Parmi les propositions du plan « Fit for 55 » présenté par la Commission européenne mercredi 14 juillet pour concrétiser le Pacte Vert européen, visant à réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, figure la taxation du kérosène. Un sujet qui oppose d’un côté l’IATA (International Air Transport Association) et, de l’autre, les associations professionnelles européennes.
Mesure contre-productive ou inévitable pour atteindre les objectifs de l’Union européenne ‘UE) en matière de réduction des gaz à effet de serre ?
Tels sont les termes du débat qui agite le monde de l’aviation, secteur particulièrement visé par les 10 propositions de la Commission européenne pour mettre en pratique le Pacte Vert européen, adopté en juin 2019. Ces dernières prévoient en effet, via l’initiative ReFuelEU Aviation, que les fournisseurs de carburants accroissent la part des carburants d’aviation durables dans les carburéacteurs embarqués dans les aéroports de l’UE, y compris les carburants de synthèse («e-fuels») à faible teneur en carbone.
L’IATA vent debout contre le principe de taxation du kérozène
En outre, « le système de taxation des produits énergétiques doit également préserver et améliorer le marché unique et soutenir la transition écologique en proposant les incitations appropriées », selon la Commission européenne. Traduction : il va falloir taxer le kérosène utilisé pour les vols intra-européens, jusqu’à présent dispensés de taxes pour éviter la concurrence entre États membres.
Le fret et l’aviation d’affaires auraient cependant droit à un régime spécial avec la mise en place progressive d’une taxe sur 10 ans.
En parallèle, la Commission propose l’augmentation du seuil minimal de biocarburants, l’alignement sur le régime mondial de compensation et de réduction de carbone (CORSIA) ainsi que la suppression des quotas d’émission à titre gratuit (les « permis de polluer ») à l’horizon 2026. Bref, de quoi faire monter au créneau l’IATA, qui regroupe quelque 300 compagnies aériennes du monde entier.
L’association s’est ainsi fendue d’un communiqué dans lequel son directeur général, Willie Walsh, pourfend les propositions émises par la Commission européenne : « Nous n’avons pas besoin de mesures dissuasives ou punitives comme des taxes pour motiver le changement. De fait, les taxes siphonnent l’argent que l’industrie pourrait investir dans la réduction des émissions, comme le renouvellement des flottes et les technologies propres. Pour réduire les émissions, nous avons besoin que les gouvernements mettent en place un cadre politique constructif qui, dans l’immédiat, se concentre sur des incitations à la production de carburants durables et la concrétisation du ciel européen unique. »
L’aviation européenne soutient la Commission
Autre son de cloche du côté d’ACI Europe (Airports Council International Europe, association professionnelle des aéroports européens). « Le programme Fit for 55 fournit un cadre commun et des objectifs clairs au regard de l’initiative ReFuel EU Aviation et de la régulation des infrastructures de carburants alternatifs », estime l’association dans un communiqué. En outre, ACI Europe rappelle que ces propositions rejoignent l’objectif de zéro émission de CO2 d’ici à 2050 pour tous les vols européens (depuis, à destination de et dans l’Europe).
En effet, ACI Europe et les associations Airlines for Europe (compagnies aériennes européennes), ERA (compagnies aériennes régionales européennes), CANSO (organisation des services de navigation aérienne civile) et ASD (industrie aéronautique, spatiale et militaire) ont pris les devants en proposant un Pacte européen pour une aviation durable, piloté par la Commission. Il s’agit de proposer une feuille de route commune pour les industriels et les dirigeants politiques afin d’harmoniser leurs actions afin d’atteindre les objectifs climatiques 2030 et 2050.
En février dernier, ces organisations ont lancé Destination 2050, un programme de mesures visant des émissions nulles en 2050 grâce à quatre axes : l’amélioration technologique, les carburants durables, des mesures économiques et l’amélioration de la gestion du trafic aérien.
Bref, ce débat entre les partisans d’un cadre politique fort et les partisans d’initiatives strictement industrielles est déjà bien nourri et n’est pas terminé. Il faudra en effet entre 12 et 18 mois pour que les mesures proposées par la Commission soient adoptées par chaque Etat membre.
Sophie Creusillet