La présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE) s’est achevée le 30 juin avec l’annonce d’un dernier accord sur l’instrument anti-subvention destiné à lutter contre la concurrence déloyale de certains États tiers. Malgré la guerre en Ukraine, qui a bouleversé l’ambitieux agenda de cette présidence, l’Union a poursuivi ses travaux, notamment pour muscler sa politique commerciale. Revue de détail.
« Des avancées majeures pour un commerce moins naïf et plus durable ». Tel est, résumé dans un communiqué, le bilan revendiqué par le gouvernement français aux termes de six mois d’une présidence bousculée par l’actualité géopolitique.
Le sommet du 11 mars à Versailles, qui devait être l’occasion de s’atteler à des sujets économiques, avait finalement été consacré à l’Ukraine et à la dépendance au gaz, au pétrole et au charbon russes. La survenue de cette guerre n’a cependant pas empêché Bruxelles d’avancer dans les questions relatives au renforcement de sa politique commerciale, discuté lors de la réunion informelle des ministres européens du Commerce à Marseille les 13 et 14 février.
Lutte contre la concurrence déloyale
– Marchés publics – Le Conseil de l’Union européenne (UE) et le Parlement européen ont signé le 23 juin le règlement européen créant un instrument de réciprocité dans les marchés publics internationaux, l’IPI (Instrument international relatif aux marchés publics). Ce dernier permet à la Commission européenne de pénaliser les pays qui n’ouvrent pas suffisamment leurs marchés publics dans les secteurs où l’UE a, elle, ouvert ses marchés publics.
– Lutte contre les subventions étrangères – Si une subvention étrangère faussant le marché intérieur est caractérisée, la Commission européenne pourra dorénavant, au terme d’une enquête, prendre toutes les mesures nécessaires (réduction de la présence sur le marché, cession de certains actifs, remboursement de la subvention étrangère, etc.) afin de restaurer une concurrence loyale, et pourra appliquer des sanctions financières en cas de non-respect de ces mesures.
Multilatéralisme commercial
La présidence française a activement soutenu le système multilatéral commercial ainsi que les négociations menées lors de la 12ème ministérielle de l’OMC, le 17 juin. Les résultats adoptés :
– Réponse à la pandémie de Covid : assouplissement du cadre de propriété intellectuelle pour accéder aux vaccins et facilitation du commerce des biens médicaux essentiels.
– Sécurité alimentaire : limitation des restrictions aux exportations agricoles, mettant en œuvre le pilier commerce de l’initiative FARM lancée par le Président Macron.
– Biodiversité marine : accord interdisant les subventions à la pêche illégale et à la surpêche.
– Prolongation du moratoire sur les transmissions électroniques.
Relations avec les principaux partenaires de l’UE
– Afrique. La conférence ministérielle du 10 janvier et le Conseil commerce informel de Marseille, quelques jours avant le sommet entre l’UE et l’Union africaine, ont permis de structurer la feuille de route européenne pour le renforcement des relations économiques et commerciales avec l’Afrique. La PFUE a également facilité l’avancée d’un accord UE-Kenya exemplaire en matière de développement durable.
– États-Unis. La Présidence française a accueilli la deuxième réunion du Conseil Commerce et Technologies UE- États-Unis à Paris-Saclay les 15 et 16 mai en France, après un débat d’orientation lors du Conseil commerce de Marseille. L’avancée de la coopération transatlantique sur les chaines de valeur, le contrôle export ou la durabilité des échanges montre que notre autonomie stratégique se construit également en renforçant nos liens économiques et commerciaux avec nos alliés.
Environnement
– Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) : adoption de l’orientation générale du Conseil sur le MACF à la mi-mars, pour lutter contre les fuites de carbone qui affaiblissent l’efficacité et la cohérence de nos politiques environnementales.
– Devoir de vigilance : présentation de la proposition de la Commission sur le devoir de vigilance, visant à responsabiliser chacun des maillons de nos chaînes de valeur.
– Lutte contre la déforestation : orientation générale du Conseil le 28 juin sur l’instrument de lutte contre la déforestation, fixant l’objectif ambitieux d’interdire la mise sur le marché européen des produits issus de la déforestation.
Si, comme la rappelait France Télévisions citant des sources diplomatiques, « certains s’agacent de voir la France présenter des accords comme des victoires obtenues uniquement par Paris », le discours volontariste de la présidence française a cependant achoppé sur d’autres sujets comme la taxe minimale sur les multinationales (en raison du veto hongrois) ou la mise en place d’un instrument anti-coercition qui mettrait l’UE à l’abri de l’instrumentalisation du commerce à des fins politiques, à l’instar des récents déboires de la Lituanie avec la Chine.
A charge désormais à la présidence tchèque de prendre le relais…
Sophie Creusillet