La Géorgie vient de se doter d´un nouveau code des taxes très libéral. Cette république du Caucase veut améliorer le climat des affaires afin d´attirer les investisseurs étrangers.
Ce n´est pas parce qu´on se présente comme ultralibéral qu´il ne faut pas collecter l´impôt. Tout à sa révolution, le gouvernement géorgien tente d´atteindre un équilibre qui lui permette à la fois de rester en ligne avec son idéologie, proche des libertariens américains, tout en gardant les moyens de financer ses réformes visant à transformer la jeune république en État de type occidental. Pour mieux s´extraire de la sphère d´influence russe.
L´adoption d´un nouveau code des taxes et des douanes, le 17 septembre dernier, va en ce sens. C´est l´acte II de la libéralisation en la matière. La ligne très libérale, instaurée en 2004 avec l´adoption d´un nouveau code des taxes, est maintenue : 6 taxes au lieu de 21, des taux abaissés, des procédures simplifiées… Du jamais vu en ex-URSS !
Cette année, il s´agit « à la fois de simplifier encore davantage les textes, de les rendre plus prédictibles pour les contribuables tout en encourageant tout le monde, notamment les petits entrepreneurs, à sortir de l´économie de l´ombre », explique Roussoudan Kémoularia, vice-ministre des Finances. Les notions de « PME » et de « micro-business » sont apparues à cette fin dans la législation. Les petits entrepreneurs étant dispensés d´impôts pour ce faire.
Le nouveau code se caractérise d´abord par la fusion de celui des taxes avec celui des douanes. « C´est unique au monde. Nous voulions simplifier le codex pour le contribuable », raconte Roussoudan Kémoularia. Si l´argument ne séduit pas les praticiens du droit fiscal géorgien, il n´en va pas de même du « système de décision anticipée », qui semble faire l´unanimité. Il consiste à ce que, en cas de doute sur la nature ou le montant des taxes à payer, chaque entreprise peut poser la question à l´administration fiscale et la réponse qu´elle recevra aura force juridique. « C´est vraiment le point positif de ce nouveau code. Vous savez comment les autorités fiscales vont réagir, vous êtes protégés », estime Natalia Merabichvili, associée du cabinet d´avocats BLC, à Tbilissi, membre du French Business Council.
D´autres mesures sont de nature à améliorer le climat d´affaires et d´investissement. C´est le cas avec la création d´un poste d´« ombudsman des taxes », médiateur chargé de protéger le contribuable contre l´administration fiscale. Mesure qui s´accompagne de la création de la notion de « bonne foi » : le contribuable ayant commis une infraction mais en croyant bien faire ne sera plus puni.
Jusqu´à aujourd´hui, l´orientation très libérale de la politique économique et fiscale géorgienne s´accompagne d´une pratique parfois en contradiction avec les intentions affichées. La police financière, rebaptisée « Service d´enquête du ministère des Finances », a tendance à multiplier les descentes dans les entreprises. Elle est visiblement encouragée à « faire du chiffre. » C´est d´autant plus facile que « la charge de la preuve est inversée, qu´il y a une sorte de taxation d´office, déterminée par le Service d´enquête selon sa façon de voir, et que la notion de prescription fiscale n´existe pas vraiment. On ne peut pas se dire superlibéral et avoir des pratiques opposées », déplore Antoine Bardon, associé de Capital Vostok.
« Dans le nouveau code, nous avons limité la marge d´interprétation des enquêteurs, qui doivent avoir de vraies preuves pour pouvoir entamer une investigation », souligne R. Kémoularia.?Il semble qu´une volonté de dépersonnaliser les inspections soit à l´œuvre, selon des avocats et entrepreneurs auxquels nous nous sommes adressés. « Cela dépend de la volonté politique parce que l´on peut toujours interpréter ce qu´est une preuve suffisante », pense Natalia Merabichvili.
En ces temps de crise, Tbilissi racle aussi les fonds de tiroirs. Alors que le gouvernement avait annoncé une réduction progressive du taux d´imposition unique, lequel devait passer à 15 % en 2013, il sera en fait maintenu à 20 % jusqu´en 2012, puis abaissé à 18 % pour les deux années suivantes. Malgré tout, le président Saakachvili veut assurer les investisseurs que le cours de sa politique très attractive sera maintenu sur le long terme. Lui qui a notamment éradiqué la corruption de toutes les administrations du pays, sitôt après la révolution des roses, fin 2003.
