Le dernier baromètre de Coface pour le troisième trimestre, intitulé « coup de froid sur l’économie mondiale », alerte sur la montée des risques d’impayés dans une certain nombre de pays et secteurs subissant les effets négatifs de la conjoncture actuelle, avec son cocktail explosif d’inflation et de hausse des taux d’intérêt. La révision à la baisse des notes de risque pays touche plusieurs pays européens, et plus aucun secteur n’est dans le vert au niveau mondial, à l’exception du secteur pharmaceutique. Revue de détail.
Le contexte est désormais bien connu : crise énergétique en Europe, et, au niveau mondial, « inflation tenace », et « resserrement monétaire agressif » venu d’outre-Atlantique (3 hausses successives de 75 points de base des taux directeurs de la FED).
Comme de nombreuses autres institutions, Coface à revu drastiquement à la baisse ses prévisions de croissance mondiale pour 2023 : celle-ci devrait être inférieure à 2 %, de l’ordre de 1,9 %, comme en 2001, 2008, 2009 et 2020. Et c’est l’Europe « dont les perspectives se sont le plus assombries avec une récession qui semble inévitable dans toutes les principales économies cet hiver ».
Danemark, Suisse, Luxembourg à leur tour déclassés
Concernant les risques pays, aucun nouveau reclassement annoncé par Coface, que des déclassements, parmi lesquels trois pays européens jusque-là en risque « faible » * : Danemark, Luxembourg et Suisse passe ainsi de la note A 1 à A 2.
Trois autres déclassements concernent des pays européens déjà fragilisés : Malte (de A2 à A3) et Chypre et Italie (de A4 à B). Rappelons que la note B signifie « risque assez élevé ».
Seule la Norvège, producteur de pétrole, est désormais notée A 1 en Europe.
Les deux autres déclassements concernent deux pays émergents, le Chili (de A3 à A4) et l’Égypte (de B à C).
Amélioration fragile du risque politique
Autres évolutions qui doivent inciter les responsables en charge du credit management dans les entreprises exportatrices à être prudents, malgré une amélioration de son indicateur mondial de risque politique, grâce à la reprise post-Covid, celui-ci reste à un niveau élevé de l’ordre de 38 %.
« Alors que l’indicateur de fragilité politique et sociale s’était détérioré pour 145 pays sur les 160 analysés l’année dernière, 140 voient donc leur score s’améliorer cette année, précise Coface dans son baromètre. Ce constat d’amélioration doit toutefois être relativisé, puisqu’en dépit du fléchissement de l’indice global moyen, celui-ci reste un point de pourcentage au-dessus de son niveau d’avant-crise de la Covid-19 (entre 2015 et 2020), signalant des niveaux de risque encore très élevés’. Deux tiers des pays analysés (99) disposent d’un score supérieur à celui d’il y a deux ans. Pour plus de la moitié d’entre eux, il augmente de plus d’un point par rapport à l’indice 2020 ».
Les pays affichant le score le plus élevé en matière de fragilité politique est sociale reste toutefois inchangée, avec ceux traversant des crises ou de fortes tensions : Iran (81, 6 %), Syrie (78 %), Soudan (76,5 %), Bahreïn (71,7 %), Afghanistan (71,6 %), Venezuela (70,6 %), Djibouti (70,1 %), Turkménistan (69,8 %), Laos (69,8 %), Yémen (69,5 %).
La liste est plus large pour les pays dont ces scores, sans atteindre les sommets des précédents, ont le plus vite augmenté en 2022 : Myanmar (59,9 %), Timor-leste (47,5 %), Biélorussie (63,9 %), Serbie (47,5 %), Guinée (57,7 %), Afghanistan, Tadjikistan (64,5 %), Bénin (46 %), Iran, Égypte (59,8 %), Guyana, Nicaragua (59,5 %), Turquie (60,0 %), Syrie, Tanzanie (53,3 %), République Centrafricaine (65,5 %), Togo (59,3 %), Niger (51,1 %), Sao Tomé e Principe (37,4 %), Éthiopie (61,4 %).
Commentaire de Coface sur certains de ces pays proches ou bien connus des exportateurs français : « Si les manifestations de risques politiques y sont moins claires, la progression des scores de la Biélorussie, de la Serbie ou de l’Égypte sont à signaler, observe l’assureur-crédit. La Turquie entre également dans cette catégorie, et fera l’objet d’une attention particulière. En effet, la politique économique plutôt hétérodoxe continue d’y alimenter une inflation record, ce qui pourrait favoriser l’agitation politique dans les prochains mois. »
Risques sectoriels : construction, métallurgie souffrent
Dans le panorama des notes de risque sectoriel de Coface, le seul secteur qui est encore dans le vert au niveau mondial en termes de risques d’impayés est le secteur pharmaceutique : le risque est estimé faible en Asie Pacifique, Europe centrale et de l’est et Europe de l’Ouest, et seulement moyen dans le reste du monde.
Un regain de prudence est de mise pour tous les autres secteurs en particulier ceux qui ont besoin de beaucoup d’énergie. « Face à la perspective de prix de l’énergie durablement très élevés au niveau mondial, près de la moitié des 49 déclassements d’évaluations sectorielles concernent les industries consommatrices d’énergie comme la chimie, le papier et les métaux » souligne Coface.
Quant à la construction, elle commence à pâtir du ralentissement de la demande causée par la hausse des taux d’intérêt. Avec des répercussions négatives sur certains secteurs fournisseurs de matériaux comme la métallurgie et le bois, où les prix ont commencé à baisser.
Sans entrer dans les détails pays/secteur, voici les principales dégradations de notes* relevées par Coface par grandes zones géographiques, l’Asie-Pacifique et l’Europe centrale et de l’est subissant le plus grand nombre de déclassements de leurs notes de risque sectoriel :
-Asie Pacifique : chimie, construction, métallurgie et papier.
-Europe centrale et de l’est : agroalimentaire, énergie, papier, distribution.
-Amérique latine : métallurgie, bois.
-Amérique du nord : métallurgie, bois.
-Europe de l’Ouest : bois.
Au niveau mondial, quelle que soit la zone géographique, cinq secteurs atteignent désormais un niveau de risques élevé à très élevés en termes d’impayés*, selon le panorama de Coface : la construction, la métallurgie, le textile-habillement, le transport et le bois.
Christine Gilguy
*Les notes de risque pays de Coface vont du meilleur (A 1, risque faible) au pire (E, risque extrême) selon une gradation progressive. De A 1 à A 4, on reste dans une zone de risque bonne à convenable. En B, le risque est jugé « assez élevé », en C « élevé », en D « très élevé ».
Les notes de risque sectoriel suivent une gradation en quatre couleurs : vert (risque faible), jaune (risque moyen), orange (risque élevé), brun (risque très élevé).
** L’intégralité du baromètre de Coface pour le troisième trimestre est disponible en ligne : cliquez ICI