Les voyants de l’économie mondiale sont repassés au vert dans les dernières prévisions économiques de l’OCDE, mais la reprise ne sera par « ordinaire», comme pour les crises financières : elle dépendra fortement de la progression des taux de vaccination contre le coronavirus dans le monde. Et pour le moment, on est loin du compte.
C’est la bonne nouvelle de cette étude du premier semestre 2021 : la perspective de croissance du PIB mondial a été revue à la hausse par l’OCDE, qui table sur + 5,8 % en 2021 (4,2 % initialement prévu), soit le plus fort taux depuis 1973 même s’il ne suffira pas à remettre le compteur au niveau d’avant crise, et + 4,4 % en 2022.
« Certes, nous allons encore avoir 3 trillons de pertes d’ici 2022, l’équivalent de l’économie française, mais c’est moitié moins que ce qu’on pensait en décembre » a notamment souligné Laurence Boone, chef économiste française de l’OCDE*. En 2020, selon l’OCDE, la récession avait atteint -3,6 %.
Des écarts préoccupants
Mais il y a aussi une mauvaise nouvelle : en raison des incertitudes sur l’évolution de la pandémie, ces perspectives sont fragiles et incertaines et la croissance risque d’être très inégalement répartie, entre pays et, à l’intérieur des pays, entre catégories sociales, notamment dans les pays ne disposant pas de filets sociaux.
La zone euro devrait connaître une croissance plus forte qu’initialement prévu dès cette année de 4,3 % cette année (dont France 5,8 %, Allemagne 3,3 %, Italie, Espagne 5,9 %) et 4,4 % l’an prochain.
Elle reste en retard sur les Etats-Unis (6,9 % cette année, 3,6 % en 2022) et le Royaume-Uni (7,2 % pour 2021, 5,5 % en 2022), partis plus tôt dans les campagnes de vaccination. Quant à la Chine, elle n’a pas connu de récession en 2020 et sa croissance devrait s’accélérer pour atteindre 8,2 % cette année et 5,2 % l’an prochain.
A comparer aux grands pays émergents encore fortement touchés par la pandémie et ses retombées. Après un recul de -4,1 %, le PIB du Brésil ne progressera que de 3,7 % cette année et 2,5 % en 2022. La croissance de l’Afrique du Sud devrait être de 3,5 % en 2021 et 2,5 % 2022, après une récession de -7 % en 2020. Pour l’Inde, la récession a été de -7,7 % et la prévision pour 2021 table sur 9,9 % et 8,2 % en 2022 à condition que la nouvelle vague pandémique qui frappe violemment le pays depuis avril ne ruine pas ses espoirs.
L’inégalité touchera aussi les secteurs : les services qui impliquent un contact humain – le tourisme, les voyages, l’hôtellerie-restauration sont à cet égard les premiers concernés- seront fortement handicapés par rapport à l’industrie.
Entre moins d’un an et plus de 5 ans pour retrouver le PIB d’avant crise
Laurence Boon a mis en avant dans sa présentation un graphique (ci-dessous) qu’elle a elle-même qualifié de « dérangeant ». Il montre les écarts de temps que mettront les principaux pays à retrouver leur niveau de PIB d’avant la crise de la Covid-10.
L’écart va de moins d’un an à plus de cinq ans entre les pays qui ont d’ores et déjà rattrapé leurs pertes (Chine, Lituanie, Irlande, Corée du sud, Russie, Etats-Unis) et ceux qui n’y parviendront que dans 3 à 5 ans (Belgique, Croatie, Espagne, Islande, Mexique, Arabie saoudite, Argentine, Afrique du sud), soit en 2024-2025 !
La France se trouve dans un groupe de pays qui mettra entre 2 et 3 ans pour retrouver son niveau de PIB d’avant crise, vers 2023. Y figurent aussi l’Australie, la Suisse, la Hongrie, Israël, le Canada, la République Tchèque, la Grèce, l’Italie, les Pays-Bas, l’Autriche, le Brésil, la Colombie…
Un groupe de pays regagnera son PIB d’avant crise en 2 à 3 ans, soit en 2022 : Allemagne, Danemark, Estonie, Indonésie, Inde, Nouvelle-Zélande, Slovaquie, Suède.
« La meilleure politique économique est de vaincre le virus »
Parmi les facteurs clés du creusement de ces inégalités dans à cette crise, les taux inégaux de vaccination dans le monde, avec un écart frappant entre pays développés, qui ont massivement commencé à vacciner leurs populations, et pays émergents et en développement, qui se partagent le reste des doses face à une pandémie qui connaît des résurgences dans de nombreuses régions en raison de la propagation des variants du coronavirus, à commencer par l’Asie que l’on croyait sortie d’affaire.
Pour sa dernière apparition en tant que secrétaire-général de l’OCDE, Angel Gurria n’a pas lésiné sur le choc des mots : « la meilleure politique économique est de vaincre le virus », a-t-il lancé avant de passer le micro à Laurence Boone. Plus le taux de vaccination sera élevé, plus les restrictions sanitaires pourront être levées et la reprise se diffuser à toutes les activités.
Une des leçons qu’il tire de cette crise sanitaire est que face à un choc international comme la Covid-19, « il y a eu trop peu de coopération internationale », ce qui est une erreur dans un monde globalisé. Et de nombreuses incertitudes pèseront encore sur ces perspectives mondiales tant que la pandémie elle-même et son cortège de restrictions sanitaires ne sera pas endiguée. Le regain d’infections qui frappe actuellement de nombreux pays et certains pays développés comme le Royaume-Uni, aiguillés par les variants du Sars-CoV-2, le montre. Ce qui milite pour les efforts actuellement déployés sur le plan international pour augmenter et accélérer la diffusion des précieux sérums.
Christine Gilguy
*La vidéo de la présentation à la presse de ces perspectives, avec les différents slides, sont en ligne sur Youtube : cliquez ICI.
L’étude de l’OCDE sur les perspectives 2021 au premier semestre est disponible sur le site de cette organisation, au lien suivant : cliquez ICI.