Une plateforme BtoB en ligne spécialisée dans les produits agroalimentaires français premium à destination des acheteurs chinois, offrant traçabilité et transparence grâce à la blockchain : tel est le pari de Foodgates, une initiative française. L’entreprise a inauguré son site et signé un partenariat avec les Maîtres laitiers du Cotentin le 9 novembre 2020, lors de la foire internationale d’importation de la Chine (CIIE) de Shanghai.
Alors que l’économie mondiale et les entreprises nagent en pleine incertitude, Mathieu Borgé, cofondateur de Foodgates, déborde de confiance. « L’alignement des astres est parfait et nous arrivons au bon moment », estime-t-il. « Notre solution, qui est à ma connaissance une première mondiale, permet, pour les producteurs français, d’avoir une visibilité alors qu’il est impossible de faire de la prospection commerciale et, pour les acheteurs chinois, de garantir transparence et traçabilité alors que la question de l’approvisionnement et de la sécurité agroalimentaires est très vivace dans ce pays. »
Logistique, traçabilité, garantie de paiement
Développé à Shanghai au sein du groupe logistique français ASI, Foodgates donne aux acheteurs chinois la possibilité d’importer directement du bœuf du limousin, des huîtres normandes et bretonnes, ou encore des produits laitiers sans multiplier le nombre d’intermédiaires, toujours nombreux en Chine. Elle leur facilite la logistique, garantit la traçabilité et prend en charge le risque de change, autant d’obstacles qui peuvent entraver un exportateur.
Grâce à la technologie blockchain, la plateforme regroupe toutes les informations sur le produit (conditions de production, numéro du lot, conformité réglementaire, certification chinoise) et son acheminement vers l’Empire du milieu (date de l’enlèvement de la marchandise, itinéraire…). Des données accessibles grâce à un simple code QR apposé sur l’emballage.
Autre avantage : Foodgates, qui dispose de la licence d’importation de ASI (obligatoire pour importer en Chine), prend en charge la conversion renminbis/euros. Concrètement le distributeur, le restaurateur ou l’hôtelier chinois est facturé en renminbis et le producteur est payé en euros.
En outre, Foodgates travaille avec cinq transporteurs (deux maritimes et trois aériens) pour proposer une solution de fret avantageuse. « Grâce à cette diminution du nombre d’intermédiaires et à ces partenariats dans la logistique, nous sommes 30 % à 60 % moins chers, en fonction du produit, qu’en suivant un circuit classique », avance Mathieu Borgé.
Premiers conteneurs de vins et de biscuits
Foodgates, lancée avec 200 produits de 15 producteurs, totalise aujourd’hui 300 références de 25 producteurs. Et les premières commandes ont suivi : un conteneur de vin à destination de sociétés chinoises spécialisés dans l’événementiel et un autre chargé de biscuits chocolatés, pour un test dans dix magasins d’une grande enseigne locale, présente en ligne et dans des magasins physiques.
Du côté des producteurs, ce nouvel outil arrive à point nommé pour Guillaume Billard, directeur export des Maîtres laitiers du Cotentin : « En Chine, les produits laitiers ont profité du Covid car les autorités ont recommandé leur consommation pour renforcer le système immunitaire de la population. Même si cela ne repose sur aucune réalité scientifique, l’idée est que ce sont des produits sains, bons pour la santé. »
Pourtant échaudée par leur aventure avec le groupe chinois Synutra (les Maîtres laitiers avaient construit une usine pour ce partenaire avant que celui-ci ne rompe le contrat en 2017), la coopérative normande travaille toujours avec la Chine. « C’est un marché incontournable où nous exportons notre production en MDD mais où nous souhaitons aussi nous faire connaître », estime Guillaume Billard.
Pour ce faire, la coopérative normande a lancé une marque, « Normandie 1905 », en référence à l’année de sa création, et a choisi de proposer 10 références sur Foodgates dont des briquettes de 200 ml de lait infantile.
« Cette plateforme va nous donner une visibilité et mettre en valeur les qualités de notre produit tout en rassurant l’acheteur chinois sur les questions de traçabilité et de sécurité alimentaire », espère le directeur export. Si la coopérative exporte pour l’instant moins de 15 % de sa production, elle table sur un doublement de son chiffre d’affaire à l’export d’ici à trois ans, notamment grâce au lancement prochain de deux nouvelles marques. Les premières commandes sont en cours de finalisation.
Une plateforme en recherche de nouveaux produits
En ces temps de pandémie, alors que la Chine repart mais maintient des restrictions aux visiteurs étrangers, Foodgates propose une vitrine à des producteurs dans l’impossibilité de prospecter de nouveaux marchés et désireux de trouver des relais de croissance en Chine.
Mais Mathieu Borgé tient à la sélectivité de la démarche : « Nous ne souhaitons pas pour autant devenir une plateforme de trading classique. Nous voulons vraiment, en partant des besoins des Chinois, proposer les meilleurs produits de l’excellence à la française. »
Pour dénicher des pépites, il se tourne vers diverses structures de quatre régions : Anaa en Nouvelle Aquitaine, FoodLoire dans les Pays de la Loire, Ad’Occ en Occitanie et la Région en Normandie.
Comment Foodgates se paye ? Pour 1 à 10 produits mis en ligne, il en coûte pour le producteur un abonnement mensuel de 599 euros. Ensuite, l’acheteur chinois verse une commission de 10 % à 15 % du montant de la commande. Pour Mathieu Borgé, « c’est beaucoup moins que les 20 % ou 30 % demandés par un importateur chinois qui, de plus, n’est que l’un des intermédiaires ».
L’occasion donc de rendre compétitifs des produits premium dont les consommateurs chinois aisés sont particulièrement friands tout en étant très regardant sur la traçabilité.
« Une étude australienne a par exemple montré que 50 % de la viande de bœuf australienne commercialisée en Chine n’était ni australienne ni même du bœuf », alerte Mathieu Borgé.
Grâce à la technologie de la blockchain mise à disposition des PME et ETI, les Maîtres laitiers du Cotentin, malgré leur mésaventure avec Synutra, vont pouvoir exporter du lait infantile d’excellente qualité dans un pays où 12 ans plus tard, le scandale du lait contaminé à la mélamine est encore très vif.
Sophie Creusillet
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