La PME lot-et-garonnaise Fonroche Lighting vole de succès en succès depuis 2018 sur les marchés de l’éclairage public avec son lampadaire solaire autonome high tech. Elle vient de signer un nouveau contrat géant au Sénégal qui confirme sa position de leader assumé sur un marché mondial en plein essor.
Et de deux ! Le ministre sénégalais des Finances et du budget a signé fin février l’acte d’engagement pour la fourniture de 67 000 lampadaires solaires autonomes et connectés pour le Sénégal par Fonroche Lighting, PME française basée à Agen. Ils équiperont 265 localités. Un contrat de 121 millions d’euros, financé grâce à un financements export de Société Générale et de Bpifrance, le plus gros contrat au monde jamais remporté dans ce segment spécifique du marché de l’éclairage public solaire.
Fonroche Lighting n’en est pas à son premier coup de maître dans ce pays d’Afrique de l’Ouest. Le Sénégal avait déjà décidé de parier sur sa technologie de rupture en 2018, pour la première phase de son programme gouvernemental visant à apporter de l’éclairage public à des zones qui en étaient jusqu’à présent dépourvues.
La PME lot-et-garonnaise avait alors décroché un premier contrat géant de 50 000 lampadaires pour équiper 26 agglomérations et petites collectivités, pour un montant de 87, 3 millions d’euros, là encore grâce à un financement export français. Une opération qui lui avait valu un prix du Moci en catégorie meilleur financement export de l’année. Un tiers du Sénégal allait être ainsi doté d’un éclairage public solaire de dernière génération.
Première mondiale et défi technique
Une première mondiale, et un défi technique à l’époque.
Les lampadaires de Fonroche, dotés de batteries de dernière génération très résistantes aux environnements extrêmes, sont également connectés pour en faciliter la gestion et la maintenance à distance. Ils envoient quotidiennement des informations sur leur activité, de la température au taux de charge des batteries. Non seulement il fallait les installer, mais il fallait en plus créer et structurer le système de communication basse fréquence permettant de connecter tout le parc.
« C’était le plus grand parc d’objets connectés jamais créé, jusque-là, personne n’avait jamais fait ça ! » indique Yasmine Keroumi, directeur export de Fonroche Lighting, qui précise que la PME a été jusqu’à débaucher de chez Airbus des ingénieurs pour réaliser le système.
Flairant que c’était le moment ou jamais pour faire décoller sont innovation, Fonroche Lighting a mis les bouchées doubles pour non seulement exécuter le contrat sénégalais en un temps record, mais en plus en faire un modèle exportable ailleurs. « Nous sommes un pure player, nous y avons mis les moyens » confirme le directeur export.
La PME a créé au Sénégal sa première filiale en Afrique, pour couvrir toute l’Afrique de l’Ouest. Elle y a créé un atelier d’assemblage pour les lampadaires expédiés en pièces détachées par l’usine d’Agen et un centre de monitoring pour centraliser les données remontant des candélabres solaires et en piloter le bon fonctionnement. Les premiers 50 000 lampadaires ont été installés en deux ans, un temps record. La PME emploie 15 personnes en permanence au Sénégal, mais l’effectif a atteint jusqu’à 45 pour le chantier.
Le résultat est à la hauteur des attentes sénégalaises : selon une étude interne que Fonroche Lighting a mené auprès de 600 personnes au Sénégal, cet éclairage a changé la vie de nombreux habitants : baisse de 85 % des accidents de circulation sur les axes nouvellement éclairés, baisse du sentiment d’insécurité chez 65 % des sondés, hausse des revenus de 60 % des commerçants installés dans les zones éclairés…
Une vitrine pour mener une expansion internationale rapide
Le modèle sénégalais a très vite servi de vitrine pour mener une expansion internationale rapide.
En 2019, la PME décrochait un deuxième grand contrat au Bénin, pour la fourniture et l’installation de 15 000 de ses lampadaires dans 15 agglomérations du pays, ouvrant à Cotonou sa deuxième filiale en Afrique pour assurer la gestion du nouveau parc.
Là encore, un financement export français a permis de résoudre l’équation financière pour l’État béninois. Mais l’Afrique et plus généralement les pays en développement font figure d’exception dans ce domaine. En Europe, aux États-Unis, les marchés sont décentralisés auprès des collectivités locales, voir de promoteurs privés. « Nous avons une équipe qui fait l’ingénierie financière et nous nous adaptons à tous les cas de figure dès lors que les paiements sont sécurisés » précise Yasmine Keroumi.
Aujourd’hui, entre le Sénégal et le Bénin, 5 millions de messages sont quotidiennement envoyés par les lampadaires au centre de monitoring de Dakar. En cas de problème que ne parviennent pas à résoudre les équipes locales, le centre de monitoring d’Agen prend le relais pour fournir un support technique, résoudre les problèmes et former les techniciens sur place à les résoudre à leur tour.
