Christian Queffelec a pris la présidence de Bretagne Commerce International (BCI) le 5 octobre dernier. L’occasion de faire avec lui un tour d’horizon des principaux travaux mis en chantier par la structure pour mieux accompagner les entreprises bretonnes et de balayer en sa compagnie les principaux défis à venir.
Le Moci. Quels sont les grands objectifs que vous vous fixez pour mieux servir les entreprises exportatrices bretonnes ?
Christian Queffelec. En tant que référent exclusif de la Team France Export en Bretagne, nous avons le devoir de faire en sorte que tous les acteurs autour de la table (entreprises, Conseil régional de Bretagne, CCI Bretagne, Business France, Bpifrance, etc.) continuent de travailler ensemble pour servir les besoins de nos entreprises à l’international. La plupart de nos adhérents sont des PME de moins de 70 salariés et 40% d’entre elles opèrent dans le secteur de l’agroalimentaire et de l’agriculture. C’est d’ailleurs cohérent avec les spécificités de la région Bretagne, une des toutes premières régions de France dans cette filière.
BCI jouit au demeurant d’une excellente image auprès de ses adhérents PME car elle leur apporte l’information indispensable dont elles ont besoin pour partir et se développer à l’export. Les ETI, elles, ont souvent en interne toutes les ressources nécessaires pour faire de la veille à l’international, par exemple, et l’amélioration du niveau de formation des salariés ces dernières années y a aussi contribué de façon sensible. Les élections des chambres de commerce et d’industrie territoriales (CCIT) se sont déroulées du 27 octobre au 9 novembre. Il y aura donc une nouvelle présidence à la tête de CCI Bretagne dont l’installation se fera en décembre.
J’attends de savoir quel nouveau visage incarnera la gouvernance de l’une de nos tutelles. Nous devons conforter les liens que nous avons avec elles. En tant que président de BCI, j’ai à cœur d’éviter les recouvrements des programmes d’action avec les différents organismes nationaux et régionaux car l’argent public doit être déployé avec précision et efficience. Lors de notre dernière assemblée générale début octobre, le directoire a été renouvelé à moitié et de nouveaux dirigeants d’entreprises, hommes et femmes, nous ont rejoints. De nouvelles idées et de nouvelles compétences ont enrichi notre organisation.
En tant que président de BCI, j’ai à cœur d’éviter les recouvrements des programmes d’action avec les différents organismes nationaux et régionaux car l’argent public doit être déployé avec précision et efficience.
Le Moci. Quels sont vos principaux chantiers de transformation en interne au sein de BCI ?
Christian Queffelec. En l’espace de 12 à 18 mois, les entreprises ont dû accélérer leur transformation digitale. Pendant le confinement, nous avons basculé en numérique plusieurs services proposés par BCI : réunions d’information transformées en webinaires, les rencontres d’acheteurs étrangers avec des entreprises bretonnes via visioconférence, la transformation de notre événement phare l’Open de l’international en événement digital. L’ergonomie de notre site web a été optimisée également.
Bien que je sois intimement convaincu que les salons et foires avec leurs contacts humains sont indispensables à la bonne marche du commerce, force est de constater que le numérique représente un puissant levier d’amélioration de la productivité et de l’efficacité des organisations. Quand un patron doit se déplacer pour une réunion, c’est toujours du temps qui est mobilisé uniquement pour cela.
Certaines séances d’informations réglementaires peuvent très bien se faire sous un format numérique à distance. Nous avons aussi lancé une plateforme Suppliers from Bretagne à destination d’acheteurs étrangers qui servira de plateforme de marché virtuelle aux entreprises adhérentes.
Certaines séances d’informations réglementaires peuvent très bien se faire sous un format numérique à distance.
Le Moci. Comment les PME/PMI bretonnes ont-elles traversé les premiers actes de la crise Covid-19 sur le volet export ? Comment anticipez-vous l’année 2022 ?
Christian Queffelec. Le secteur agroalimentaire s’est très bien maintenu avec des flux de production qui ne se sont pas taris. En revanche, toute la filière de sous-traitance aux constructeurs automobiles et aéronautiques a été durement éprouvée par les retombées économiques de la crise sanitaire.
Beaucoup d’entreprises ont stoppé leurs efforts de prospection pendant la crise et se sont concentrées sur une clientèle à l’export solvable et fiable. Elles n’ont donc pas abandonné l’export, loin de là mais elles ont révisé leurs priorités dans le domaine.
