Une nouvelle étape a été franchie le 15 mars dans le projet de règlement européen établissant un Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), également connu sous le nom de « taxe carbone » aux frontières. Le Conseil, sous présidence française, est en effet parvenu à un accord sur le texte juridique du règlement, étape essentielle avant son examen par le Parlement européen. Ce mécanisme est un levier clé du paquet « Ajustement à l’objectif 55 » de l’Union européenne visant à réduire de 55 % les émissions de gaz à effets de serre de l’Union d’ici 2030.
Les produits issus de cinq secteurs seraient couverts par le MACF : ciment, aluminium, engrais, production d’énergie électrique, fer et acier, précise un communiqué du ministère français de l’Economie, des finances et de la relance. Il s’agit de produits considérés comme à plus haute intensité de carbone.
Objectif : « prévenir les fuites de carbone et d’inciter les pays partenaires à mettre en place des politiques de tarification du carbone pour lutter contre le changement climatique » rappelle-t-il. « Ce mécanisme permettra donc de prévenir la délocalisation et l’augmentation des importations de produits à plus haute intensité de carbone ».
Dans les grandes lignes, le MACF serait conçu pour fonctionner parallèlement au système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE de l’UE), dont il serait le pendant et le complément en ce qui concerne les marchandises importées. Il remplacerait progressivement les mécanismes existants de l’UE destinés à faire face au risque de fuite de carbone, en particulier l’allocation de quotas à titre gratuit dans le cadre du SEQE de l’UE.
Par rapport à la proposition initiale de règlement que la Commission européenne avait publié le 14 juillet 2021, le Conseil a introduit des ajustements. Ainsi, il a opté pour une plus grande centralisation de la gouvernance du MACF lorsque cela semble judicieux et contribue à une plus grande efficacité, précise encore Bercy. Ainsi, « il est prévu de centraliser au niveau de l’UE le nouveau registre des déclarants (importateurs) MACF ».
Par ailleurs, dans un objectif de simplification administrative, le Conseil a introduit un seuil minimal qui exempte des obligations du MACF les envois d’une valeur inférieure à 150 EUR. « Cette mesure réduirait la complexité administrative, étant donné qu’environ un tiers des envois à destination de l’Union relèveraient de cette catégorie et que leur valeur et leur quantité agrégées représentent une part négligeable des émissions de gaz à effet de serre des importations totales de ces produits dans l’Union » complète le communiqué.
« L’accord sur le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières est une victoire pour la politique climatique européenne, a commenté Bruno Le Maire, le ministre français de l’Economie et des finances. Nous disposerons d’un instrument permettant d’accélérer la décarbonation de notre industrie, tout en la protégeant d’entreprises de pays moins-disant en termes de lutte contre le changement climatique. C’est aussi une incitation pour ces pays à limiter davantage leurs émissions carbones. Enfin, le MACF répond à notre ambition stratégique européenne qui est l’accélération de notre indépendance énergétique. »
Des sujets encore en discussion
Toutefois, cet accord du Conseil sur les grandes lignes n’est qu’une étape. Il doit encore faire des progrès, précise le communiqué, sur un certain nombre de sujets qui sont étroitement liées au MACF, mais qui ne font pas partie du projet de texte juridique du règlement MACF lui-même.
Sont ainsi encore sur la table « la solution relative à la suppression progressive de l’allocation de quotas à titre gratuit aux secteurs industriels couverts par le MACF, établie par la directive SEQE de l’UE », et « les solutions relatives à la question de la limitation de la fuite potentielle de carbone liée aux exportations, de manière à assurer l’efficacité économique, l’intégrité environnementale et la compatibilité du MACF avec les règles de l’OMC ».
A cela s’ajoutent deux autres points encore en discussion, cités par le communiqué :
-la proposition sur les ressources propres par la Commission, qui s’appuient entre autres sur les revenus issus des ventes de certificats MACF, qui sont en délibération jusqu’au 1er juillet 2022, en ligne avec l’accord inter-institutionnel du 16 décembre 2020.
-le renforcement de la coopération internationale dans le domaine de la tarification du carbone, par exemple par l’établissement d’un « club climatique », en parallèle du MACF, où les politiques de tarification du carbone pourraient être débattues et encouragées.
Lorsque le Conseil aura suffisamment avancé sur ces points, il pourra lancer les négociations avec le Parlement européen, dès que celui-ci a décidé de sa position.
Autrement dit, la route est encore longue.
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