Les détails du compromis obtenu sur l’inclusion du gaz et du nucléaire dans la taxinomie européenne, ce cadre de référence pour définir les activités éligibles à des financements dans le cadre du Pacte Vert (Green Deal), est aujourd’hui public : la Commission européenne vient de les préciser dans une « proposition d’acte délégué complémentaire relatif aux objectifs climatiques » rendue publique le 2 février.
Cet acte délégué, qui doit compléter le premier «acte délégué relatif à l’atténuation du changement climatique et à l’adaptation au changement climatique » applicable depuis le 1er janvier 2022, couvre certaines activités des secteurs du gaz et du nucléaire à condition qu’ils contribuent à l’atténuation du changement climatique ou à l’adaptation au changement climatique. « Le collège des commissaires est parvenu à un accord politique sur le texte, qui sera officiellement adopté une fois traduit dans toutes les langues de l’UE » précise un communiqué de la Commission européenne du 2 février.
Une bonne nouvelle pour les pays, dont la France, qui avaient fait un intense lobbying pour inclure l’énergie nucléaire dans ce qui sert de cadre de référence pour orienter les investisseurs privés vers des projets verts. Cette taxinomie est d’autant plus stratégique qu’elle est une référence pour les Etats-membres qui souhaitent « verdir » leur politiques d’investissement et de financement aux entreprises. C’est le cas de la France pour ses financements export ou son plan France 2030.
Comment la Commission justifie-t-elle cette évolution après des mois de débats et de polémiques ?
Un besoin très important d’investissements privés
pour atteindre la neutralité carbone
« Pour atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050, l’UE a besoin d’un volume très important d’investissements privés, rappelle-t-elle dans son communiqué. La taxinomie de l’UE vise à orienter les investissements privés vers les activités nécessaires pour parvenir à la neutralité climatique. La classification de la taxinomie ne détermine pas si une technologie donnée fera ou non partie du bouquet énergétique des États membres. Le but est d’accélérer la transition, en utilisant toutes les solutions qui peuvent nous aider à atteindre nos objectifs climatiques ».
Dans ce contexte, poursuit-elle, « sur la base d’avis scientifiques et de l’état actuel des technologies, la Commission estime que les investissements privés dans des activités gazières et nucléaires ont un rôle à jouer dans la transition. Les activités gazières et nucléaires sélectionnées sont conformes aux objectifs climatiques et environnementaux de l’UE et nous permettront de délaisser plus rapidement des activités plus polluantes, telles que les centrales à charbon, au profit d’un avenir neutre pour le climat, où seront essentiellement utilisées des sources d’énergie renouvelables ».
Des conditions « strictes et claires »
Cette intégration à la taxinomie ne se fait pas, toutefois, sans condition.
Le texte fixe ainsi, au titre de l’article 10, paragraphe 2, du règlement européen instituant la taxinomie, des conditions qualifiées de « claires et strictes » pour l’ajout de certaines activités gazières et nucléaires à la liste des activités transitoires déjà couvertes par l’acte délégué en vigueur.
Elles sont les suivantes : pour les activités tant gazières que nucléaires, qu’elles contribuent à la transition vers la neutralité climatique; pour les activités nucléaires, qu’elles satisfassent à des exigences de sûreté nucléaire et environnementale; et pour les activités gazières, qu’elles contribuent au délaissement du charbon au profit de sources d’énergie renouvelables. D’autres conditions plus spécifiques, énoncées dans l’acte délégué complémentaire, s’appliqueront aussi à l’ensemble de ces activités.
Autre condition : le texte impose aux entreprises exerçant des activités dans les secteurs du gaz et du nucléaire des obligations d’information spécifiques pour ces activités. « Pour garantir la transparence, la Commission a modifié aujourd’hui l’acte délégué relatif aux informations à publier en lien avec la taxinomie, afin que les investisseurs puissent repérer quelles possibilités d’investissement comprennent des activités gazières ou nucléaires et faire des choix éclairés » précise le communiqué de la Commission.
«Atteindre la neutralité climatique est notre mission et notre devoir, a rappelé Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission. Si nous voulons réaliser nos objectifs pour 2030 et 2050, c’est dès à présent que nous devons agir.»
Reste à faire adopter ce texte au Parlement et au Conseil, co-législateurs dans ce domaine, sans objection, ce qui n’est pas certain. Une fois traduit dans toutes les langues officielles de l’UE, l’acte délégué complémentaire sera officiellement transmis aux co-législateurs pour examen. Ils disposeront de quatre mois pour examiner le document et pour exprimer des objections à son égard s’ils le jugent nécessaire.
Une fois la période d’examen terminée et si aucun des co-législateurs n’a exprimé d’objection, l’acte délégué complémentaire entrera en vigueur et s’appliquera à partir du 1er janvier 2023. Mais le chemin est encore long. Gageons que la France, qui assure pour six mois la présidence du conseil de l’UE (PFUE), pèsera de tout son poids pour aboutir durant cette période.
C.G