En ce moment, ce sont surtout les questions de pénurie mondiale de semiconducteurs, de renchérissement du coût des matières premières, et des expéditions qui posent problèmes, d’autant plus qu’il est compliqué de les reporter sur les consommateurs, mais c’est difficilement évitable.
Après le déconfinement et la hausse du taux de vaccination de la population en France et dans le reste de l’Union européenne, certains salons ont fait le plein très rapidement, dès leur annonce. Malheureusement, avec la reprise de la vague épidémique, il y a fort à craindre que des annulations ou des reports aient lieu.
En ce moment, ce sont surtout les questions de pénurie mondiale de semiconducteurs, de renchérissement du coût des matières premières, et des expéditions qui posent problèmes.
Le Moci. Les ressources humaines et les recrutements sont particulièrement sous tension actuellement. Comment est la situation pour les patrons bretons en ce moment ?
Christian Queffelec. C’est effectivement un des principaux défis auxquels nos adhérents font face à l’heure actuelle. A fortiori, dans certains secteurs ne demandant pas une main d’œuvre très qualifiée. Nous proposons sur notre site une CVthèque mais ce sont souvent des jeunes diplômés et non des personnes peu diplômées.
Cela a d’ailleurs bien fonctionné pour de nombreux jeunes frais émoulus de leurs établissements d’enseignement supérieur qui ont ainsi pu faire leur stage et valider leur cursus de formation au sein de PME bretonnes, quand les conventions qu’ils avaient signées avec des sociétés à l’étranger ont dû être abandonnées en raison des confinements des pays où ils pensaient se rendre pour faire leurs stages.
Le Moci. Les PME doivent décarboner leur chaîne de production. Comment les accompagnez-vous sur ce chemin ? Quels sont leurs principaux besoins de vos adhérents ?
Christian Queffelec. Dans le cadre de notre assemblée générale début octobre, nous avons pu écouter le témoignage de 5 dirigeants d’entreprises bretonnes (Valorex, Claripharm, Tibot, N2C et Amstratgraph) qui nous ont expliqué en quoi la RSE pouvait représenter des leviers de croissance post-Covid à l’international, en contribuant à la création d’opportunités sur leurs marchés respectifs à l’export.
Nous comptons à ce sujet sur Bretagne Développement International (BDI) pour leur apporter des solutions innovantes dans ce domaine (ex : valorisation des déchets dans l’agroalimentaire). Cela peut passer par une médiation leur permettant de rencontrer les bons chercheurs scientifiques sur tel ou tel sujet. L’énergie aussi est au cœur des préoccupations de BCI car en Bretagne, à part la Rance, nous n’avons pas beaucoup d’infrastructures de production énergétique.
Par conséquent, nous sommes très attentifs à tout ce qui touche aux énergies alternatives comme l’hydrogène, filière sur laquelle nos confrères de BDI sont très actifs. Les PME bretonnes sont donc plus demandeuses de solutions, le financement de cette transition ne les inquiète pas outre mesure.
Nous sommes très attentifs à tout ce qui touche aux énergies alternatives comme l’hydrogène, filière sur laquelle nos confrères de BDI sont très actifs.
Le Moci. Nokia a lancé le 4 novembre son centre européen d’excellence à Lannion mais est-ce suffisant pour rassurer complètement le spécialiste des télécoms et du numérique que vous êtes ?
Christian Queffelec. J’ai eu l’occasion au cours de ma carrière dans la sphère des télécoms d’observer la bataille de groupes comme Alcatel (devenu Nokia) face à leurs concurrents chinois en Afrique, par exemple. Le fait qu’un centre d’excellence soit installé à Lannion est un sujet de satisfaction bien entendu, d’autant que le groupe a failli quitter ce berceau des télécoms.
La Bretagne reste aussi une terre très riche en compétences cyber qu’il convient de faire fructifier.
Au niveau de BCI, nous avons à cœur de promouvoir et de défendre les entreprises, toutes filières confondues. Nous avons ainsi un partenariat avec la Direction générale de l’armement (DGA) pour accompagner les entreprises duales qui développent des produits et solutions aux applications à la fois civiles et militaires. La Bretagne reste aussi une terre très riche en compétences cyber qu’il convient de faire fructifier.
Nous nous y employons en faisant le maximum pour que les dirigeants de ces structures soient aidés et accompagnés comme il se doit, c’est ce qui rend d’autant plus justifiée leur implantation sur notre territoire régional.
Emmanuelle Serrano