Un nouveau pas a été franchi le 23 avril dans le processus d’adoption du Digital Service Act (DSA), le nouveau règlement européen sur les services numériques qui devrait avoir un impact important sur tous les acteurs de ce marché florissant, notamment les grandes plateformes en ligne. Il complètera le nouveau Digital Market Act (DMA), également sur les rails.
Un accord politique est en effet intervenu le 23 avril entre le Parlement européen et les États membres de l’Union européenne (UE) sur la proposition de règlement de la Commission européenne sur le DSA, effectuée en décembre 2020.
Cet accord politique va être à présent soumis à l’approbation formelle des deux colégislateurs. Une fois adopté, le règlement sur les services numériques sera directement applicable dans l’ensemble de l’UE et mis en application quinze mois après l’entrée en vigueur, ou à partir du 1er janvier 2024, la date la plus tardive étant retenue.
En ce qui concerne les très grandes plateformes en ligne et les très grands moteurs de recherche en ligne, la législation sur les services numériques s’appliquera plus tôt, à savoir quatre mois après leur désignation.
Une nouvelle norme internationale sur les services numériques
La nouvelle législation sur les services numériques, fixera, pour la première fois, une nouvelle norme en matière de responsabilité des plateformes en ligne vis à vis des contenus illicites et préjudiciables. « Elle permettra de mieux protéger les internautes et leurs droits fondamentaux et définira un ensemble unique de règles pour tout le marché intérieur, ce qui aidera les petites plateformes à se développer » complète un communiqué de la Commission européenne.
Le nouveau cadre est fondé sur les valeurs européennes, notamment le respect des droits de l’homme, la liberté, la démocratie, l’égalité et l’État de droit, rappelle le communiqué. Il permettra de rééquilibrer les droits et les responsabilités des utilisateurs, des intermédiaires en ligne, y compris les plateformes en ligne, ainsi que des très grandes plateformes en ligne, et des pouvoirs publics.
Concrètement, des obligations contraignantes à l’échelle de l’UE s’appliqueront à tous les services numériques qui mettent en relation les consommateurs avec des fournisseurs de biens, de services ou de contenus, notamment la mise en place de nouvelles procédures visant à supprimer plus rapidement les contenus illicites et à protéger pleinement les droits fondamentaux des utilisateurs en ligne.
Nouvelles obligations pour les « intermédiaires »
Divers services intermédiaires en ligne entrent dans le champ d’application de cette législation. Les obligations qui leur incombent en vertu du règlement sur les services numériques dépendent du rôle qu’ils jouent, de leur taille et de leur poids dans l’écosystème en ligne. Ces services intermédiaires en ligne comprennent :
-les services intermédiaires proposant des infrastructures de réseau ; les fournisseurs d’accès à internet, les bureaux d’enregistrement de noms de domaine ;
-les services d’hébergement tels que l’informatique en nuage et les services d’hébergement en ligne ;
-les très grands moteurs de recherche en ligne utilisés par plus de 10 % des 450 millions de consommateurs de l’UE, qui ont par conséquent une plus grande responsabilité dans la lutte contre les contenus illicites en ligne ;
-les plateformes en ligne réunissant des vendeurs et des consommateurs, telles que les places de marché en ligne, les boutiques d’applications, les plateformes d’économie collaborative et les plateformes de médias sociaux ;
-les très grandes plateformes en ligne ayant une audience supérieure à 10 % des 450 millions de consommateurs de l’UE, qui pourraient présenter des risques particuliers en ce qui concerne la diffusion de contenus illicites et les dommages sociétaux.
Nouvelles obligations
Que contient concrètement le projet de DSA ?
1-Des mesures visant à lutter contre les biens, services ou contenus illicites en ligne, telles que :
-un mécanisme permettant aux utilisateurs de signaler facilement ces contenus et aux plateformes de coopérer avec les « signaleurs de confiance » ;
-de nouvelles obligations en matière de traçabilité des entreprises utilisatrices sur les places de marché en ligne,
2-De nouvelles mesures visant à donner aux utilisateurs et à la société civile les moyens d’agir, notamment :
-la possibilité de contester les décisions de modération de contenu prises par les plateformes et de demander réparation, soit par l’intermédiaire d’un mécanisme de règlement extrajudiciaire des litiges, soit par un recours juridictionnel;
-des dispositions visant à accorder aux chercheurs agréés un accès aux données clés des plus grandes plateformes et à permettre aux ONG d’accéder aux données publiques, afin de mieux comprendre l’évolution des risques en ligne;
-des mesures de transparence pour les plateformes en ligne concernant de nombreux aspects, y compris les algorithmes utilisés pour recommander du contenu ou des produits aux utilisateurs.
3-Des mesures visant à évaluer et à atténuer les risques, telles que:
-l’obligation, pour les très grandes plateformes et les très grands moteurs de recherche en ligne, de prévenir l’utilisation abusive de leurs systèmes en adoptant des mesures fondées sur les risques et en faisant réaliser des audits indépendants de leur système de gestion des risques;
-des mécanismes permettant une adaptation rapide et efficace en réponse aux crises touchant la sécurité publique ou la santé publique;
-de nouvelles garanties pour la protection des mineurs et des limitations à l’utilisation de données à caractère personnel sensibles à des fins de publicité ciblée;
4-pour les très grandes plateformes, un renforcement de la surveillance et du contrôle du respect de la législation par la Commission. Le cadre de surveillance et de contrôle du respect de la législation confirme également le rôle important joué par des autorités indépendantes telles que les coordinateurs des services numériques et le comité des services numériques.
Pour la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, cet accord « complète l’accord politique sur la législation sur les marchés numériques conclu le mois dernier » et « envoie un signal fort : à tous les Européens, à toutes les entreprises de l’UE et à nos homologues internationaux. » Fini, donc, l’impunité, ce règlement « permet de faire en sorte que les plateformes répondent des risques que leurs services peuvent présenter pour la société et les citoyens » précise Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive pour une Europe adaptée à l’ère du numérique.
Le commissaire au Marché intérieur, Thierry Breton, ne mâche pas ses mots à cet égard : « avec la législation sur les services numériques, l’époque où les grandes plateformes en ligne se comportaient comme si leur taille leur donnait une totale liberté d’action est révolue. La législation sur les services numériques impose aux plateformes des obligations claires et harmonisées, proportionnées à leur taille, à leur poids et au risque ».
Pour en savoir plus, la page d’information de l’Union européenne sur le DSA ainsi que la proposition de règlement (en anglais) : cliquez ICI