Pour accélérer la décarbonation du transport maritime*, outre les navires « verts » de nouvelle génération misant notamment sur le vélique, émergent des solutions hybrides pour les cargos traditionnels existants. Airseas vient de tester avec succès sa solution prometteuse de cerf-volant géant ou « kite », avec un navire à propulsion thermique de Louis Dreyfus. Explications.
Fondée et dirigée par un ancien ingénieur d’Airbus, Airseas vient de tester en grandeur réelle sa solution pour aider les cargos traditionnels à réduire leurs émissions de C02 : Seawing, un système de cerf-volant géant inspirée du « kitesurf », entièrement automatisé et bourré de technologies issues de l’aéronautique. Une fois déployé, ce « kite » permet de tirer le navire à la force du vent et ainsi de réduire jusqu’à 20 % la consommation de fioul et donc ses émissions.
La campagne de tests, démarrée début décembre 2021, a eu lieu sur le Ville de Bordeaux, un navire de petite taille de Louis Dreyfus Armateurs (premier actionnaire d’Airseas aux côtés d’Airbus) affrété par Airbus pour transporter des tronçons d’A320 aux États-Unis. Un kite de 200 m2 a été déployé avec succès sur ce navire de 5291 dwt (tonnes). Ce sera, a-t-on précisé au Moci, le plus petit navire qu’équipera Aiseas dans les années à venir, des systèmes de cerf-volant de plus grande envergue (500 m2) devant équiper des navires de 200 à 300 m de long et jusqu’à 200 000 dwt.
La campagne de tests, qui se poursuivra en 2023, a été menée en coopération par une équipe d’ingénieurs d’Airseas avec le soutien opérationnel des équipes Airbus Transport & Logistique, et de l’équipage du navire. L’aile se déploie (et se range) automatiquement, quand les conditions météo sont réunies, et permet ainsi de réduire le régime du moteur thermique. Des vidéos tournées le 28 novembre dernier à l’aide d’un drone présentent des vues spectaculaires de l’une des six traversées transatlantiques effectuées durant cette campagne de tests. Celle-ci se poursuivra jusqu’en 2023.
Mais le succès de ces tests constitue une étape majeure dans le projet d’Airseas, première société française à déployer sur des trajets commerciaux un système de propulsion par le vent sur un navire traditionnel existant. « C’est une technologie nouvelle, à la croisée de l’aéronautique et du maritime, et par conséquent les données et analyses que nous collectons sont indispensables pour déployer ensuite le produit sur d’autres flottes commerciales à travers le monde, explique Vincent Bernatets, co-fondateur et président d’Airseas, cité par le communiqué. Chez Airseas, nous sommes convaincus qu’il faut répondre immédiatement à l’urgence climatique et nous avons développé une solution utilisant l’énergie propre et renouvelable du vent, une énergie clé pour commencer dès à présent à décarboner le secteur maritime. »
Chez Louis Dreyfus Armateurs, on ne cache pas sa satisfaction : « Nous avons pour ambition de jouer un rôle actif dans la réduction des émissions carbone du secteur maritime », souligne Antoine Person, directeur général adjoint de la compagnie, pour qui Airbus est à la fois un client et un partenaire dans « ce projet d’envergure de décarbonation de leur chaîne logistique. »
Dans l’immédiat, Airseas, jeune pouce industrielle qui a bénéficié de financements de l’Ademe, des Régions Pays de la loire et Occitanie, de France Relance et du programme européen Blue Economy Window, va accélérer l’industrialisation de son système Seawing. Les armateurs en quête de solutions rapide pour leur flotte traditionnelle s’impatientent : le carnet de commandes actuel représente déjà, selon la société, « 3 années de production ». Un avenir prometteur, y compris à l’export, s’ouvre pour ses kite.
C.G
*Pour rappel, le secteur maritime, responsable d’environ 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, doit réduire rapidement son empreinte carbone pour éviter qu’elle n’atteigne une part de 17 % en 2050.