Assisterait-on au grand retour du protectionnisme alors que le taux d’ouverture mondial stagne et que la géopolitique prend le pas sur l’économie ? C’est la question à laquelle tente de répondre le Cepii (Centre d’études prospectives et d’informations internationales), au service du Premier ministre), dans une étude chiffrée sur la protection douanière et les mesures temporaires.
Entre 2001 et 2019, la moyenne mondiale des droits de douane a chuté de 7,6 % à 3,9 %, les gouvernements ayant eu sur la même période davantage recours à la protection temporaire, une des composantes du protectionnisme aux cotés de la protection douanière et des mesures non tarifaires (sanitaires, techniques..) difficiles à mesurer.
Houssein Guimbart et Kevin Lefebvre, économistes au Cepii se sont néanmoins focalisés sur les données disponibles, certes incomplètes, mais qui mettent en évidence les grandes tendances de ces deux dernières décennies.
Les États-Unis, principal utilisateur
des mesures de protection temporaire…
Résultat : la baisse de 3,7 points de pourcentage de la moyenne mondiale des droits de douane est à 44 % imputable à des décisions unilatérales de leur baisse, à 38 % à des engagements pris au niveau multilatéral (dans le cadre du GATT puis de l’OMC) et à 18 % à des politiques bilatérales (comme celle de la Corée du Sud qui participe à plus d’une quinzaine d’accords commerciaux).
Les droits de douane permanents ne rendent comptent que d’une partie des taxes imposées sur les importations de produits à la frontière. Lorsque les règles du commerce international ne sont pas respectées, une protection temporaire peut-être mise en place pour corriger des distorsions de la concurrence (droits antidumping, droits compensateurs, clauses de sauvegarde…). Les États-Unis, principal utilisateur de ce type de protection temporaire, appliquaient en moyenne en 2019 un droit antidumping de 74 % et un droit compensateur de 47 %. Dans l’Union européenne, ils s’élèvent respectivement à 36 % et 22 %.
… et la Chine, principale cible
Jusqu’à la fin des années 2000, la part du commerce mondial affectée par de telles mesures n’a cessé de diminuer pour atteindre un peu plus de 1 % en 2007, avant de remonter.
Ainsi, par la suite, les droits antidumping ont concerné des flux de commerce plus importants, comme par exemple ceux de l’UE sur les panneaux photovoltaïques chinois, tandis que le recours aux mesures de sauvegarde ont à nouveau été mobilisées, notamment par le Canada et l’UE, dans les secteurs de l’acier et de l’aluminium. Et en 2018, avec 2,5 %, jamais la part du commerce mondial visé par la protection temporaire n’a été aussi importante.
Surtout, la Chine est devenue la cible privilégiée de ces mesures après son adhésion à l’OMC : 45 % de la valeur des importations mondiales visées par la protection temporaire en 2019 la concernent, contre 14 % seulement en 2001. En 2019, 7 % des exportations chinoises étaient concernées. Pour les auteurs de cette étude, il reste cependant difficile d’y voir la cause du ralentissement du commerce, la protection temporaire visant moins de 3 % des importations mondiales.
Ceci étant, les différentes initiatives prises par l’UE et les États-Unis pour sécuriser leurs chaînes d’approvisionnement pourraient donner à l’avenir une tournure plus protectionniste au commerce mondial.
Sophie Creusillet
Pour consulter l’étude du Cepii, cliquez ci-après.