Avec le Digital Markets Act (DMA) et le Digital Services Act (DSA), qui doivent entrer en vigueur en 2023 et 2024, la Commission européenne entend siffler la fin de partie pour les GAFAM, les géants d’Internet, leurs pratiques anticoncurrentielles et leur gestion de contenus. Quelles seront les retombées pour les PME et ETI tricolores ? La CCI de Paris – Ile-de-France a fait le point le 16 mai lors de la 12e édition de son forum Europe.
« A défaut d’avoir un Google européen, on aura une législation européenne ». Pour Céline Ruiz, analyste politique à la représentation de la Commission européenne en France, « ces deux règlements sont historiques car la dernière directive datait de 2000, une époque à laquelle Facebook n’existait pas ».
Concrètement, le DMA vise les pratiques anticoncurrentielles des moteurs de recherche, marketplaces, réseaux sociaux et systèmes d’exploitation totalisant au moins 45 millions d’utilisateurs actifs mensuels. Traduction : il cible les GAFAM (Google-Alphabet, Amazon, Facebook-Meta, Apple, Microsoft) et leurs écosystèmes verrouillés.
Reproche le plus souvent formulé par les entreprises à ces plateformes, la rétention de données pose problème à celles qui ouvrent des e-boutiques sur des places de marché et ne peuvent avoir accès aux informations concernant les acheteurs. « Une marketplace peut développer un produit concurrent au vôtre qui sera retrogradé à la deuxième ou troisième places », abonde Chantal Rubin, cheffe du pôle Régulation des plateformes numériques du ministère de l’Économie et des finance.
De fait, les entreprises, en particulier les plus petites pâtissent de ces pratiques hégémoniques.
Des textes qui prévoient de lourdes amendes
« Lorsque vous développez un budget pour une campagne en ligne comme l’achat de mots clés auprès d’un moteur de recherche, par exemple, et que vous posez la question du retour sur investissement, il n’y a pas moyen de savoir si les ‘analytics’ qui vous seront transmis sont vrais ou non, poursuit l’experte. Autre exemple, les places de marchés dictent les prix des produits sur le site d’une entreprise. Les services de cloud que les sociétés utilisent pour stocker des documents de l’entreprise imposent des pénalités de rupture si vous souhaitez réinternaliser ce service. »
Toutes ces pratiques, qui pénalisent les entreprises, tomberont sous le coup du DMA. Pour faire respecter ce cadre à la lettre, le texte prévoit des amendes pouvant aller jusqu’à 20 % du chiffre d’affaires mondial après trois rappels à la législation. Les entreprises particulièrement récalcitrantes pourront se voir interdites sur le marché européen.
Le DSA concerne quant à lui les contenus diffusés en ligne. Il prévoit notamment l’accès aux algorithmes utilisés par les plateformes pour recommander des contenues, le renforcement de la protection des mineurs via l’interdiction de la publicité ciblée, mais également l’obligation pour les plateformes de retirer les produits contrefaits, véritable plaie (et une forme de concurrence déloyale) pour les entreprises.
Une législation avant-gardiste mais peu connue des PME
« Les entreprises sont peu informées sur le DMA, déplore Soumia Malinbaum, présidente de la CCI de Paris. Il y a un vrai besoin de sensibilisation, d’autant que 50 % des entreprises estiment que le numérique leur a permis de traverser la crise sanitaire. »
En attendant, avec ces deux textes, l’Union européenne se montre à l’avant-garde mondiale et suscite l’intérêt. « Nous sommes les premiers à mettre cette législation en place et les Américains ou les Chinois regardent de très près ce que l’on fait », remarque Céline Ruiz.
Reste à savoir si Bruxelles saura se donner les moyens de faire respecter ces deux textes par des multinationales qui figurent parmi les entreprises qui « pèsent » le plus dans le monde. La Commission recherche toujours actuellement 150 experts des algorithmes…
Sophie Creusillet