La Commission européenne a adopté mercredi 14 juillet 10 propositions visant à adapter les politiques de l’Union européenne (UE) en matière de climat, d’énergie, d’utilisation des terres, de transport et de fiscalité pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Un dossier à suivre de près par les entreprises puisqu’il touche à pratiquement tous les secteurs, incluant le projet de mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, ou ‘taxe carbone aux frontières’.
Ce ne sont plus 40 % mais 55 % de réduction des gaz à effet de serre (GES) d’ici à 2030 (et par rapport à 1990) que vise désormais l’UE afin de s’aligner sur l’Accord de Paris. Elle veut aussi parvenir à la neutralité carbone en 2050 et concrétiser le Pacte Vert pour l’Europe, voté en décembre 2019. Petit tour d’horizon de ces 10 propositions et leurs conséquences sur les entreprises.
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Abaisser le plafond global des émissions et relever le taux annuel de réduction
Le système d’échange de quotas d’émission (SEQE) de l’Union fixe le prix du carbone et abaisse chaque année le plafond applicable aux émissions de certains secteurs économiques. La Commission propose désormais d’abaisser encore le plafond global des émissions et de relever son taux annuel de réduction.
Elle propose également de supprimer progressivement les quotas d’émission à titre gratuit pour l’aviation, de s’aligner sur le régime mondial de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale (CORSIA) et d’intégrer pour la première fois les émissions du transport maritime dans le SEQE de l’UE.
Afin de remédier à l’absence de réduction des émissions dans les transports routiers et les bâtiments, un nouveau système d’échange de quotas d’émission distinct est mis en place pour la distribution de carburant pour le transport routier et les bâtiments.
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Consacrer les recettes de l’échange de droits d’émission à des projets liés au climat et à l’énergie
Une partie spécifique des recettes générées par le nouveau système applicable au transport routier et aux bâtiments devra être consacrée aux mesures permettant de s’attaquer aux répercussions sociales sur les ménages vulnérables, les microentreprises et les usagers des transports.
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Elargir les secteurs concernés
Le règlement sur la répartition de l’effort assigne à chaque État membre des objectifs renforcés de réduction des émissions pour les bâtiments, le transport routier et le transport maritime intérieur, l’agriculture, les déchets et les petites industries. Ces objectifs, qui tiennent compte de la situation de départ et des capacités de chaque État membre, sont fondés sur le PIB par habitant et ajustés en fonction du rapport coût-efficacité.
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La foresterie et l’agriculture devront absorber 310 millions de CO2 d’ici à 2030
Les États membres étant conjointement responsables de l’élimination du carbone dans l’atmosphère, le règlement sur l’utilisation des terres, la foresterie et l’agriculture établit, pour l’Union, un objectif global d’absorption de carbone par les puits naturels équivalant à 310 millions de tonnes d’émissions de CO2 d’ici à 2030.
Les objectifs nationaux imposeront aux États membres de préserver et développer leurs puits de carbone pour atteindre cet objectif global.
D’ici à 2035, l’Union devra s’efforcer de parvenir à la neutralité climatique dans les secteurs de l’utilisation des terres, de la foresterie et de l’agriculture, y compris en ce qui concerne les émissions autres que celles de CO2 du secteur agricole, telles que celles provenant de l’utilisation d’engrais et de l’élevage.
La stratégie de l’Union pour les forêts vise à accroître la qualité, la quantité et la résilience des forêts de l’Union. Elle soutient les exploitants forestiers et la bioéconomie forestière tout en veillant à la durabilité de la récolte et de l’utilisation de la biomasse, en préservant la biodiversité et en établissant un plan pour la plantation de trois milliards d’arbres à travers l’Europe d’ici à 2030.
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Augmenter la part des énergies renouvelables à 40 %
La production et l’utilisation d’énergie représentant 75 % des émissions de l’Union, la directive sur les énergies renouvelables relèvera l’objectif de production de telle sorte que la part de l’énergie produite à partir de sources renouvelables atteigne 40 % d’ici à 2030. Tous les États membres contribueront à la réalisation de cet objectif, et des objectifs spécifiques sont proposés en ce qui concerne l’utilisation des énergies renouvelables dans les transports, les systèmes de chauffage et de refroidissement, les bâtiments et l’industrie.
Les critères de durabilité pour l’utilisation de la bioénergie sont renforcés et les régimes d’aide en faveur de la bioénergie élaborés par les États membres devront respecter le principe de l’utilisation en cascade de la biomasse ligneuse (bois, feuilles mortes, paille, fourrage).
