Entre crise sanitaire, inflation, ralentissement de l’économie chinoise et enjeux géopolitiques, certains pays émergents vont tirer leur épingle du jeu en 2022. Le cabinet de recherche et d’analyse économique TAC Economics en a identifié neuf. Tour d’horizon de ces marchés d’opportunités.
Si le monde émergent est évidemment loin d’être homogène, il doit faire face aux mêmes conséquences des grands facteurs de risque que sont l’évolution de la pandémie de Covid-19, une inflation galopante, la décélération de l’économie chinoise et la montée en puissance des conflits internationaux et sociaux. A commencer par la vulnérabilité des taux de change.
Le scénario de TAC Economics table sur quatre relèvements des taux aux Etats-Unis en 2022 pour atteindre plus de 2 % début 2023. « Dans un environnement déjà inflationniste certains pays ont déjà réagi à ce resserrement monétaire et mis en place des mesures pour soutenir les taux », tempère Matthieu Pautonnier, directeur des marchés émergents chez TAC. Si le Venezuela, le Yemen et l’Argentine sont des habités de la vulnérabilité de change, cette dernière est particulièrement forte au Cambodge, au Sri Lanka, en Mongolie, au Kenya, au Soudan, en Ethiopie, en Iran et en Turquie. Elle commence par ailleurs à inquiéter en Zambie, à la Dominique, au Brésil et en Egypte.
Ensuite, malgré une amélioration en 2021, la question de la soutenabilité de la dette publique se pose dans tous ces pays, en particulier les plus petits. « Ce mouvement était déjà très fort entre 2009 et 2019, mais entre 2019 et 2020 il a suivi le même chemin qu’au cours des dix années précédentes ». A cette dette de moins en moins soutenable, s’ajoute enfin les tensions politiques et sociales qui traversent actuellement le monde émergent, en particulier en Tunisie, au Brésil et en Tunisie.
Dans ce contexte, les analystes de TAC ont néanmoins repéré neuf pays qui parviennent à tirer leur épingle du jeu et constitueront des marchés d’opportunités en 2022.
Europe centrale et orientale
Dans une région où les perspectives sont au beau fixe avec des prévisions de croissance de l’ordre de 4 %, tirée à la hausse par les pays membres de l’Union européenne, la Croatie offre les perspectives les plus intéressantes. L’investissement public y est porté par les fonds structurels européens qui représenteront plus de 10 % du PIB à l’horizon 2026 et la réouverture du tourisme est prometteuse. En outre, le resserrement monétaire y est moindre en raison d’une politique centrée sur la stabilité des taux de change en prévision de l’intégration à la zone euro.
Amérique latine
Alors que les risques sont élevés dans cette région où la croissance devrait être médiocre en 2022 ( + 2,5 % en moyenne) , la Colombie et le Paraguay verront leur PIB augmenter de plus de 4 %. « Dans ces deux pays, le marché du travail se porte bien, la consommation repart et ils bénéficient tous deux des cours élevés des matières premières, le pétrole en Colombie et les produits agricoles au Paraguay », analyse Vivien Massot, directeur de la filiale de TAC en Inde.
Afrique
Avec des primes de risque dépassant les 500 points de base sur le continent, deux pays font figure d’exception. Après un fort rebond de 10 % en 2021, le Rwanda devrait poursuivre sur sa lancée en 2022 et afficher une croissance de 7 %. Avec la levée des restrictions, la reprise se concrétise dans tous les secteurs et les importations de biens d’équipement sont repartis à la hausse. Malgré une augmentation de la dette publique, la dette extérieure demeure soutenable au Ghana qui devrait afficher une croissance de 6 % grâce notamment grâce à un programme de réformes structurelles ambitieuses et à l’accord de libre-échange panafricain.
Moyen-Orient
Même si les experts pensaient que la transition entre le ralentissement de l’économie mondiale et une reprise de la demande de pétrole se ferait plus rapidement, l’Arabie saoudite en profitera en 2022. La croissance du PIB du royaume devrait atteindre 5 %, son niveau le plus haut depuis 10 ans. L’impact moins virulent de la vague de variant Omicron comparée aux variant précédents et une contribution plus importante des services à la richesse nationale, notamment grâce à la réouverture prochaine du pays aux touristes étrangers, offrent également des opportunités au Maroc (+ 4 % de croissance en 2022).
Asie
Après un fort rebond conjoncturel en 2021, impulsé par la repise de l’économie chinoise, la région connaîtra une nouvelle dichotomie avec d’un côté la Chine, en net ralentissement, et d’autres pays dont l’activité reprendra avec vigueur en particulier dans l’Asean. C’est le cas du Vietnam, où la consommation privée et les investissements publics doperont la croissance, estimée à 6 %. Il pourra aussi compter sur son commerce extérieur grâce à des exportations représentant trois fois son PIB.
Enfin, même si elle doit relever les défis de l’emploi et de l’inflation, l’Inde se porte bien, comme le détaille un récent article du Moci. Avec une croissance de 9 % en 2022, soit autant qu’en 2021, le rattrapage de son économie après le choc de la pandémie de Covid-19 est en bonne voie. La demande privée est au beau fixe, tout comme les indices de confiance des entreprises.
A un moment où l’évolution de la crise sanitaire est particulièrement incertaine, oscillant entre l’enthousiasme de la perspective du bout du tunnel et la crainte de l’apparition de nouveaux variants, les pays émergents demeurent aussi généralement les moins vaccinés. Ce qui les rend plus vulnérables à une nouvelle flambée épidémique. Reste que ces neufs pays pourraient bien constituer en 2022 des marchés prometteurs pour les investisseurs et les entreprises.
Sophie Creusillet