Il voudrait faire passer cet automne un « Act of Economic Liberty » pour geler le niveau des taxes ainsi que le cadre budgétaire et financier très libéral qu´il a instauré. « La volonté est bien là, mais la période n´est pas propice pour l´adoption d´une telle loi constitutionnelle. Cela l´est d´autant plus qu´il doit s´accorder avec les règles européennes, puisque la Géorgie négocie depuis cet été un accord d´association avec Bruxelles », précise Irakli Matkava, le directeur de l´Agence nationale pour l´investissement.
Régis Genté, à Tbilissi
Trois questions à Mamuka Kudava, ambassadeur de Géorgie en France
À quelques jours de la tenue, prévue à Paris le 25 novembre, du prochain forum d´affaires franco-géorgien, co-organisé par le French Business Council et Medef International, l´ambassadeur de Géorgie en France, Manuka Kudava, livre les perspectives offertes par ce pays très ouvert aux entreprises françaises.
Le Moci. Comment comptez-vous attirer les investisseurs étrangers, en particulier français ? Avez-vous des objectifs en termes de savoir-faire, de technologies, de secteurs qui vous intéressent particulièrement en France ?
Mamuka Kudava. Les hommes d´affaires sur place sont satisfaits pour plusieurs raisons. Tout d´abord, c´est un pays qui ressemble beaucoup à la France : le mode de vie, la culture aussi. Ensuite, la dynamique de la croissance y est très forte. Troisièmement, le climat des affaires est favorable de façon spectaculaire, comme l´indiquent différentes organisations internationales comme la Banque mondiale (11e du classement Doing Business) ou Transparency International (classement en termes de corruption).
Depuis 2003, l´administration a choisi une économie très libérale. Les taxes sont les plus basses dans la région. La lutte contre la bureaucratie et la corruption a été une priorité. Il est facile de s´y installer : on obtient une licence en un seul jour. Le code du travail est libéral aussi. Ce qui nous freine dans le développement des relations avec la France, c´est plutôt l´histoire. Nous sommes dans une région qui n´était pas forcément dans l´intérêt principal de la France.
Quant à nos priorités actuelles, en termes d´attraction des investissements étrangers, elles sont dans le secteur de l´énergie, les infrastructures, notamment celles liées au tourisme, ainsi que dans l´agriculture. Dans ces grands secteurs, nous sommes intéressés par l´apport de nouvelles technologies. Et, dans tous ces domaines, la France est bien placée pour avoir un rôle.
Le Moci. À court terme, que faire pour dynamiser les échanges franco-géorgiens ?
Mamuka Kudava. Le rapprochement avec l´Union européenne va jouer un rôle dominant, même si la France n´est pas parmi nos premiers partenaires commerciaux européens. Déjà, le régime de facilitation de visas pour une quinzaine de catégories (hommes d´affaires, journalistes, étudiants etc.). va amener plus de Géorgiens ici.
Deuxièmement, il y a une convention bilatérale avec la France pour éviter la double imposition. Finalement, c´est notre image d´une économie ouverte, transparente et libérale qui peut attirer de plus en plus de compagnies.
Le Moci. Ce qui a pu freiner des projets d´investissement majeurs, ce sont aussi les tensions avec la Russie, dont l´une des dernières manifestations a été le veto brandi par votre pays à une éventuelle adhésion de la Russie à l´OMC. Est-ce qu´on peut espérer à court terme qu´elles s´apaisent ?
Mamuka Kudava. L´image de la Géorgie que donnent à l´extérieur les problèmes liés à la Russie n´aide pas.?Et cette guerre d´invasion en 2008 a eu un effet négatif. Mais, sur le terrain, il n´y a aucun problème, le développement et la croissance sont là, le pays est sûr. On espère que les relations avec la Russie vont s´apaiser, même si cela ne dépend pas de nous. C´est la Russie qui impose un embargo sur nos produits depuis 2006. En ce qui concerne la question de l´OMC, nous ne lions pas notre accord sur l´adhésion de la Russie à l´embargo. La priorité pour nous est le commerce entre les deux pays. Nous sommes pour l´adhésion de la Russie, mais dans le respect des règles de l´OMC sur les douanes.?À cet égard, il doit y avoir des contrôles des deux côtés dans les provinces occupées. Nous demandons que nos douaniers puissent être présents dans ces provinces.
Propos recueillis par Christine Gilguy et Nataša Laporte
Bloc-notes
Forum d´affaires franco-géorgien
25 novembre 2010, Paris
Contact : à l´ambassade de Géorgie à Paris,
tél. : 01 45 02 16 16