Les restrictions sanitaires ne freinent pas sa stratégie d’expansion en Asie. Le fabricant français de matériel d’élévation de charges et de personnes, le groupe Haulotte, investit 35 millions d’euros dans une nouvelle usine XXL en Chine. Objectif : sur un marché local qui explose, multiplier par sept son chiffre d’affaires.

« Le marché chinois est en phase d’émergence forte. En 10 ans, le pays est passé d’une demande globale de 10 000 nacelles par an à 150.000 ! ». Stéphane Hubert, directeur expérience client du groupe ligérien Haulotte (2 000 salariés; CA 2020 : 439,6 millions d’euros; CA 2019 : 610,8 millions d’euros), égrène les chiffres : « L’accélération est encore plus remarquable ces trois dernières années : 30 000 nacelles commandées aux fabricants il y a 3 ans, 150 000 cette année 2021 ».
Depuis peu, la Chine est ainsi passée allégrement devant les États-Unis, bastion historique du fabriquant français, pour se positionner comme le premier marché mondial de la nacelle. Et le potentiel s’annonce explosif : Stéphane Hubert, s’appuyant sur les analyses d’experts, estime à encore moins de 50 % le taux d’équipement de la Chine.
Un Flagship industriel
C’est dans ce contexte mondial que le fabricant français de matériels d’élévation de personnes et de charges, dirigé par Alexandre Saubot (par ailleurs président de France Industrie), investit quelque 35 millions d’euros dans la construction d’une nouvelle usine chinoise de 40 000m² à Changzhou, dans la province du Jiangsu, au sud du pays. Haulotte y disposait déjà depuis dix ans d’un petit site industriel de 5 000m² (150 salariés) mais il a décidé de changer de braquet.
La construction de cette nouvelle usine, qui pourra employer jusqu’à 400 personnes, vient d’être terminée. Vont se mettre désormais en place les phases de montage des lignes de production et d’industrialisation. Mise en service annoncée pour le premier semestre 2022.

« Cette nouvelle usine sera un flagship industriel pour le groupe. Par sa taille,- elle représente l’équivalent de nos trois usines françaises-, mais aussi par les méthodes de production 4.0 que nous allons mettre en œuvre », promet le directeur industriel d’Haulotte, Patrice Métairie. « Ces nouveaux outils sont pour l’instant pensés pour la Chine, ils seront éprouvés et améliorés là-bas, puis nous pourrons les déployer sur nos autres usines ».
Une nouvelle usine co-pilotée depuis la France
La construction et désormais la phase d’industrialisation sont suivies à distance, depuis la France. Faute de déplacements possibles sur place en raison des restrictions sanitaires sévères imposées par la Chine, le chef de projet français dédié à l’opération (qui devait s’y rendre en mars 2020), se voit contraint de piloter à distance, épaulé par le directeur de la première usine chinoise.
« Nous menons un projet par procuration, plaisante Patrice Métairie. Mais nous avons jusqu’ici parfaitement réussi puisque nous n’avons pas pris un seul jour de retard ».
Pour cette nouvelle étape de montage et d’industrialisation, les techniciens sur place seront équipés de système de réalité virtuelle. « Ces dispositifs sont très prometteurs. Il n’y aura pas de surcout, on fera peut-être même des économies. Nous aurons des difficultés, des problématiques à solutionner c’est certain mais cela nous obligera à nous remettre en question, à nous réinventer ».
Multiplier par sept le chiffre d’affaires réalisé en Chine
Avec cette nouvelle usine, Haulotte compte multiplier par sept son chiffre d’affaires réalisé actuellement en Chine (montant non communiqué), à horizon de 5 à 8 ans. En s’appuyant sur l’explosion du marché mais aussi sur l’amélioration de son offre et de ses positions.
Un véritable défi dans un environnement local de plus en plus concurrentiel. « Nous figurons actuellement dans le TOP 5 des fournisseurs de nacelles pour la Chine. Ce Top 5 évolue très vite puisque nous y avons vu récemment entrer en force plusieurs géants chinois, des groupes généralistes avec une force de frappe très importante », note Stéphane Hubert.
Le renforcement local de ses capacités de production doit permettre à Haulotte de proposer au marché chinois un élargissement de la gamme d’engins produits sur place. Avec à la clé un gain de compétitivité prix (coûts de transports depuis l’Europe économisés et frais de douane à l’entrée en Chine) mais aussi un gain notable en matière de réactivité. « Les Chinois sont exigeants en termes de délais. Nous serons capables d’être aussi réactifs que nos concurrents chinois puisque nos machines n’auront pas à subir plusieurs semaines de transport », relève le directeur industriel de Haulotte.
Le basculement vers l’énergie électrique opéré depuis plusieurs années par l’industriel français ainsi que la digitalisation de son offre, devraient également lui assurer des arguments supplémentaires intéressants.
Outre la Chine, cette nouvelle usine permettra d’alimenter également l’Asie Pacifique, zone qui a pesé pour 22 % en 2020 dans le chiffre d’affaires du fabricant de nacelles (5 filiales, 60 distributeurs sur la zone Asie Pacifique). Le reste de son activité étant assurée à 56 % par l’Europe, 16 % par l’Amérique du Nord et 6 % par l’Amérique latine.
Autre retombée attendue de ce nouveau site industriel XXL : le renforcement des relations avec les fournisseurs chinois, permettant de sécuriser le sourcing de l’ensemble des usines du groupe (trois usines en France, une en Roumanie, une aux Etats-Unis). « En cas de défaillance en Europe, le double sourcing est important », conclut le directeur industriel.
Stéphanie Gallo