A la faveur de la remontée des cours des hydrocarbures, l’économie algérienne repart, et avec elle les investissements. Dans un contexte marqué par une volonté de diversification et d’autosuffisance, de nombreux secteurs sont porteurs pour les entreprises françaises, comme en témoignent notamment les informations fournies par la Chambre de commerce algéro-française (CCIAF) lors d’un webinaire organisé le 24 janvier en partenariat avec la CCI de Paris Île-de-France sur les nouvelles réglementations du commerce extérieur.
Côté conjoncture, celle de l’Algérie a bien repris des couleurs s’est notamment réjoui Halim Ammar Khodja, directeur adjoint de la CCIAF, en visioconférence depuis Alger : avec un cours des hydrocarbures, pilier de l’économie algérienne, remonté en flèche l’an dernier (85 dollars pour le baril de brut, 150 USD pour son équivalent en gaz), les indicateurs macro-économiques sont repassés au vert après plusieurs années dans le rouge.
La croissance devrait atteindre 3,2 % en 2021 (après -6 % en 2020), la balance commerciale est à nouveau à l’équilibre, voire légèrement excédentaire pour la première fois depuis cinq ans (28,7 Md USD pour 27,9 Md d’importation, soit +1,5 Md USD en 2021 selon la tendance), la dette extérieure n’excède pas 2 % du PIB et les réserves de change atteignent près de 44 milliards dollars (Md USD), « pratiquement une année d’importation » a déroulé Halim Ammar Khodja.
Cerise sur le gâteau, le prix des carburants dans le pays feraient pâlir d’envie bien des Européens : le litre d’essence coûte actuellement l’équivalent de 0,28 EUR, contre 1,9 EUR en France…
Les entreprises françaises, bien qu’encore bien placées sur le marché algérien, ne doivent pas baisser la garde même si la situation politique du pays a été perturbée ces trois dernières années et que la crise sanitaire a plombé les échanges. Or, les indicateurs ne sont pas bons.
Les entreprises françaises ont perdu du terrain
Deuxième partenaire commercial devant l’Italie mais derrière la Chine, la France enregistre un recul de ses exportations : -13,1 % en 2020 (4,7 Md EUR), -17,5 % (1,9 Md EUR) au premier semestre 2021 par rapport à la même période de 2020.
Elle perd aussi du terrain en matière d’investissements directs étrangers : dans le secteur des hydrocarbures, qui concentre la majorité des IDE, elle a cédé la première place aux États-Unis et à l’Italie pour se retrouver troisième (93 Md USD en 2020 après -127 Md USD en 2019).
Or, bien que marqué par des restrictions croissantes aux importations de produits de consommation destinées à pousser le développement de la production locale (voir notre article sur le sujet), le marché algérien présente des opportunités réelles dans les domaines des biens d’équipement destinés à la production, notamment à la faveur de la relance des investissements publics et surtout privés, dans l’agriculture et l’industrie.
Des secteurs porteurs pour les biens d’équipement et l’ingénierie
Halim Ammar Khodja a mis l’accent sur six domaines particuliers où les projets d’investissement de la part des acteurs algériens sont sur le point de repartir ou déjà reparti et encouragés par les autorités algériennes :
–L’industrie agroalimentaire : 23000 entreprises, dont seulement 300 publiques y opèrent. Elles ont importé pour 299 millions EUR d’équipements de production.
–L’agriculture : la priorité donnée à l’autosuffisance (75 % actuellement) favorise les investissements dans la production. Les importations d’équipements représentent 310 millions EUR actuellement.
–Dans le secteur santé, sont recensés actuellement 445 projets d’investissement dans l’industrie pharmaceutique (le pays compte déjà 175 unités de production). Les importations d’équipements et dispositifs médicaux représentent 500 millions d’euros.
–Dans le BTP, Mines et carrières, transport, la demande pour des biens d’équipements est également forte, alors que les projets sont relancés : marché de la construction estimé à 300 000 logements par an, 2000 km de voie ferrée en cours et 6000 en projet, métro d’Alger (15 km en cours, 25 km en projet).
–Dans la plasturgie : l’Algérie a besoin de 300 000 tonnes/an toutes applications confondues et cherche à développer la production locale. 20 projets industriels intégrés sont dans les tuyaux ou lancés d’ici 2024.
–Dans les NTIC et startup : 11000 km de fibres optiques sont en cours d’installation, dont 2400 déjà réalisés. Le marché compte 43,5 millions d’abonnés à Internet, dont 39,6 mobiles, et le pays veut accélérer dans la digitalisation (il s’est doté d’un Fonds startup de 10 millions EUR). Une certification électronique a été lancée.
Une sélection non exhaustive. Lors d’une conférence de présentation du 7ème Forum Euromed Capital Digital Summit, rencontre d’affaires dédié au développement des entreprises dans l’espace euroméditéranéen, qui doit se dérouler le 27 janvier en format digitalisé, le représentant d’un des co-organisateur, Karim Trad, co-fondateur de la société de capital d’investissement Africinvest, a aussi cité les énergies renouvelables (dans le cadre de contrats EPC pour des projets photovoltaïques), les services financiers, la logistique. « Il y a à faire en Algérie » a-t-il souligné.
Actuellement, « l’Algérie est un marché d’équipements, d’ingénierie » a résumé Halim Ammar Khodja. Et pour les exportateurs d’équipements français qui l’auraient négligé ces dernières années, il n’est que temps de s’y réintéresser.
Le contexte est aussi plus favorable aux investissements étrangers, d’autant plus que le cadre juridique des investissements a été assoupli ces dernières années : la fameuse règles du 49-51, qui réservait la majorité du capital à l’actionnariat algérien, ne s’applique plus que dans quelques dizaines de secteurs que sont les matières premières, la revente en l’état et une liste de 44 secteur stratégiques (exploitation minière, amont du secteur énergétique, etc.).
Christine Gilguy
*Pour en savoir plus sur les nouvelles règles du commerce extérieur algérien pour 2022, cliquez ICI