Fait méconnu : des groupes étrangers s’appuient fréquemment sur leurs filiales en France pour gérer et développer leurs opérations en Afrique, notamment francophone. BWT France vient d’en faire la démonstration en menant l’acquisition de 100 % du capital de son distributeur au Sénégal. Avec l’ambition de prendre des parts de marché dans la zone.
Andreas Weissenbacher, le P-dg du groupe autrichien BWT (Best Water Technology), spécialisé dans les systèmes de traitement de l’eau (équipements et services), aurait un côté visionnaire. Il y a 30 ans, relate Raphaël Gallais, directeur des Opérations de la filiale française du groupe, il a été l’un des rares à investir dans Fumatech, une société de R&D spécialisée dans… la pile à hydrogène ; depuis, elle est devenue un fournisseur mondial de membranes pour cette technologie.
« On a la chance d’être dans un groupe qui se projette dans le long terme », souligne le directeur général de BWT France dans un entretien accordé au Moci. La filiale française réalise 130 millions d’euros de chiffre d’affaires, dont 10 % environ à l’export. L’Afrique représente un peu moins d’un quart, alors que les livraisons à d’autres filiales du groupe BWT, notamment en Europe, représente une part majoritaire de l’export.
« Y être aujourd’hui pour gagner dans 10 ans »
Pour la stratégie africaine, c’est, selon Raphaël Gallais, la même démarche qui est suivie par le groupe à travers le rachat par BWT France de 100 % de son distributeur sénégalais PMI, annoncé le 24 octobre dernier dans un communiqué. « Ce n’est pas un coup, il considère qu’il faut y être aujourd’hui pour gagner dans 10-15 ans » explique Raphaël Gallais.
Créée en 1987, PMI était le partenaire historique et représentant exclusif des sociétés BWT France et Procopi (filiale de BWT France dans le traitement des eaux de piscine) depuis plus de 25 ans.
Spécialisée dans les systèmes traitements des eaux en amont et en aval des process en Afrique francophone, pour les particuliers (piscines) et pour les secteurs des collectivités (hôpitaux, complexes tertiaires, hôtels, etc.) et de l’industrie, cette société compte 80 personnes.
Bien positionnée sur son marché sénégalais, elle s’est récemment distinguée en remportant le marché de l’installation d’un système de traitement et de potabilisation de l’eau pour l’hôpital de Touba, inauguré récemment au Sénégal.
Devenir la base arrière de la stratégie
Prudent dans sa stratégie, mais avec toujours comme objectif « d’être rapidement majoritaire puis actionnaire unique » des sociétés sur lesquelles il veut miser pour l’avenir, le groupe et sa filiale française y ont été progressivement. BWT France a d’abord pris une participation de 25 % du capital de PMI en 2020, puis 26 % supplémentaire en 2021, avant de racheter le restant en juillet 2022.
Le projet de BWT est de transformer cette nouvelle filiale en base arrière pour conquérir d’autres marchés en Afrique de l’Ouest de façon plus pro-active qu’auparavant. « Jusqu’à présent, nous faisions du coup par coup, nous étions plutôt suiveurs de nos client, complète Raphaël Gallais. A présent nous voulons devenir influent en Afrique de l’Ouest francophone et, d’ici 5 ans leader du marché ».
De fait, l’ambition pour PMI est de tripler son chiffre d’affaires, actuellement d’environ 4 millions d’euros, dans les cinq prochaines années.
BWT France, fer de lance pour la stratégie en Afrique de l’Ouest
En l’occurrence, cela fait plusieurs années que BWT France a été identifié par la direction de la maison mère en Autriche comme devant être le « fer de lance » de la stratégie de développement du groupe en Afrique de l’Ouest.
A l’époque, le groupe autrichien, qui avait eu jusqu’à présent une stratégie opportuniste dans cette zone, venait de prendre conscience du potentiel des marchés africains, considérant « que le continent africain était un marché d’avenir » selon Raphaël Gallais. D’où la mise en place d’une stratégie « plus claire » précise le dirigeant, dont le nom de code est « Cap Afrique 21 ».
Le groupe avait déjà posé de petits jalons sur le continent par le passé avec la création d’une succursale au Maroc, pour compenser le retrait de son distributeur, puis une acquisition en Afrique australe, au tournant des année 2010. A travers BWT France et sa nouvelle filiale sénégalaise, il est désormais en train de bâtir un second pilier de cette stratégie pour l’Afrique de l’Ouest.
Christine Gilguy