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Réduire la consommation d’énergie avec un objectif annuel plus contraignant
Afin d’abaisser la consommation globale d’énergie, de réduire les émissions et de lutter contre la précarité énergétique, la directive sur l’efficacité énergétique fixera, au niveau de l’Union, un objectif annuel contraignant plus ambitieux.
Elle orientera la manière dont les contributions nationales sont établies et multipliera presque par deux l’obligation annuelle en matière d’économies d’énergie pour les États membres. Le secteur public sera tenu de rénover 3 % de ses bâtiments chaque année afin de lancer la vague de rénovations, de créer des emplois et de faire diminuer la consommation d’énergie et les coûts pour le contribuable.
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100 % des véhicules commercialisés à partir de 2035 seront à émission nulle
En plus de l’échange d’émissions, une combinaison de mesures est nécessaire pour lutter contre la hausse des émissions dans le transport routier.
Des normes plus strictes en matière d’émissions de CO2 pour les voitures et les camionnettes accéléreront la transition vers la mobilité à émissions nulles en imposant une réduction des émissions moyennes des voitures neuves de 55 % à partir de 2030 et de 100 % à partir de 2035 (par rapport aux niveaux de 2021).
En conséquence, toutes les voitures neuves immatriculées à partir de 2035 seront des véhicules à émissions nulles.
Pour permettre aux automobilistes d’avoir accès à un réseau fiable à travers toute l’Europe pour recharger ou ravitailler leurs véhicules, le règlement révisé sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs imposera aux États membres d’accroître leur capacité de recharge au rythme des ventes de véhicules à émissions nulles et d’installer des points de recharge et de ravitaillement à intervalles réguliers sur les grands axes routiers : tous les 60 kilomètres pour la recharge électrique et tous les 150 kilomètres pour le ravitaillement en hydrogène.
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Accroître la part des carburants durables dans l’aviation et le maritime
Les carburants d’aviation et les combustibles maritimes sont à l’origine d’une pollution importante et nécessitent aussi des mesures spécifiques, en plus de l’échange de quotas d’émission. Le règlement sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs exige que les aéronefs et les navires puissent s’alimenter en électricité propre dans les principaux ports et aéroports.
L’initiative «ReFuelEU Aviation» obligera les fournisseurs de carburants à accroître la part des carburants d’aviation durables dans les carburéacteurs embarqués dans les aéroports de l’Union, y compris les carburants de synthèse («e-fuels») à faible teneur en carbone.
De la même manière, l’initiative «FuelEU Maritime» encouragera l’utilisation de combustibles maritimes durables et de technologies à émissions nulles en imposant une limite maximale à la teneur en gaz à effet de serre de l’énergie utilisée par les navires faisant escale dans les ports européens.
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Réviser la directive sur les taxations
Le système de taxation des produits énergétiques doit également préserver et améliorer le marché unique et soutenir la transition écologique en proposant les incitations appropriées.
Une révision de la directive sur la taxation de l’énergie propose d’aligner la taxation des produits énergétiques sur les politiques de l’Union en matière d’énergie et de climat, en promouvant des technologies propres et en supprimant les exonérations obsolètes et les taux réduits qui encouragent actuellement l’utilisation de combustibles fossiles.
Les nouvelles règles visent à réduire les effets néfastes de la concurrence fiscale en matière d’énergie en contribuant à garantir aux États membres des recettes provenant des taxes « vertes », qui sont moins préjudiciables à la croissance que la fiscalité sur le travail.
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Adopter un nouveau mécanisme d’ajustement carbone aux frontières
Enfin, un nouveau mécanisme d’ajustement carbone aux frontières fixera un prix du carbone pour les importations de certains produits afin d’éviter qu’une action climatique ambitieuse en Europe ne provoque une « fuite de carbone ».
Il s’agit de garantir ainsi que les réductions d’émissions européennes auront pour effet de contribuer à la diminution des émissions au niveau mondial et non pas de repousser la production à forte intensité de carbone au-delà des frontières européennes. Ce mécanisme a aussi pour finalité d’encourager les industries en dehors de l’Union ainsi que nos partenaires internationaux à prendre des mesures allant dans le même sens.
En dehors de la directive sur la taxation de l’énergie, ce paquet législatif doit être adopté par chaque État membre, ce qui pourrait prendre de 12 à 18 mois. Un processus dans lequel la France pourrait tenir un rôle majeur en prenant la tête de la présidence de l’UE en janvier 2022.
SC