La guerre en Ukraine, à la suite de l’invasion du pays par la Russie, est le sujet de beaucoup de conversation dans les allées du Salon international de l’agriculture à Paris (26 février-6 mars). Ce conflit va en effet avoir des répercussions sans précédent sur l’approvisionnement et les cours mondiaux des céréales. Les marchés des engrais et de l’huile de tournesol connaitront également de fortes tensions, constate FranceAgrimer.
Hausses des cours des matières premières, de l’énergie, des engrais, incertitudes sur les approvisionnements… L’ombre de la guerre actuellement menée par la Russie en Ukraine planait sur les allées du Salon international de l’agriculture en ce lundi 28 février. Il a aussi constitué le cœur de la conférence de presse organisée par FranceAgrimer, l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer.
Alors que pointe la menace d’une rupture des approvisionnements mondiaux en céréales et engrais et que la France fait face à une réduction des parts de marché des produits agricoles français dans le monde, Jean-François Loiseau, président de la commission thématique interfilières « international » de FranceAgrimer, en a même appelé au sursaut pour remettre l’agriculture et l’agroalimentaire sur le devant de la scène. « Les événements nous poussent à dire qu’il faut armer et réarmer l’Europe agricole et agroalimentaire, a-t-il déclaré. C’est triste, mais il faut attendre une guerre pour remettre ces sujets sur le sommet de la pile. »
Des millions de tonnes de céréales en attente d’exportation
De fait les deux pays en conflit, qui totalisent 30 % des exportations mondiales de blé, sont devenus en 20 ans des fournisseurs incontournables sur le marché mondial des céréales. L’Ukraine est ainsi le 4e exportateur mondial de maïs (18 % de part de marché mondial), 5e pour le blé (12 %) et 3e pour l’orge.
Or, le conflit a stoppé net les livraisons. « Selon le site UkrAgroConsult, il reste en Ukraine 6 millions de tonnes de blé et 18 millions de tonnes de maïs à exporter, a précisé Marc Zribi, chef de l’unité « grains et sucre » de FranceAgriMer. En Russie, il reste à exporter 12 millions de tonnes de blé, 3 millions de tonnes de maïs et une tonne d’orge ».
Problème : les ports de la mer d’Azov (Berdiansk et Marioupol) et ceux de la mer Noire (Odessa, Chernomorsk, Youjne et Mykolaïv) sont actuellement bloqués et seul le port de Novorissisk est encore opérationnel. En outre, la déconnection des banques russes du système Swift pose la question du paiement des importations.
Les cours mondiaux des céréales augmentent rapidement
Une situation qui va susciter des problèmes de sécurité alimentaire dans les pays fortement importateurs du pourtour méditerranéen.
L’Algérie, la Tunisie, l’Egypte mais aussi les pays d’Afrique subsaharienne importent en effet plus de 60 % de leur demande en matière première agricole, pour beaucoup depuis l’Ukraine, mais aussi la Russie dans un moindre mesure.
Conséquence de cette raréfaction de l’offre : les cours s’envolent. Le 28 février au matin le prix de la tonne de blé sur Euronext avait pris 20 euros depuis le début de la guerre pour atteindre 310 euros, et le colza 30 euros (à 755 euros la tonne). Cette question de la dépendance de certains pays se pose également pour l’huile de tournesol dont l’Ukraine représente 50 % des exportations mondiales.
Des tensions sur l’huile de tournesol et les engrais
Les exportation d’huile de tournesol partent à 77 % vers l’Inde, l’Union européenne et la Chine. A elles deux, la Russie et l’Ukraine représentent 79 % des exportations mondiales d’huile de tournesol. Des tensions sont également à attendre sur les tourteaux de tournesol, utilisés dans les élevages de porcs et de volailles.
En outre, les marchés internationaux des engrais sont actuellement en forte tension, a expliqué Marc Zribi, relayant une récente analyse de IHS Market selon laquelle une nouvelle spirale haussière des prix est à craindre ainsi que leur raréfaction. La Russie représente en effet 16 % des échanges mondiaux d’engrais et jusqu’à 40 % des exportations de nitrate d’ammonium. Grand client, le Brésil pourrait rencontrer des difficultés pour sa prochaine campagne.
La Russie est également un acteur clé des engrais phosphatés et potassiques. Avec la Biélorussie, les deux pays réalisent eux seuls 40 % du commerce mondiale des engrais potassiques, indispensables à la culture de la canne à sucre et dont le Brésil est le premier acheteur. IHS Markit estime que les volumes achetés par ce pays ne pourraient être compensés par le Canada, l’Allemagne, Israël et la Jordanie. Au total, le Brésil, la Chine, l’Inde, l’Indonésie et les Etats-Unis représentent deux tiers des importations mondiales de potasse.
Sophie Creusillet