Md USD en 2026.
En attendant, et certainement pour longtemps encore, le marché chinois des boissons alcoolisées reste dominé par le baijiu (« alcool blanc »), une eau de vie locale à base de céréales.
Sophie Creusillet