Plus de huit ans après la Chine, l’Union européenne (UE) a présenté son contre-projet pour rivaliser avec le programme pharaonique des Chinois visant à revitaliser les routes de la soie. Baptisée « Global Gateway », la stratégie européenne vise à mobiliser jusqu’à 300 milliards d’euros (Md EUR) de fonds publics et privés d’ici 2027 pour financer des infrastructures dans des pays tiers, partenaires de l’UE. Reste à traduire cette intention en projets concrets…
Avec plusieurs années de retard, la Commission européenne a dévoilé le 1er décembre les grandes orientations de son plan d’investissement à vocation géostratégique, en réponse à l’initiative chinoise One Belt One Road ou Belt and Road Initiative (surnommée nouvelle route de la soie) lancée en 2013 par le Président Xi Jinping.
Objectif ? Construire des infrastructures de nouvelle génération, telles que des câbles en fibre optique, des réseaux 5G et des centrales d’énergie verte dans le monde en développement, tout en essayant de concurrencer la Chine sur les installations de transport, comme les autoroutes et les aéroports.
« L’objectif est de tisser des liens, et non de créer des dépendances »
Pour la Présidente de l’exécutif, Ursula Von Der Leyen, ce projet est un élément clé de la Commission géopolitique qu’elle avait promis de diriger. Car il s’agit bien là, pour elle, d’un enjeu de souveraineté. « Cela n’a pas de sens que l’Europe construise une route parfaite entre une mine de cuivre sous propriété chinoise et un port également sous propriété chinoise », avait déclaré l’ex-ministre allemande lors de son discours sur l’état de l’Union en septembre dernier.
Si le document ne mentionne pas une seule fois la Chine, le texte et les déclarations qui ont accompagné sa présentation ne laissent pas de place au doute quant au pays visé. « L’objectif est de tisser des liens, et non de créer des dépendances » ou de « risquer une crise de la dette », d’offrir des « conditions équitables », de promouvoir « les valeurs démocratiques et des normes de qualité élevées ».
L’alternative européenne apportera également le savoir-faire du secteur privé, qui est « inexistant » en Chine, a souligné Ursula Von der Leyen.
Depuis 2013, Pékin a déjà consacré 124 Md USD à son programme d’investissement massif également connu sous le nom de « Plan Marshall chinois ». Mais loin d’avoir une vocation d’aide au développement, il lui sert d’instrument pour étendre son influence aux quatre coins du globe.
Les marchés – le plus souvent passés sans appel d’offres – ne s’embarrassent pas de considérations sociales ou environnementales. Et les projets réalisés depuis sa création – routes, aéroports, lignes de chemin de fer – ont généralement été financés via des prêts aux conditions opaques.
Résultat : certains pays tombent dans ce qu’on appelle « le piège de la dette ». Incapable de rembourser un emprunt d’un milliard de dollars contracté auprès de la Chine pour la construction d’une autoroute, le Monténégro a ainsi fait appel à l’UE, l’été dernier, pour éviter d’être contraints de rembourser Pékin en terres s’il faisait défaut.
Se démarquer des pratiques de la Chine
Pour mieux se démarquer des pratiques de la Chine, la Commission promet donc des partenariats « d’égal à égal » et des projets « respectueux des valeurs démocratiques ».
Global Gateway prévoit des investissements d’une valeur de 135 Md EUR qui proviendront, en partie, du Fonds européen pour le développement durable (FEDD+) et de la Banque européenne d’investissement (BEI), ainsi que des subventions à hauteur de 18 Md EUR puisées dans d’autres programmes d’aide extérieure de l’UE.
Les institutions financières des États membres et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) apporteront pour leur part des financements provenant de leurs propres réserves, pour 145 Md EUR.
Bruxelles étudie également la possibilité de mettre en place une facilité européenne de crédits à l’exportation, qui viendraient compléter les dispositifs nationaux et viseraient à garantir aux entreprises européennes des conditions de concurrence plus équitables sur des marchés étrangers.
Un catalogue de bonnes intentions ?
« L’enfer est pavé de bonnes intentions », ironise un expert des questions commerciales au sein du groupe des Verts au Parlement européen. Car si, politiquement, le message envoyé à la Chine est fort, à ce stade le projet se résume « à un catalogue de bonnes intentions », observe cette même source.
La présentation du plan n’a en effet pas été accompagné d’une liste de projets à entreprendre immédiatement ni d’un calendrier d’exécution. Une absence de précisions qui a suscité de nombreuses critiques dans les capitales européennes. « Face à l’initiative chinoise, qui a déjà pris des années d’avance, nous devons apporter une réponse concrète », abonde un diplomate français en poste à Bruxelles. En huit ans la « Belt and Road Initiative » (BRI) englobe déjà 13 000 projets dans 165 pays.
Selon nos informations, le projet Bella officiellement lancé en septembre dernier et qui prévoit la construction d’un câble sous-marin à fibres optiques de 35 000 kilomètres pour relier l’Europe à l’Amérique latine figurera parmi les projets du Global Gateway.
La Commission souhaiterait également mobiliser 2,4 Md EUR d’aide à l’Afrique subsaharienne et un peu plus d’un milliard d’euros aux pays du nord du continent pour promouvoir les énergies renouvelables et étendre les réseaux transeuropéens de transport aux Balkans.
A suivre…
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
Pour en savoir plus : pour accéder au site de la Commission européenne consacrée au « Global Gateway », cliquez ICI