Ces premiers projets ont permis à la PME lot-et-garonnaise de valider son modèle et d’assoir sa notoriété internationale. « Les gens ont été rassurés par le fait qu’on arrive à gérer un tiers de l’éclairage public d’un pays, le Sénégal, avec du solaire » constate Yasmine Keroumi. Des contrats ont été décrochés dans la foulées en Amérique latine (dont l’éclairage du deuxième viaduc latino-américain, en Colombie), mais aussi aux États-Unis (parking de la Nasa…).
Du petit poucet au numéro 1 mondial
Et celle qui était un petit poucet de l’éclairage public employant une trentaine de personnes, orientée sur le marché de niche du lampadaire solaire autonome en France, a connu une croissance internationale fulgurante. Ce qui l’a obligé à structurer sa R&D, augmenter sa capacité de production à Agen, muscler son dispositif commercial.
Outre les filiales sénégalaise et béninoise, Fonroche Lighting a ouvert une filiale à Cap Town, pour prospecter l’Afrique Australe, et une autre à Nairobi, pour l’Afrique de l’Est. Et elle a traversé l’Atlantique dès 2019, pour racheter un concurrent américain, SolarOne, basé à Boston. « Depuis, on a triplé les effectif et ouvert un bureau à Boyse, dans l’Idaho, pour couvrir la côte Ouest » précise le directeur export. Une filiale a également été ouverte au Chili, pour couvrir l’Amérique latine.
Et enfin pour l’Europe, où la demande est également en expansion partout « en dessous de l’Écosse », Fonroche Lighting a une équipe de commerciaux pilotée par un directeur Europe, dont quatre sont basés en Allemagne, Espagne, Croatie et Pologne.
« Nous nous définissons comme une entreprise de notre temps »
Aujourd’hui, les chiffres clés de Fonroche Lighting n’ont plus rien à voir avec ce qu’ils étaient il y a à peine cinq ans : un chiffre d’affaires consolidé de l’ordre de 40 millions d’euros en 2021 (les comptes consolidés sont en cours de finalisation), dont 75 % hors de France, pour un effectif de plus de 160 personnes, qui pourraient atteindre 250 d’ici à la fin de l’année 2022 (dont 130 en France) avec les nouveaux investissements qu’a engagé l’entreprise pour s’agrandir.
« Il y a 7 ou 8 ans, nous étions un primo exportateur avec 80 000 euros à l’export » relate Yasmine Keroumi. « Depuis, nous avons passé un cap : aujourd’hui, nous parlons de marchés internationaux. Ce n’est plus seulement de l’export, c’est plus que cela, on fait de l’implantation locale ». Il pilote aujourd’hui, entre la France et les filiales, une équipe commerciale de près de 25 personnes
Aujourd’hui, les États-Unis représentent 20 % du chiffres d’affaires à eux seuls, presque autant que le marché français. L’Amérique latine ne pèse que 5 % mais présentent de bonnes perspectives de croissance. L’Afrique et le Moyen-Orient génèrent près d’un tiers. Quant à l’Europe hors France, dont les marchés sont en pleine croissance également, elle pèse 15 %.
« Nous nous définissons comme une entreprise de notre temps : 14 nationalités sont représentées au siège, à tous les niveaux de responsabilité, chacun y parle trois ou quatre langues » relate encore Yasmine Keroumi.
15 millions d’euros pour s’agrandir et se moderniser
Les perturbations actuelles de la Supply Chain mondiale sur les composants venus d’Asie, liées au Covid et, depuis peu, à la guerre en Ukraine, n’ont pas eu pour le moment d’impact sur son activité. « En tant que leader mondial, nous achetons 65 fois plus que notre concurrent direct : on est en meilleure position que tous nos concurrents ce qui nous permet de bénéficier de délais de livraisons plus courts » souligne Yasmine Keroumi. De plus la PME, qui travaille sur des projets à cycle long, a l’habitude d’anticiper les commandes de composants dont elle aura besoin pour honorer ses contrats. « Il ne faudrait pas que cela perdure au-delà de deux ans » souligne toutefois le directeur export.
Pour l’heure, les perspectives de croissance sont tellement fortes avec l’urgence de la lutte contre le changement climatique, que ce qui n’était qu’une niche pourrait bien devenir un marché global à part entière. Pour sa part, la direction de l’entreprise lot-et-garonnaise, que dirige Laurent Lubrano, y croit et prend très au sérieux sa position de leader mondial. Elle a décidé de s’agrandir et de monter en gamme.
Fonroche Lighting est en train d’investir 15 millions d’euros dans un nouveau siège et une nouvelle unité de production qui permettra de tripler sa capacité de production actuelle (100 000 lampadaires /ans) à partir d’octobre 2022. Quant au nouveau siège, installé sur la technopole d’Agen-Garonne, à quelques kilomètres de l’usine historique, il accueillera un nouvel espace dédié à l’innovation dans l’éclairage solaire et rassemblant le centre de R&D, des démonstrateurs et les ateliers pour la formation.
Christine Gilguy